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Quelles politiques territoriales face aux changements climatiques ?

II- b Les objectifs des PCET : l'articulation local/ global

Les PCET répercutent les mêmes probl��ati�ues �u'à l'��helle i�te��atio�ale, �’est-à-dire une réelle difficulté à mettre en place des stratégies d'adaptation vis-à-vis de l'atténuation.

Les étapes de la construction d'un PCET

La d��a��he d’u� PCET s’e�ta�e da�s u� p�e�ie� te�ps pa� u� dou�le diagnostic territorial : 1- Le premier porte sur le volet concernant l'atténuation, via un bilan carbone, et la mesure de la d�pe�da��e aux ��e�gies fossiles. Les �olle�tivit�s te��ito�iales s’e�gageant dans un PCET ont le choix entre deux types de bilan carbone, qui diffèrent de l'échelle spatiale : l'un obligatoire sur les bâtiments publics uniquement, et le deuxième non obligatoire basé sur l'ensemble des secteurs du territoire.

2- Le second diagnostic porte sur le volet de l'adaptation : il se construit par une évaluation des vulnérabilités sectorielles et territoriales face aux changements climatiques.

La démarche est confiée à des bureaux d'études, qui réalisent ces évaluations et des procédures de �o��e�tatio� d’expe�ts et plus ou �oi�s pa�ticipatives. Cette phase de diagnostic, préalable à la formalisation des grandes orientations et de la stratégie g����ale d’a�tio�, doit en effet intégrer une dimension de concertation avec les acteurs locaux et la population, notamment par la constitution de commissions de travail et de présentations publiques. La troisième étape vise à décliner un plan d'actions simple et opérationnel permettant de mettre en place des mesures visibles. Ce sont les besoins en ingénierie et en études techniques conduisant à l’�la�o�atio� de ��thodologies, �ui vo�t �t�e diffus�es et ��pli�u�es e�t�e les d��a��hes d’�la�o�atio� des PCET. Ce�i a pou� �o�s��ue��e u�e sta�da�disatio� des axes d’i�itiatives da�s la plupa�t des pla�s �li�ats : t�a�spo�t, �âti, ��e�gie (Bertrand, 2014). On retrouve les mêmes logiques que dans les plans internationaux sur le besoin de données sur les changements climatiques et de diffusion de celles-ci. « Une des principales activités liées aux politiques climatiques locales consiste à produire, traduire et diffuser des connaissances afin de mieux connaitre les contributions locales aux changements climatiques et affiner l'observation et la compréhension fine de leurs effets actuels et à venir » (Bertrand, 2008, p180). L'importance grandissante des organismes intermédiaires, étatiques ou non, montre l'importance de l'ingénierie et de la technicité dédiée à ces plans, il est donc difficile de faire émerger des dispositifs locaux s’appu�a�t su� u�e ��elle �o��aissa��e te��ito�iale.

115 Tableau n°10

La prise e� �ha�ge de l’adaptatio� et de l’att��uatio� da�s les PCET

Atténuation Adaptation Acteurs mis en

présence Diagnostic Émissions GES Vulnérabilité +

Énergie fossile Bureaux d'études Grandes orientations et stratégies Identification des secteurs polluants

Par secteurs et type de populations

Bureaux d'études + structure porteuse + Concertation par les

commissions Scénarios Socioéconomique et

de décarbonisation

Socioéconomique Bureaux d'études + structure porteuse Plan d'action Actions ciblées et

indicateurs

Actions ciblées et indicateurs

Bureaux d'études + structure porteuse + Concertation par les commissions et forum

Atténuation versus adaptation

Il est à noter que les politiques climatiques sont très faiblement contraignantes, elles restent encore relativement séparées du reste des politiques territoriales (Bertrand, 2014). Cependant, sur la Tarentaise, nous montrerons qu'il y a une réelle volonté d'intégration, voire de détournement de celles-ci aux profits d'autres stratégies prospectives. D'une manière spécifique sur l'adaptation, on remarque une autonomisation de ces réflexions du fait des compétences et des savoir-faire diff��e�ts de �eux utilis�s pou� l'att��uatio�. La �o����tisatio� ai�si �ue l’�valuatio� e�t�e l'adaptation et l'atténuation ne sont pas les mêmes, ce qui rend l'atténuation plus facile à mettre en place. En effet, l'atténuation se présente sous la forme d'objectifs chiffrés alors que l'adaptation est territorialisée, au sens de « localisée». « La territorialisation de ces politiques comporte peu de contraintes en termes de contenus ou de résultats attendus et conduit à des traductions consensuelles, où des points de débat (sur les valeurs comme sur les arbitrages budgétaires) sont évacués ou reportés aux phases d'opératio��alisatio� te�h�i�ue et de �ise e� œuv�e » (Bertrand, 2008, p181). Les politiques climatiques, dans leur concrétisation, sont des politiques des petits pas « témoignant d'un décalage profond entre l'ampleur des défis soulevés par les réductions des GES envisagées et les moyens et leviers réellement accessibles par les pouvoirs locaux pour agir sur ces sujets » (Bertrand, 2008, p181). Dans le cadre du diagnostic du territoire réalisé par des bureaux d’�tudes ext��ieu�s, l'adaptatio� p�e�d la fo��e d'u�e �valuation de la vulnérabilité du territoire face aux changements climatiques. Les PCET doivent répondre aux exigences du Facteur 4 de l'Union Européenne en termes d'atténuation ; pour la France cela représente une division par 4 des

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��issio�s de GES d’i�i �050. C'est au territoire de mettre en place cette exigence « La trajectoire pe��etta�t d’esp��e� atteindre les objectifs en 2050 passe vraisemblablement par une diminution des émissions en 2020 de 25% et non de 20%, ce qui suppose en chiffres ronds un effort de réduction de 3% par an (au lieu de 2%) » (Facteur 4 en France : rapport final, 2013, p21). Dans le rapport de février 2013 sur le facteur 4 du conseil général de l'environnement et du développement durable, l'analyse économique est prépondérante, notamment sur l'importance de donner un prix au carbone. Les grands thèmes qui se retrouvent dans les PCET sont également identifiés dans ce rapport. Cependant, les plans territoriaux pour le moment restent fondés sur des politiques de la connaissance et ne sont pas réellement opérationnels. Toutefois, malgré la difficulté de mettre en place des stratégies opérationnelles, il est demandé à la structure en charge du PCET d'évaluer ces actions.

Nous nous sommes penchée sur un guide méthodologique d'évaluation des PCET rédigé par la RAEE (RhônAlpeEnergie Environnement) issue de la région Rhône-Alpes et du cabinet d'Études Argos, datant de mars 2012. Effectivement, le volet adaptation est très peu présent, il est complètement éclipsé par l'atténuation. Lorsqu'elle est mentionnée, c'est à travers la vulnérabilité, et dans les fiches techniques c'est le terme de résilience qui apparait. L'évaluation doit se construire en même temps que le plan d'action pour que celle-ci soit réellement efficace et permette un suivi dans le temps, pour cela il est recommandé de construire des indicateurs simples et évolutifs dans le temps (guide méthodologique d'évaluation des PCET).

Intégration du PCET dans les autres plans d'aménagement

Ce qui va nous intéresser maintenant c'est de voir les liens existant avec les autres documents de planification, notamment le Schéma de cohérence territorial (SCOT). « Mais la force contraignante de ces stratégies territoriales en matière d'énergie et de climat s'annonce limitée, dans la mesure où les documents d'urbanisme (SCOT et PLU) doivent simplement les "prendre en compte » (Bertrand, 2014, p4��. Le SCOT doit p�e�d�e e� �o�pte le PCET, puis�u'il de�a�de la �o�st�u�tio� d’u� Pla� d'Aménagement et Développement Durable (PADD), pouvant intégrer des éléments du PCET. Des points peuvent donc être reliés entre ces deux documents, nous le verrons particulièrement dans la troisième partie. Ce qui est sous-entendu, comme nous l'avons déjà mentionné, c'est la construction d'une vision commune du territoire, demandant une concertation entre les différents acteurs du territoire avec des visées pouvant être différentes. Ces plans, dans leur phase de création stratégique et d'orientation, permettraient l'émergence de nouvelles identités collectives, d'alliances et de structurations. En conséquence, c'est un moyen de « mobiliser, rassembler, expérimenter des

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nouvelles manières de vivre ensemble, de proposer in fine des programmes politiques adaptés et de faire territoire » (Ruddolf, 2012, p3). Il y a donc une ���essit� d’i�te�d�pe�da��e et de pa�te�a�iat entre les acteurs. « Ce serait donc d'abord la capacité à rassembler, à mettre tous les acteurs du territoire autour d'une même table, à déboucher sur un vocabulaire partagé et des représentations communes de solutions possibles qui semble alors avant tout recherchée » (Bertrand, 2014, p55). Il est donc important de trouver un consensus, mais pour cela les représentations relatives aux changements climatiques doivent être partagées. La question qui va se poser est celle de savoir à quoi faut-il s'adapter ? Les impacts des changements climatiques seront-ils des événements extrêmes ou seront-ils graduels, ou probablement un effet des deux ? Si l'on regarde spécifiquement la fiabilité de l'enneigement, la difficulté vient des conséquences graduelles de ces changements. Il est donc essentiel de définir : à quoi, pourquoi et pour qui doit-on s'adapter ? Ces questions doivent rejoindre le cadre de réflexion et de planification des autres documents territoriaux. Il est important de noter que, sur la Tarentaise, un autre document s'impose au SCOT (Cf. figure n°5), la charte du Parc National de la Vanoise (PNV). Cela rajoute un échelon, le PNV ne couvrant pas toute la zone du SCOT. Nous avons donc, sur le même territoire, un nombre de documents qui se superposent avec des logi�ues �ui peuve�t pa�fois �t�e �o�t�adi�toi�es. Le PNV �el�ve ava�t tout d’u�e logi�ue de protection de la nature et de valorisation pour le tourisme estival alors que le SCOT est un document d'urbanisme avant tout orienté vers la croissance et le développement.

118 Figure n°5

Hiérarchisation des documents territoriaux.

Source : A. Bonnemains

Extrait n°37

Définition de compatibilité et de prise en compte entre les documents d'aménagements territoriaux

« La �otio� de �o�pati�ilit� �’est pas d�fi�ie ju�idiquement. Cependant la doctrine et la jurisprudence nous permettent de la distinguer de celle de conformité, beaucoup plus exigeante. Le rapport de compatibilit� e�ige �ue les dispositio�s d’u� do�u�e�t �e fasse�t pas o�sta�le à l’appli�atio� des dispositions du document de rang supérieur. (…� Le SCOT doit être compatible avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues aux articles L145-1à L146-9, les chartes des parcs �atu�els ��gio�au� et des pa��s �atio�au� �…�».

« La notion de prise en compte est moins stricte que celle de compatibilité et implique de ne pas ig�o�e� les o�je�tifs g����au� d’u� aut�e do�u�e�t �…� Il s’agit �ota��e�t �e� appli�atio� de l’a�ti�le L111-1-1 du �ode de l’u��a�is�e� de �ouveau� pla�s ou s�h��as �e�dus o�ligatoi�es pa� les lois issues du G�e�elle de l’e�vi�o��e�e�t : les plans climat énergie territoriaux que doivent élaborer les collectivités ».

Source : Se�vi�e de l’��o�o�ie, de l’�valuatio� et de l’i�t�g�atio� du d�veloppe�e�t du�a�le ; fiche méthode 10, Les plans et programmes �ue les do�u�e�ts d’u��a�is�e doivent prendre en compte, 2011, p1

L'adaptation au changement climatique doit être intégrée dans les différents plans d'urbanisme et d'aménagement, la question sous-jacente à travers les études sur les politiques climatiques étant : « S'agit-il de développer des politiques d'adaptation ou d’adapter les politiques territoriales ? »

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(Bertrand, 2008, p177). Nous partageons cette idée que l'adaptation aux changements devrait être intégrée dans tous les documents, puisque ces effets auront des répercussions variées à des échelles différentes. Le climat en tant que bien commun se doit d'être préservé. Cependant les plans climat, pour le moment, par leur aspect très faiblement contraignant ne permettent pas une remise en question des trajectoires territoriales dominantes. Les politiques climatiques restent encore l'apanage d'un nombre important d'organismes intermédiaires et permettent également la création de réseaux d’a�teu�s i�stitutio��els et d’�lus. "Le plan climat n'est pas conçu comme une politique propre à la collectivité locale, mais comme un vecteur pour mobiliser un ensemble de partenaires extérieurs sous la forme d'engagement volontaire" (Bertrand, Rocher, 2011). Une autre donnée est importante à prendre en compte, celle de l'appropriation sociale de ces effets par les acteurs et les populatio�s, d’où le volet se�si�ilisatio� fo�te�e�t p��sent dans les PCET. La médiation scientifique est un élément fondamental pour l'appropriation de la part de tous des effets des changements climatiques. Au final on se rend compte que les politiques climatiques territoriales donnent d'autres opportunités que celle des engagements climatiques. « Les engagements locaux pour "relever le défi climatique" ne sont pas construits dans la perspective de se préparer à une nouvelle menace, mais bien davantage dans celle, largement plus partagée, d'une amélioration de l'attractivité territoriale, et par là de la compétitivité de territoires plus sobres, moins dépendants, plus résilients, plus sûrs, en ava��e… » (Bertrand, 2014, p40).

Finalement la question qui est sous-entendue est celle de savoir si les PCET peuvent permettre une remise en question du fonctionnement socioéconomique du territoire. Ces plans peuvent-ils faire valoir de nouvelles logiques face aux intérêts déjà constitués ?

Conclusion

L'objectif de ce chapitre était de mettre en avant l'émergence des documents internationaux concernant la prise en charge du climat. En effet, la constitution du problème climat a été initiée par les instances internationales et non pas à partir d'observations locales. C'est un premier point essentiel à mettre en avant pour bien comprendre la place de l'atténuation et de l'adaptation aux changements climatiques dans les dispositifs de politiques publiques. L'atténuation a émergé avec la �uestio� de l’effet de se��e et les p�o�l��es de pollutio� et d'e�vi�o��e�e�t, elle s'est constituée comme une lutte contre les émissions de GES, orientée par les besoins de connaissances scientifiques et d'améliorations technologiques. L'adaptation quant à elle, nécessitant une

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contextualisation, a mis longtemps à trouver une place dans les accords de la Conférence des Parties, notamment parce qu'elle était perçue comme un échec des politiques d'atténuation. De plus, l'adaptation aux changements climatiques demande une analyse des modèles de développement pouvant remettre en cause les trajectoires socioéconomiques liées à la modernité. Lorsque l'adaptation a été reconnue comme problème de développement, que les conséquences des changements climatiques (via une meilleure connaissance scientifique) sont devenues visibles et irrémédiables, le problème climatique s'est réorienté vers deux éléments :

1- Un transfert des initiatives au plus près des territoires.

2- Une trajectoire de « décarbonisation » de l'économie (initiée notamment par le rapport Stern). Le Protocole de Kyoto fixe des objectifs de réduction des émissions de GES étant répercutés dès 2004 da�s des pla�s lo�aux de lutte �o�t�e les �ha�ge�e�ts �li�ati�ues. L’adaptatio� ��e�ge à la ���e période, via la reconnaissance de la nécessité que celle-ci soit contextualisée. Il faut noter cependant que les PCET rencontrent beaucoup de difficultés dans la mise en place de stratégies d'adaptation, celles-ci restant principalement sectorielles. En ce qui concerne les trajectoires de décarbonisation, celles-ci ont pris une importance grandissante, notamment dans les scénarios utilisés lors du dernier rapport du GIEC, où il est question de disjonction entre les modèles de développement socioéconomique et les émissions de GES. Il est maintenant question de trajectoire bas carbone des territoires, �'est u�e ��du�tio� de l'utilisatio� des ��e�gies fossiles, et �’est e�t�e aut�es pa� la technologie que les décideurs souhaitent réaliser cette "prouesse". Nous finirons ce chapitre par l'injonction croissante que subissent les territoires de traiter des problématiques globales aux échelles locales. La lutte contre les changements climatiques se doit d'être prise en charge par les collectivités, leur demandant des outils et des techniciens spécialisés. Cependant les territoires ont de multiples problèmes à gérer. Les changements climatiques ne sont pas encore une de leurs priorités.

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