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Les sports d’hiver comme levier de la modernisation de la montagne alpine

I- b La protection de l'environnement

À cette même période l’État, tout en aménageant la montagne, souhaite également mettre en place des mesures de protection, sous la p�essio� d’asso�iatio�s comme le Club Alpin Français (CAF). Le plus révélateur de cette politique est la création du premier Parc National de France en 1963, celui de la Vanoise, issu de la loi de 1960. Sa mise en place ne s'est pas effectuée sans désaccords, « Les inquiétudes suscitées par ces projets se cristallisaient autour de difficultés récurrentes : obstacles au développement économique, �ai��ise de l’État, i�t���ts dive�ge�ts des g�oupes so�iau�, ide�tit� locale menacée ou revendiquée contre le "colonialisme intérieur" ou le " néocolonialisme" » (Sabatier and al, 2010, p8). Les parcs nationaux institués par la loi de 1960 sont constitués de deux espaces : 1- Une zone centrale ouverte au public avec des règles très strictes concernant son aménagement. 2- Une zone périphérique définie comme une "zone tampon" pour le développement de l'accueil touristique (Sabatier and al, 2010).

Quand le Parc Natio�al de la Va�oise est ���� e� juillet ����, le D� P�t�i, �ai�e de Val d’Is��e, t�aduit ainsi les attentes des élus locaux : « Il �’est pas possi�le d’i�agi�e� la ���atio� d’u� pa�� �atio�al comportant un règlement qui entraînerait dans la région où il est implanté, sur le plan économique, une gêne ou un arrêt des activités existantes ou en pleine expansion. Tout au contraire... La création du parc devrait revaloriser les régions en régression. » (Sabatier and al, 2010, p19). Sur sept parcs nationaux métropolitains au premier janvier 2014, cinq sont créés da�s des zo�es de �o�tag�e, d’où l'importance de ce dispositif pour les massifs. Ce sont les limites territoriales des parcs qui vont cristalliser les tensions. « En tentant de répondre à chacune des demandes des communes �o��e���es, l’État a i�duit u� t�a�� de zo�e �e�t�ale �ui ��po�d plus à des t�a�tatio�s politi�ues �u’à des impératifs altitudinaux, écologiques et biologiques » (Laslaz, 2004, p4). Concernant le Parc National de la Vanoise (PNV), un événement va particulièrement marquer son histoire, connu sous le nom « d'affaire de la Vanoise » qui, entre 1969-1971, montre l'opposition entre aménageurs (pour les sports d'hiver) et défenseurs de l'environnement (Laslaz, 2004). C'est l'aménagement du glacier de Charvière (en zone centrale) pour la pratique du ski qui va en être le déclencheur. Cette opposition engendrera la création de la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature (FRAPNA) en 1971. Une nouvelle loi voit le jour en 2006, impliquant l'écriture d'une charte et le changement de terminologie ; la zone centrale devient le « �œu� du pa�� » et la zone périphérique est intitulée « aire d'adhésion ». Cette �e��go�iatio� �e s’est pas faite sans heurts pour délimiter les frontières des enveloppes des domaines skiables. En effet, intégrer des zones aménagées et des zones de protection entrainera de nombreuses tensions. De plus, les nouvelles chartes des parcs s'imposent aux Schémas de cohérence territoriale (SCOT) et aux Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) des communes.

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Nous reviendrons d'une manière plus approfondie sur ces questions dans la partie 3, lorsque nous questionnerons les projets de territoire au regard des changements climatiques.

Il est intéressant de constater la forte pression exercée par les sports d'hiver sur les territoires. En effet, que l'on regarde l'agriculture ou la protection de l'environnement, les tensions viennent de l'implantation de ce modèle touristique. Une autre date est extrêmement importante lorsqu'on s'intéresse au lien entre tourisme et protection de l'environnement : le discours de Vallouise en 1977, prononcé par le président Valéry Giscard d'Estaing. Il en découlera notamment la mise en place des Unités Touristiques Nouvelles (UTN), imposant la prise en compte des conséquences des aménagements (sur l'environnement par exemple), mais aussi la viabilité et la nécessité économique des statio�s de spo�ts d’hive�, e�t�e aut�es pa� le �oût des a���age�e�ts e� fo��tio� de leu� possible rentabilité économique.

Extrait n°4

Définition des UTN et lien avec les programmes pluriannuels de développement touristique

Source Rapports et Études : Journal officiel de la République Française, 13 septembre 1979, "Application chapitre 2 de la directive nationale

relative à la protection et à l'aménagement de la montagne", N.C.7811, p1

Dans l'extrait 4 ci-dessus, il est question de la prise en compte du développement touristique dans les Plans d'Occupation des Sols, document d'urbanisme communal devenu obligatoire depuis 1967 pour les stations touristiques classées et dans les communes des zones périphériques des parcs nationaux. Le besoin de contrôle du foncier dans les zones touristiques se fait donc très rapidement sentir, révélant la pression foncière de ce modèle de développement sur le territoire renforcé par un contexte contraint géographiquement. Le discours de Vallouise viendra entériner l'action

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régionalisée avec les Schémas d'orientation et d'aménagement de chaque massif. Il sera suivi d'un texte d'application : la Directive sur l'aménagement et la protection de la montagne. De là découleront les Programmes Pluriannuels de Développement Touristique (PPDT), « Introduits par la circulaire du 29 Août 1979, les PPDT constituent un préalable nécessaire à l'établissement des procédures UTN visant à regrouper un ensemble cohérent de réalisations échelonnées dans le temps » (Fablet, 2013, p12).

L’a��it�age e�t�e les diff��e�ts se�teu�s ��o�o�i�ues et la p�ote�tio� de l’e�vi�o��e�e�t da�s u� contexte de décentralisation aboutira à la loi Montagne de 1985, qui donnera aux collectivités territoriales la possibilité de choisir leur propre développement, ce qui est présenté dans de nombreux textes comme de l'autodéveloppement promu par Louis Bessons à partir de cette date. Les politiques publiques continueront d’aller dans le sens d’u�e i�pli�atio� ��oissa�te des �olle�tivit�s territoriales. Puisque nous abordons les politiques environnementales, les échelles spatiales de décision doivent être interrogées. Il est intéressant de constater que les mêmes processus sont o�se�v�s, �’est-à-dire le passage d'une logique bottom up, les mesures de protection venant de l'État comme les parcs nationaux, à des dispositifs concertés avec les acteurs du territoire comme les parcs naturels régionaux dès 1967. « Trois objectifs sont donnés à ce nouveau type de parcs : créer des zones de détente près des grandes métropoles d'équilibre ; animer les secteurs ruraux en difficulté ; trouver des possibilités nouvelles de mise en valeur des richesses naturelles et culturelles, de la préservation de la flore, de la faune, des paysages »2.

D'autres mesures de protection de la nature vont ensuite voir le jour, telles que les zones Natura 2000 : c'est un réseau de sites écologiques à l'échelle européenne, formalisé par la Directive Habitat Faune et Flore lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992. Ce qui nous intéresse particulièrement dans ce cas, c'est l'aspect contractuel et concerté3 que souhaite prendre cette démarche. Sur la vallée de la Tarentaise, quatre sites ont été classés Natura 2000 : Les Adrets de Tarentaise, le Massif de la Vanoise S43, le Vallon d'altitude à Caricon S39, le Massif de la Lauzière S174. Sur ce territoire de la Tarentaise viennent s'ajouter aux zones réglementées (Natura 2000, PNV, plus de nombreuses réserves naturelles) et arrêtés préfectoraux de protection de biotope, des sites de d'inventaires scientifiques (ZNIEFF et zones humides). On voit donc apparaître sur un territoire deux politiques différentes, touristique et environnementaliste, générant dès les années 1980 « une fonctionnalisation des espaces et une articulation entre leurs objectifs respectifs » (Marcelpoil, Langlois, 2006, p4). 2http://www.parcs-naturels-regionaux.tm.fr/upload/doc_telechargement/grandes/historique%20des%20Parcs%20(avril%2006).pdf 3Ibid. 4 http://www.tarentaise-vanoise.fr/le-projet-de-territoire/espace-et-environnement/natura-2000/autres-sites-natura-2000-de-tarentaise.html

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L'aménagement de la montagne nous pousse à réfléchir dans un système complexe, puisque nous avons identifié pour le moment trois types d'aménagements étroitement imbriqués (touristique, agricole et environnemental). En termes réglementaires, il y a une loi cadre pour organiser et st�u�tu�e� l’a���age�e�t de la �o�tag�e (la loi Montagne), créant notamment les zones de massifs renforçant le lien entre agriculture et le tourisme : « Ce texte �…� �o�stitue da�s l’esp�it de ses auteurs la charte de la montagne française » (Chevalier, 1989, p85).

L'élément central de cette directive est le renforcement du pouvoir de décision des collectivités locales : « la partie touristique qui vise notamment à restituer aux communes une véritable maîtrise des activités touristiques (on sait à quel point les communes de montagne avaient pu être écrasées depuis 1950 par le poids des promoteurs et du grand capital) » (idem, 1989, p88). Cette loi s'ancre dans le contexte de la décentralisation. L’État a été l'aménageur principal de la montagne avec les promoteurs immobiliers, par la création de la Commission Interministérielle d'Aménagement de la Montagne (CIAM) en 1964, qui a perduré avec le Service d'Étude et d'Aménagement Touristique de la Montagne (SEATM) en 1971. À travers l'aménagement de la montagne, c'est la place de l'État qui est questionnée, de là se dessine la dynamique de cette institution : d'un faible engagement (avant la Seconde Guerre mondiale) vers un contrôle de l'aménagement (de la reconstruction jusque dans les années 1975-1980). « Le tourisme lui-même et en particulier les sports d'hiver dont la croissance avait été au départ contrôlée par les locaux, prend une telle importance sociale et économique qu'il devient une affaire d'État. Toute l'histoire administrative de la Zone Montagne montre un transfert progressif des décisions vers Paris ou même vers le conseil de l'Europe. On peut donc affirmer que l'évolution ��o�o�i�ue a �is p�og�essive�e�t les Alpes e� p��iph��ie �’est-à-dire en état de dépendance et de complémentarité » (Chevalier, 1989, p10). On aboutit alors à un retrait relatif de l'État par les lois de décentralisation s'incarnant par la loi Montagne (1985), celle-ci étant encore en vigueur aujourd'hui.

Il nous faut mettre en avant une autre activité présente dans les territoires de montagne : l’i�dust�ie, �ui s’est d�velopp�e g�â�e à l’h�d�o�le�t�i�it�. L’h�d�o�le�t�i�it�, do�t �ous allo�s �apide�e�t pa�le�, s’est d�velopp�e da�s u� p�e�ie� te�ps da�s le se�teu� p�iv� pou� les �esoi�s de l’i�dust�ie papeti��e puis �hi�i�ue, pou� e�suite fai�e l’o�jet d’u�e �atio�alisatio� et de t�avaux de très grande e�ve�gu�e. Aujou�d’hui ave� la p�ivatisatio� d’EDF, l’��e�gie �e d�pe�d plus u�i�ue�e�t de l’État. Da�s u� ���e te�ps, à l’heu�e de la t�a�sitio� ��e�g�ti�ue, l’h�d�o�le�t�i�it� �evie�t su� le deva�t de la scène.

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