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Quelles politiques territoriales face aux changements climatiques ?

I- c L’é�ergence de l'adaptation dans les plans internationaux

"Le changement climatique diffère cependant des autres problèmes globaux de pollution atmosphérique en ce qu'il apparaît intrinsèquement ancré dans les modes de trajectoires de développement, que ce soit dans la structuration de ses causes, mais également au regard des risques

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qui se posent pour les activités socioéconomiques" Rousset N., 2012, « Économie du changement climatique. Des politi�ues d’att��uatio� au� politi�ues d’adaptatio� », th�se d’��o�o�ie soute�ue le ��/��/����, u�ive�sit� de Grenoble, p66

À partir de la Convention-cadre, nous avons mis en avant une des facettes des politiques climatiques, l'atténuation, qui est également exprimée sous le terme de « lutte contre les changements �li�ati�ues». L’att��uatio� p�e�d fo��e da�s la pla�ifi�atio� politi�ue da�s u� �ut de ��du�tion des émissions de GES. Le second aspect des politiques climatiques, aujourd'hui reconnu (mais ça n'a pas toujours été le cas), est celui de l'adaptation. Le GIEC en 2014 définit l'adaptation « comme un p�o�essus d’ajuste�e�t au �li�at p��se�t ou atte�du et à ses effets. Dans les systèmes humains, l’adaptatio� �he��he à �odérer ou éviter les nuisances ou à exploiter les opportunités bénéfiques. Da�s �e�tai�s s�st��es �atu�els, l’i�te�ve�tio� hu�ai�e peut fa�ilite� l’ajuste�e�t au �li�at atte�du et à ses effets » (GIEC, GWII, 2014, p5). Il faudra attendre 2004 pour voir émerger ce concept dans les i�sta��es i�te��atio�ales, et pou� �ue l’adaptatio� � devie��e u� poi�t �e�t�al (Rousset, �����. La p�e�i��e i�pulsio� e� vue de l’adaptatio� i�te�vie�t lo�s des COP 7 et 8 (Conférence des Parties) de Marrakech en 2001, mais deviendra centrale aux COP 10-12 en 2004. Mais c'est en 2008, que la COP intègre l'adaptation dans sa feuille de route. Cependant l'adaptation n'est toujours pas considérée d’u�e �a�i��e glo�ale, elle reste discutée d'une manière sectorielle. Lorsque la prise de conscience s'est faite sur les conséquences irrémédiables des changements climatiques, les dispositifs retenus par les pays du Nord ont focalisé l'adaptation sur les pays en développement, considérant que leur capacité d'adaptation serait moins importante que pour les pays développés. Dans la même optique qu'Alexandre Magnan, nous réfutons cette idée trop rapidement tracée que les pays développés auraient plus de facilité pour s'adapter aux changements climatiques. Cependant force est de �e�o��ait�e �ue �’est pa� les pa�s e� d�veloppe�e�t �ue s’est fait la p�ise de �o�s�ie��e de l’adaptatio�, par la mise en avant des conséquences actuelles liées aux changements climatiques. La problématique climat était donc essentiellement orientée vers l'atténuation, et surtout est née d’une question de pollution et d'environnement (Conventions de Vienne et de Montréal) ; selon Nathalie Rousset cette conception de la problématique climat a entrainé deux formes de biais par rapport à l'adaptation :

1- Une marginalisation et un rôle secondaire de l'adaptation dans les politiques climatiques. 2- La ���atio� d’u� �ad�e �o��eptuel et ��thodologi�ue i�op��a�t pou� le d�veloppe�e�t.

La difficulté de penser l'adaptation vient notamment du fait que celle-ci est un enjeu majeur de développement (Rousset, 2012). « La construction de la question du changement climatique comme problème de pollution et d'environnement global de long terme plutôt que comme un problème de

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développement est un aspect transcendant de la primauté accordée à l'atténuation et des difficultés qui entourent l'appréhension et le développement de l'adaptation » (Idem, p19). Une des difficultés dans l'appréhension de l'adaptation réside dans son aspect contextuel, difficilement mesurable et non reproductible. C'est bien l'aspect opérationnel de l'adaptation qui pose problème, les stratégies su� le lo�g te��e �’a�a�t pas d’effet i���diat, il est do�� diffi�ile de fai�e passe� �es p��o��upatio�s au premier plan.

Figure n°3

S�h��a de la p�ise e� �o�pte de l’adaptatio� et de l’att��uatio� à l’��helle i�te��atio�ale

Source : A. Bonnemains

L'adaptation a très longtemps été perçue comme un renoncement à la lutte contre les émissions de GES (Van Gaeren and al, 2014), ce qui a eu comme conséquence de la mettre à la marge par rapport à l'atténuation. En effet, investir dans l'adaptation met en lumière les difficultés de construire un consensus international pour limiter les GES. C'est donc une vision d'échec qui a été véhiculée à travers l'émergence de l'adaptation dans les premiers temps. C'est également la reconnaissance des changements climatiques comme problème de développement et non d'environnement ou de pollution (Rousset, 2012), qui cristallise les tensions dans les conférences internationales.

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L'adaptation étant liée au modèle de développement des territoires, elle ne peut être mise en place que d'une façon contextualisée, dans une logique « ascendante » du local au global, à l'inverse de l'atténuation qui réfère à une logique descendante du global au local (Quenault and al, 2011). Cependant, nous le verrons dans la suite de ce chapitre, même au plus proche des territoires c'est l'atténuation qui prédomine par son aspect mesurable et quantifiable. Les stratégies d'adaptation ne peuvent se développer sans une importante connaissance des dynamiques sociopolitiques et organisationnelles du territoire (Simonet, 2011). L'adaptation d'un territoire ou d'une société aux changements climatiques repose sur les représentations que les acteurs se font de ce phénomène, les aspects comportementaux et cognitifs ne peuvent pas être exclus lorsqu'on questionne la mise en place de stratégies (Simonet, 2011).

La �o��eptualisatio� de l’adaptatio�

La notion d'adaptation aux changements climatiques renvoie directement à un autre concept qui, lui aussi, est difficilement mesurable et quantifiable : la capacité d'adaptation des territoires ou des sociétés. Les contours de ces notions restent encore flous, sur quels critères se baser ? Comment app��he�de� l'adaptatio�, �uelle st�at�gie �ett�e e� œuv�e pou� aug�e�te� la �apa�it� d'adaptatio� d'un territoire ? Avant d'exposer les cadres conceptuels développés par certains auteurs, nous souhaitons souligner les limites rencontrées dans la mise en place de stratégies d'adaptation expli�it�es pa� Si�o�et. Lo�s�u’il est �uestio� d’adaptatio�, il est toujou�s plus fa�ile de pa�ti� des freins et des difficultés :

1- « La capacité adaptative du système, "l'état des facteurs" (condition sociale, économique, institution, technologie, ressource et réseau) facilite ou contraint directement le déploiement ou l'efficacité des mesures adaptatives » (Simonet, 2011, p80).

2- Les barrières cognitives seraient les contraintes principales face à l'élaboration d'actions d'adaptation, celles-ci seraient liées à la complexité des systèmes humains.

3- La difficulté de légitimer les actions d'adaptation.

Le �hapit�e � �uestio��e�a les �a��i��es à l’adaptatio� aux �ha�ge�e�ts �li�ati�ues.

Ces différents éléments nous amènent à approfondir la définition de l'adaptation et à bien cerner le sens que nous lui attribuerons dans la suite de ce travail. L'adaptation se conçoit à travers les stratégies mises en place, il y a donc nécessité de planification : elles ont vocation à augmenter la capacité d'adaptation du territoire ou d'une société face aux conséquences des changements climatiques. De manière plus précise, l'adaptation doit être orientée vers l'analyse de la vulnérabilité des activités, des populations et des territoires afin de développer des stratégies locales

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contextuelles face aux conséquences des changements climatiques. « Loin d'être un concept clair, l'adaptation aux changements climatiques devient tout un défi cognitif quant à ce qu'il recoupe, notamment au moment du passage de la th�o�ie à l'op��atio��alisatio�, �’est-à-dire la phase de mise e� œuv�e de st�at�gies �o����tes visant la recherche de la vulnérabilité face aux impacts appréhendés des changements climatiques » (Simonet, ����, p 4���. L’adaptatio� aux �ha�ge�e�ts �li�ati�ues est différenciée selon les contextes socioéconomiques, politiques, environnementaux, sociétaux et climatiques des territoires. De ce fait les réponses à apporter aux changements climatiques doivent être spécifiques et ancrées localement pour être durables. Ces spécificités se retrouvent également dans les représentations que vont se faire les acteurs des changements climatiques, celles-ci jouerons un rôle important dans la mise en place de stratégies d'adaptation, elles peuvent être un atout comme une contrainte.

Aujou�d’hui la �e�he��he su� l’adaptatio� aux �ha�ge�e�ts �li�ati�ues se de�a�de s’il � a des st�at�gies d’adaptatio� �ui se �ette�t e� pla�e (Fo�d et Be��a�g-Ford, 2010). C'est donc bien la mise e� œuv�e de l'adaptatio� �ui est p�o�l��ati�ue. De là d��oule u� �e�tai� �o���e de questions auxquelles le chercheur doit pouvoir répondre dans le cadre de sa recherche : pour qui, pourquoi, à quoi doit-on s'adapter ? Celle-ci doit être orientée selon nous vers les populations lo�ales, su� leu� �apa�it� d’adaptatio� �ui passe �ota��e�t pa� le �ai�tie� d’u�e a�tivit� ��o�o�i�ue, so�iale et �ultu�elle su� le te��itoi�e. L’i�te��ogatio� à �uoi s’adapte� renvoie à l’i��e�titude des i�pa�ts �e�fo���s pa� u�e des caractéristiques principales des changements climatiques son aspect global et multisectoriel (Richard and al, 2010).

Nous avons montré dans le deuxième chapitre l'impact des changements climatiques ; néanmoins l'incertitude vis-à-vis des conséquences de ce phénomène sur les territoires est grande. Celle-ci se caractérise sous trois formes :

1- La dimension temporelle, dans combien de temps les impacts des changements climatiques seront irréversibles ? Est-ce à l'échelle de deux ou trois générations ? Doit-on aujourd'hui se prémunir de ce qui pourrait se passer dans 50 ou 100 ans ?

2- Quels seront les impacts sur le territoire étudié ? Peut-on craindre une réduction rapide de la fiabilité de l'enneigement ? L'augmentation des températures va-t-elle poser des problèmes pour la fabrication de la neige ? Quelles seront les répercussions sur la ressource en eau ?

3- La nécessité de mettre en place des stratégies d'adaptation flexibles et non figées (Tubiana and al, 2010).

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En effet penser le temps long ne peut faire l'impasse sur les besoins d'adaptation actuels et inversement le présent ne peut faire l'économie du futur (Magnan, 2013). L’i��e�titude doit �t�e g���e da�s la flexi�ilit� afi� de �e pas ��dui�e les �apa�it�s d’adaptatio� futu�es du te��itoi�e et des populatio�s. E� effet, des st�at�gies d’adaptatio� fig�es su� le futu� peuve�t �o�t�ai�d�e les possi�ilit�s a�tuelles, de la ���e �a�i��e des st�at�gies d’adaptatio� u�i�ue�e�t e�visag�es su� u� court terme pourraient avoir des effets néfastes sur le long terme.

Comme il est difficile d'appréhender l'adaptation, �e�tai�s auteu�s pe�se�t �u’il faudrait déjà éviter la maladaptation. Il est question de faire en sorte que les effets négatifs potentiels des stratégies d’adaptatio� �e soie�t pas pi�es que le problème posé. « La maladaptation désigne un processus d’adaptatio� �ui ��sulte di�e�te�e�t de l’a���oisse�e�t de la vul���a�ilit� à la va�ia�ilit� et au changement climatique et/ou en une altération des capacités et des opportunités actuelles et futures d’adaptatio� » (Magnan, 2013, p2). L’i�po�ta�t est de �e pas ��dui�e la �apa�it� d’adaptatio� actuelle et future des territoires. « Elle (la maladaptation) invite donc à dépasser le problème de l’i��e�titude su� les �o�ditio�s �li�ati�ues et e�vi�o��e�e�tales futu�es, à pa�ti� d’u�e ��fle�io� su� les effets pote�tiels d’u�e i�itiative �ue l’o� e�gage�ait �ai�te�a�t au tit�e d’adaptatio� au changement climatique.» (Magnan, 2013, P2). Selon A. Magnan trois types de maladaptations peuvent être identifiés et onze principes directeurs peuvent être mis en avant pour les éviter :

*Maladaptation environnementale : « L’adaptatio� doit avant tout viser la résilience et la réduction de la vulnérabilité des populations aux aléas naturels (soudains comme graduels) » (Magnan, 2013, P3). Cinq principes directeurs ont été développés :

1- Éviter les dégradations engendrant des effets de retour négatif in situ. 2- Évite� le �epo�t des p�essio�s su� d’aut�es e�vi�o��e�e�ts.

3- Soutien à la fonction protectrice des écosystèmes face aux aléas naturels actuels et futurs. 4- Prise en compte des incertitudes sur les impacts des changements climatiques et de la réaction des écosystèmes.

5- Vo�atio� p�e�i��e à p�o�ouvoi� l’adaptatio� plutôt �ue l’att��uatio�.

*Maladaptation socioculturelle : Les st�at�gies d’adaptatio� o�t pou� �ut de valo�ise� les compétences de la population concernée et de ne pas porter préjudice aux équilibres socioculturels. Trois principes directeurs se dégagent :

6- Prise en compte des caractéristiques sociales et des valeurs culturelles locales, répondre aux attentes de la population en termes de conditions de vie matérielle et immatérielle.

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7- Prise en compte et valorisation des compétences et des savoirs locaux pour une implication des membres de la société.

8- Appel à de nouvelles compétences appropriables par la population.

*Enfin la maladaptation économique : L’i�itiative �e doit pas e�ge�d�e� de la pauv�et� et des i���ve�si�ilit�s e� te��es d’i�vestisse�e�ts, �eux �o�ilis�s à u� �o�e�t ne pouvant plus servir plus tard. Là aussi trois principes directeurs ont été formulés :

9- Favoriser la réduction des inégalités socioéconomiques.

10- Soutien à une relative diversification des activités (économique et/ou de subsistance) et des sources de revenus.

11- P�ise e� �o�pte de l’�volutio� pote�tielle des a�tivit�s ��o�o�i�ues et de su�sista��e sous l’effet des �ha�ge�e�ts �li�ati�ues. « Il est �uestio� d’�vite� de d�veloppe� des activités qui de�a�de�t des i�vestisse�e�ts lou�ds alo�s �u’ils vont devenir obsolètes du fait du changement climatique » (Magnan, 2013, p4).

Ces principes doivent permettre de développer des trajectoires de développement qui �’e�t�aî�e�o�t pas de �o�s��ue��es ��gatives pou� le futu�. « Les trajectoires de développement sont le �he�i�e�e�t pa� le�uel u� te��itoi�e �et e� œuv�e so� d�veloppe�e�t et selo� u�e app�o�he anticipative, un développement soutenable » (Magnan, 2013 P���. Les st�at�gies d’adaptatio� peuvent être une manière pertinente de construire un développement soutenable (Magnan, 2013) dans la mesure où celui-ci intègre des contraintes environnementales, sociales et économiques. Ce qui nous intéresse de manière spécifique dans la définition des stratégies d'adaptation par un territoire sont les choix de sociétés : « Définir une stratégie d'adaptation, en partie en mobilisant des projets précis, relevant certes d'une expertise scientifique, mais surtout de choix de société, d'orientation économique, de projet politique, de référent culturel » (Magnan, 2012, p16). Il est donc possible d'analyser des stratégies d'adaptation mises en place par les territoires, d'étudier les discours que produisent les sociétés sur elles-mêmes ainsi que les fragilités mises en avant à travers les vulnérabilités. L'adaptation aux changements climatiques est liée aux modèles de développement des so�i�t�s, d’où so� ��e�ge��e t��s le�te et ta�dive vis-à-vis de l'atténuation. De plus, son aspect non quantifiable et non mesurable couplé avec la contextualisation la rend non reproductible et non réplicable, et en fait un objet aux contours encore flous et non déterminés (Bertrand, 2014).

105 Figure n°4

Émergence �o�pa��e de l’att��uatio� et de l’adaptatio� aux �ha�ge�e�ts �li�ati�ues

Source : A. Bonnemains

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