• Aucun résultat trouvé

Création du modèle des stations de 3 ème génération et évolution de la stratégie touristique

I- b La création des stations ex nihilo

Courchevel est emblématique des stations de 2ème génération, dans sa construction principalement, �a� l’a���age�e�t � est rationalisé par la planification. À la différence des stations pionnières où l’i�pla�tatio� des spo�ts d’hive� se fait petit à petit, dans le cas des stations de 2ème génération cette implantation ex nihilo est très rapide. La volonté de créer des stations en terrain vierge, identifié comme propice à la pratique du ski, demande de �atio�alise� l’a���age�e�t. La topographie exigée pour la création des pistes pousse à investir dans les sites en altitude, 1800 mètres en moyenne, avec une exposition principalement en ubac et un pourcentage de pente entre 10 et 30% (Knafou, 1978). Ce sont des conditions difficiles : traditionnellement, ces terrains sont utilisés durant l’�t� pou� les pâtu�ages. Ces ��it��es pu�e�e�t te�h�i�ues d’i�pla�tatio� d’u�e statio� de spo�ts d’hive� se�o�t d’ailleu�s test�s su� le site de Cou��hevel et devie�d�o�t la ��f��e��e pou� les statio�s de 3ème

génération (Wosniak, 2002). Maurice Michaud, qui avant la Seconde Guerre mondiale était ingénieur des Ponts et Chaussées de l’a��o�disse�e�t de Ta�e�taise, reprend son poste à sa libération, et p�e�d e� �ha�ge l’a���age�e�t des � vall�es.

Les premie�s t�avaux de Cou��hevel d��ute�t e� ��44, à ��5� ��t�es d’altitude, soute�us principalement par le département de la Savoie. Co��e �ous l’avo�s expliqué dans le premier

161

chapitre, les stations créées durant cette période doivent permettre la diffusion de la pratique du ski ; Courchevel à ses débuts a donc une vocation sociale (Wozniak, 2002). Les d�fis te�h�i�ues d’u�e telle réalisation sont importants, renforcés par un climat difficile, ce qui fait de ces constructions un la�o�atoi�e d’exp��ie��es pour les architectes. En effet, quoi de mieux pour des architectes que de pouvoir inventer une ville moderne à la montagne (Wozniak, 2002). Nous parlons de ville à la montag�e, �a� �’est e� �es te��es �ue l’a���age�e�t a �t� pe�s�, ave� �o��e public cible : les citadins. Les �ep��se�tatio�s h�gi��istes vo�t pouvoi� p�e�d�e fo��e. C’est tout u� i�agi�ai�e so�ial qui est associé aux stations de cette génération : celui de la modernité basée sur une représentation de l’ho��e et de la �atu�e. Cet i�agi�ai�e se révèle au t�ave�s de l’a��hite�tu�e et l’u��a�isatio�. « Finalement, on constate que les architectes et urbanistes projettent une vie nouvelle dans l’orga�isatio� de l’ha�itat de loisir e� mo�tag�e (…� Ils tentent à la fois de répondre à une attente encore mal identifiée et de produire de nouvelles pratiques. Ces architectes, urbanistes, designers, so�t tous des moder�es. Ils o�t �réé les statio�s da�s l’esprit du temps : fonctionnalisme, rationalité, et�. Ils s’i�s�rive�t da�s les réflexio�s autour de l’Homme Nouveau, qui pour la première fois intègre le loisir et la détente dans son quotidien » (Wozniak, 2002, p21).

Les représentations sous-jacentes à l’a���age�e�t p�e��e�t i�i u�e pla�e ext���e�e�t i�po�ta�te, puis�u’elles vo�t fo�te�e�t i�flue��e� l’e�p�ise spatiale de ces sites et par la suite devenir un point essentiel des remises en question de ces stations. Néanmoins, ces aspirations fonctionnalistes et standardisées émergeant avec Courchevel 1850 demandent de très gros investissements. La route d’a���s à ces sites est la priorité absolue, ce qui demande des budgets importants. Les fonds publics et la vente de résidences secondaires rempliront cette fonction, il faut cependant trouver des p�o�oteu�s �ui a��epte�t d’i�vesti� da�s �e p�ojet. Il faut e� pa�all�le développer le parc de remontées mécaniques, attrait principal de ces stations, ce qui implique de très importants investissements. Pour y faire face, un seuil de rentabilité extrêmement précis est déterminé entre l’h��e�ge�e�t et les remontées mécaniques. Celui-ci a formé et forme encore le modèle économique des stations de 3ème génération. Il faut noter cependant que la vocation sociale de Cou��hevel �e pou��a pas pe�du�e� deva�t l’i�po�ta��e des i�vestisse�e�ts à e�gage� (Wos�iak, 2002). Cette station rep��se�te�a l’u�i�ue p�ototype de la station de 2ème génération en Tarentaise, premier essai pour faire sortir de terre un aménagement complet pouvant être structuré en tant que destination touristique. « C’est la seule a�tivité sportive �les sports d’hiver) qui mobilise autant de capitaux et qui nécessite la construction de véritables villes d’altitude » (Knafou, 1978, p18).

Ce qui va principalement différencier Courchevel 1850 des futures stations, pour en faire le prototype de 2ème génération �’est :

1- L’i�pli�ation du département de la Savoie, qui devient propriétaire des terrains et le gestionnaire des remontées mécaniques (la Société des 3 Vallées).

162

2- Le �od�le d’a���age�e�t, qui �’est pas e��o�e �elui du ski au pied et du front de neige.

C’est à partir de cet essai de station ex nihilo que Maurice Michaud précise et développe ses calculs de capacité de charge et poursuit sa conception des stations modernes et fonctionnelles, qui seront qualifiées également de fordistes (Hatt, 2011). R. Knafou, da�s sa th�se d’État su� les statio�s intégrées, montre comment celles-ci ont créé un univers monofonctionnel ou les comportements �o� �o�fo��istes so�t �uasi�e�t i�exista�ts. C’est u�e sta�da�disatio� des p�ati�ues �ui se �et e� place, introduite par la n��essai�e �atio�alisatio� de l’a���age�e�t. E� effet, pou� li�ite� les �oûts de construction des immeubles, les mètres carrés disponibles par appartement sont réduits, impliquant de très petits espaces de vie (Wosniak, 2002).

À partir de là, la rentabilité des équipements repose sur l’i�te�d�pe�da��e �o�pl�te e�t�e les �e�o�t�es ���a�i�ues et le d�veloppe�e�t de l’i��obilier, ce �ui a de�a�d� l’acquisition de nombreux terrains (�ie� �ue les statio�s soie�t �o�st�uites e� haute altitude, �eau�oup d’alpages appartenaient à des propriétaires privés). La maîtrise foncière devient donc centrale et essentielle pou� la �o�st�u�tio� des statio�s. C’est d’ailleu�s su� �e poi�t �ue vo�t se ��istallise� la plupart des tensions, puisque dès 1958 une ordonnance créant le droit de préemption est promulguée. « Le droit de préemption en droit administratif peut se définir comme la prérogative accordée par la loi à une perso��e pu�li�ue d’a��uérir, par préfére��e à tout autre a��uéreur, u� �ie� �ue so� propriétaire a mis en vente. (…� L’ordo��a��e �°��-1447 du 31 décembre 1958 relative à diverses opérations d’ur�a�isme a �o�féré au droit de préemptio� u�e fo��tio� d’amé�ageme�t fo��ier da�s le domai�e urbain » (Conseil constitutionnel, 2013).

Laurent Chappuis, alors en charge du plan-masse de Courchevel, est en désaccord avec Maurice Michaud. Leur représentation de la montagne diverge : le premier voit la station de sports d’hive� comme un lieu permettant la découverte de la montagne, les clients doivent donc être confrontés aux �l��e�ts �atu�els. À l’i�ve�se, �elui �ue l’o� �o��e�a plus tard le dictateur des neiges souhaite amener la modernité en montagne, avec une importance du confort et du côté urbain des stations. Cette divergence étant trop importante entre les deux hommes, Laurent Chappuis ne sera plus associé aux projets.

À pa�ti� de l’a���age�e�t de Cou��hevel, l’a���age�e�t des spo�ts d’hiver devient « cause nationale », les communes qui seront supports de station, sans pour autant avoir la maitrise du foncier, se ve��o�t �ises à l’��a�t du d�veloppe�e�t tou�isti�ue, les i�vestisse�e�ts �ta�t concentrés par des acteurs extérieurs au territoire.

163

Documents relatifs