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DEVANT LE TEMPS

PASSION ET SACRIFICES

II. Tarkovski, le sacrifice au nom de l’amour

2. Stalker ou la passion de Jean-Baptiste

Et il a donné à mon cœur mission d’étudier et d’éprouver par la sagesse tout ce qui se fait sur la terre : Dieu a confié cette pénible besogne aux fils de l’homme, afin qu’ils s’y exercent.

L’Ecclésiaste, 1, 13482

Nous avons longuement évoqué Stalker dans la première partie de cette thèse, à propos des signes et des symboles qui ponctuent les images du film ; dans la deuxième, à propos des indices temporels qui fixent le temps dans le plan. Pour préciser la signification de la figure du Stalker, nous allons nous concentrer plus particulièrement sur les échanges philosophiques des protagonistes qui font de ce film l’équivalent d’un dialogue platonicien. Rappelons ici l’intrigue : un passeur, le Stalker, conduit un

480 Comme le montrent Kovàcs et Szilàgyi : « Ses camarades adultes le traite comme un enfant, mais lorsqu’il s’agit des choses de la guerre, il devient leur égal et impose sa volonté : on ne l’envoie pas à l’arrière faire des études. S’il y allait, il aurait une chance de survivre. Mais il gagne la partie, il obtient une mission de reconnaissance, cela montre que ce monde régi par la logique de la guerre est donc le monde de la violence. Aucune force ne peut défendre Ivan contre lui-même, contre le héros cruel et agressif, motivé par la haine, qu’il porte en lui. Tant que la violence l’habite, la paix ne peut être qu’à l’extérieur de lui. » Op. cit., p. 57.

481 Cahiers du cinéma n° 392, février 1987, p. 40.

482 Citation faite par le Stalker au seuil de la chambre des désirs, au terme du voyage des protagonistes.

Extrait du scénario original de Tarkovski, mais absent de la version cinématographique. Œuvres cinématographiques complètes II, Exils Éditeurs, Paris, 2001, p. 265.

écrivain et un scientifique dans une Zone « interdite», car celle-ci contient une chambre qui a la particularité de réaliser les désirs de ceux qui y pénètrent. Bien que la femme du Stalker s’oppose vivement à cette activité, elle reconnaît en lui un bienheureux, un

« bogenny » en russe, c’est-à-dire un « homme de dieu »483.

Nous avons déjà évoqué ce que représente le Stalker aux yeux de Tarkovski484 : c’est le « prêtre de la Zone ». Dans la classification de Kierkegaard, il représenterait le stade religieux, là où sa femme figure le stade éthique, et l’écrivain le stade esthétique.

Il veut réveiller la foi dans le cœur des hommes, dans un monde qui ne croit plus en rien ! Voici comment le cinéaste décrit le Stalker à Tonino Guerra, le scénariste d’Antonioni ainsi que son futur proche collaborateur :

« … son histoire est celle du dernier des idéalistes ; celle d’un homme qui croit en la possibilité d’un bonheur indépendamment de la volonté ou de la capacité de l’homme.

Sa profession donne un sens à son existence. Comme s’il était un prêtre de la Zone, le Stalker conduit les hommes là-bas pour qu’ils deviennent heureux.485 »

Soulignons d’emblée un aspect. Pour le Stalker, et probablement pour le cinéaste, il existe une forme de bonheur qui ne doit rien à la volonté collective — comme pour le communisme qui voulait offrir le bonheur au genre humain —, ou à la volonté individuelle. Ce dernier est reçu comme une grâce, par surcroît, indépendamment des mérites ou des qualités de tel ou tel. Nous verrons que ce bonheur, tel que l’incarne le Stalker, n’a rien de matériel, et renvoie à celui, très évangélique, décrit par le Nazaréen dans le sermon sur la montagne et connu sous le nom de « béatitudes » (Mt 5, 1-12).

C’est lui qui fait de Stalker un « bienheureux ».

La figure du Stalker

Avant d’étudier au plus près sa mission, regardons comment les autres protagonistes perçoivent le Stalker. Sa femme, la première et quasiment la dernière à s’exprimer dans le film, crie sa colère. Pour accomplir sa mission, le Stalker est prêt à sacrifier sa liberté et sa famille, et ce malgré les promesses qu’il a faites d’abandonner cette activité périlleuse et délictueuse. Au seuil du film, alors qu’il se prépare à partir, elle s’exclame au bord de l’hystérie :

« Dis où est-ce que tu vas ? Tu m’avais pourtant juré… et je t’ai cru ! Tu ne veux pas penser à toi, mais à nous ? Pense à ton enfant ! Elle n’est pas encore habituée à toi… et voilà que tu recommences. (…) Tu avais l’intention de travailler. On t’avais promis un

483 La traduction est de Krzysztof Rogulski dans son article « Les voix dans les ténèbres », in L’Avant-Scène Cinéma, n° 427, décembre 1993, p. 9.

484 Cf. supra p. 77.

485 Télérama, 13 juin 1979.

travail normal. — Je rentrerai bientôt. — C’est en prison que tu rentreras ! Et tu écoperas non pas de cinq mais dix ans ! Pendant lesquels tu n’auras rien. Plus de Zone, rien ! Et moi, j’en crèverai !486 »

Alors qu’elle conclura le film en faisant de lui un « bienheureux », elle dit en préambule que Dieu a maudit sa famille — pour preuve l’infirmité de sa fille. Mais Stalker, tel le Jonas de la Première Alliance, ne peut esquiver cet appel impérieux. Peu lui importe s’il retourne en prison. Son engagement moral auprès des siens voudrait qu’il ne prenne plus aucun risque, mais tel l’Abraham de Kierkegaard ou la « dame aux cheveux gris » de Bresson, il va mettre entre parenthèse ce que la morale commande, au nom de ce qu’il considère comme un bien absolu et inaliénable : sa mission, sa foi.

Pour le scientifique, « Être Stalker, c’est une vocation… » Le Stalker répond donc à un appel, comme le Samuel de la Première Alliance. Mais les conséquences sont graves. Et le savant de préciser : « Un séjour en prison, des mutilations ici… et sa fille

“mutante”, victime de la Zone. Elle n’aurait pas de jambes. » De fait, celle-ci se révélera douée de pouvoirs exceptionnels, faisant d’elle le miracle de la Zone. Stalker ne se reconnaît qu’un maître, le « Porc-épic » qui lui a « ouvert les yeux » : « À l’époque, on ne l’appelait pas Porc-épic, on l’appelait Maître. Et puis, il lui est arrivé quelque chose… ça s’est brisé en lui. (…) Je présume qu’il a été puni… ». Pour le professeur, moins allusif, les choses sont simples : « Un jour, Porc-épic est revenu d’ici, de la Zone… et subitement il est devenu riche. Incroyablement riche. (…) Une semaine après, il s’est pendu. » Pour l’Écrivain enfin, Stalker ne fait qu’exploiter les peurs, les manques et les angoisses de ses contemporains, comme un vulgaire escroc ou un charlatan. Voici ce qu’il lui lance à bout de nerfs, au terme d’un périple épuisant où il a risqué sa vie :

« Je vois clair en toi. Tu t’en fous, des gens ! Tu gagnes du fric… sur notre angoisse. Et même sans fric, tu jouis ici, car tu y est tout-puissant, espèce de larve ! Tu décides de notre vie ou de notre mort. (…) Dire que c’est lui qui choisit ! Voilà pourquoi les Stalkers n’entrent jamais dans la Chambre ! (…) C’est ici que vous savourez votre puissance… et votre autorité. »

Écoutons la réponse du Stalker, qui hoquette en larmes :

« Mon bonheur, ma liberté, ma dignité, tout est là. Je conduis ici les gens comme moi, des malheureux. Il ne leur reste plus aucun espoir. Et personne d’autre que moi ne peut les aider. Moi, je peux, la larve ! J’en pleure de bonheur, de les aider ! C’est tout, je ne veux rien de plus. »

486 L’Avant-scène cinéma a publié les dialogues in-extenso de Stalker, dans le n° 427, en décembre 1993.

C’est à cette traduction que nous nous réfèrons désormais.

On le voit, rien de vénal dans cette démarche. Juste faire renaître une espérance, réveiller une flamme. Et peu importe à Tarkovski que cette chambre ne réalise aucun désir, qu’elle soit l’invention du Stalker ou le fruit de son imagination487. Ce qui compte, c’est le cheminement intérieur fait par les visiteurs de la Zone, et qu’ils ne la détruisent pas, comme l’avait initialement projeté le savant. Là aussi l’échec du Stalker, comme dans la Passion du Christ, n’est qu’apparent. Même s’ils n’ont pas pénétré dans la chambre des désirs, même s’ils n’ont pas recouvré la foi, leurs convictions se trouvent profondément ébranlées. Ils ont découvert quelque chose de plus grand qu’eux, un espace sacré qui leur impose le respect, quand bien même doutent-ils de la réalité de son existence488 ! Ils ont cheminé… Et c’est ce qui importe pour le cinéaste.

La mission du Stalker

Le but du Stalker est donc le suivant : rendre les hommes heureux, leur redonner l’espoir. C’est, selon lui, la raison d’être de cette Zone, de cette météorite tombée du ciel, de cette « chambre des désirs ». Comme le Scientifique le rappelle, il y aurait un endroit, dans la Zone, où tous les désirs seraient exaucés. D’où les précautions prises par les autorités, d’où les risques encourus, si quelque homme malintentionné, un apprenti dictateur ivre de puissance et de domination, la pénétrait. Pour le Professeur, c’est, peut-être, « un message à l’humanité », « un cadeau. » Alors que l’Écrivain ironise en se demandant l’utilité d’un tel présent, Stalker précise : « Pour nous rendre heureux ! » Plus tard, lorsque l’Écrivain l’interroge sur son activité, il lui demande la raison qui motive les gens à faire le voyage, ce à quoi Stalker répond : « Trouver leur bonheur, je pense.» Il semble que l’interrogation posée par le film rejoigne la question posée par Aristote au seuil de L’Éthique à Nicomaque : « Qu’est-ce que le bonheur ? ».

On connaît les réponses classiques qu’entérineraient nombre de sondages contemporains : les plaisirs, les richesses, les honneurs… Mais l’on sait qu’Aristote, pas plus que notre Stalker, ne peut se contenter de telles banalités. Un long traité suffit à peine à donner une réponse sans équivoque : ce qui procure le bonheur, c’est l’amitié des hommes et le commerce avec Dieu.

Cette dernière réponse est sans doute celle de Stalker, j’y reviendrai tantôt.

487 « D’une certaine manière [la Zone] est le produit de l’imagination du Stalker. (…) J’accepte pleinement l’idée que ce monde a été créé par le Stalker, en fait pour créer une foi, la foi dans sa réalité. » Positif, n° 247, p. 26. Et ce à la différence du roman des frères Strougatski, dans lequel les vœux des visiteurs se réalisent véritablement…

488 Au terme de leur violent échange, l’Écrivain excédé lance au Stalker : « Et après tout… qui t’a fait croire que ce miracle peut avoir lieu ? Qui vous a dit que les vœux étaient exaucés ? Avez-vous vu un seul homme sortant d’ici, comblé ? Porc-épic peut-être ? (Au Professeur) Au fait, qui vous a parlé de la Zone, de Porc-épic, de la Chambre ? — Lui. »

Ce qui est plus surprenant, et plus évangélique en somme, c’est la réponse qu’il donne au Professeur, avide de simplification : la Zone, ce « système très compliqué » qui a menacé l’aventureux Écrivain, laisserait passer les bons et tuerait les méchants. Ce que notre passeur s’empresse de récuser : « Je crois qu’elle laisse passer ceux qui n’ont plus d’espoir. Ni les bons, ni les méchants… Les malheureux. » Cet élément est crucial.

Ce n’est pas un jugement moral que porte la Zone sur ses contemporains, c’est un regard de pitié, de miséricorde. Et c’est toute la misère du monde qu’elle accueille.

Ceux qui n’en peuvent plus, ceux qui sont à bout. Comme l’Écrivain en panne d’inspiration.

Redevenir fragile comme des enfants : éloge tarkovskien de l’homme faible

De fait, le Stalker appartient à la longue série de personnages dont la faiblesse se révèle être une force. À l’inverse, la force sera pour Tarkovski un signe de faiblesse, qu’il associe à une forme de mort. À Tonino Guerra, il précise :

« Stalker m’a permis de retrouver très exactement l’idée qui était comme sous-entendue dans les films précédents. Il me semble que je ne crois pas à la force des hommes qu’on appelle “forts”, ni à la faiblesse de ceux que, par habitude, nous qualifions de

“faibles”. »489

Déjà Ivan représentait cette forme de faiblesse devenue une force, plus grande encore que celle de son entourage. Andreï Roublev, le moine du film éponyme, incarne cette douceur qui lui permet de traverser des temps d’une indicible noirceur. Sa seule force, face aux puissants de ce monde, est son désir inextinguible de création. Dans Solaris, le psychologue Kelvin ne se révèle pas d’une grande force de caractère et pourtant, il saura faire face à des problèmes moraux d’une profonde gravité. Et que dire du protagoniste du Miroir, cet autoportrait à peine voilé de Tarkovski. Égoïste et malade, il se trouve grandi par l’amour que les autres lui portent, même s’il n’a pas su le leur rendre. Sans parler de Gortchakov de Nostalghia ou de l’Alexandre du Sacrifice. Dans Le Temps scellé, Tarkovski ajoute :

« Il n’y a jamais eu de héros dans mes films, mais des personnages dont la force était la conviction spirituelle et qui prenaient sur eux la responsabilité des autres. De tels personnages sont comme des enfants avec une gravité d’adulte, doués d’une attitude irréaliste et désintéressée du point de vue du sens commun. »490

489 Télérama, 18 novembre 1981. À la suite de saint Paul, le Stalker pourrait dire : « … je me complais dans les fiablesses, les insultes, les contraintes, les persécutions, et les angoisses pour Christ ! Car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12, 10).

490 TS, p. 192.

Dans Stalker, le personnage principal se livre à une magnifique apologie de l’homme faible qui renvoie à un passage célèbre de l’Evangile — « quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant n’y entrera pas » (Lc 18,17) —, d’autant qu’elle suit une prière du Stalker :

« L’essentiel est qu’ils croient en eux-mêmes. Et deviennent fragiles comme des enfants. Car la faiblesse est grande tandis que la force est minime. (…) L’homme en venant au monde est faible et souple. Quant il meurt, il est fort et dur. L’arbre qui pousse est tendre et souple. Devenu sec et dur, il meurt. La dureté et la force sont les compagnons de la mort. La souplesse et la faiblesse expriment la fraîcheur de la vie.

(…) Ce qui est dur ne vaincra jamais. »

Dans l’Evangile, comme dans Stalker, le Royaume de Dieu se refuse à celui qui est bardé de certitudes, d’a priori. Comme pour la « petite Thérèse », comme pour Bernanos, l’esprit d’enfance n’est pas un signe de régression, mais au contraire d’ouverture à l’Être, à l’Autre, à Dieu. Il s’agit de faire tomber ses défenses, de retrouver, en quelque sorte, son âme d’enfant.

Un long parallèle pourrait être ici développé entre le Stalker et Johannes, le personnage principal d’Ordet (1955) le chef-d’œuvre de Carl Th. Dreyer. Lui aussi est jugé fou par ces proches, lui aussi voit ce que les autres ne voient plus, c’est une sorte de prophète, de « fol en Christ » danois. La communauté protestante dans laquelle il vit croit posséder Dieu. Lui est possédé par Dieu, c’est un bienheureux. Lorsqu’il recouvrira la raison, à la suite du choc provoqué par le décès d’Inger sa belle-soeur, c’est sa petite nièce qui l’invitera à faire le prière qui la ramènera à la vie, permettant à toute une communauté sujette au pharisaïsme, purifiée par l’épreuve, de retrouver enfin la foi et la charité.

La réponse de l’Écrivain et du Scientifique

Ce que Stalker attend donc de ses visiteurs, c’est cette ouverture, cette foi. Face à la « Chambre des désirs », il leur propose comme propédeutique un petit examen de conscience, un retour sur le passé afin, sans doute, de reconnaître leurs faiblesses, en somme un acte d’humilité, un acte de foi. « Ne dites rien. Il faut se… concentrer…

essayer de se rappeler toute sa vie… Quand l’homme pense à son passé, il devient meilleur. Le principal… C’est d’avoir la foi ! Maintenant, allez-y. Qui passe le premier ? Vous peut-être ? » dit-il en s’adressant à l’Écrivain. Mais ce dernier s’esquive. Pour lui, cet abaissement, cette « kénose », n’est qu’humiliation : « … ne sens-tu pas à quel point… à quel point c’est... bas ? S’abaisser, pleurnicher, prier ? » Stalker, qui sent une pointe d’orgueil percer dans les paroles de l’Écrivain, corrige :

« Quel mal y a-t-il dans la prière ? Vous dites ça par orgueil. (…) Calmez-vous, vous

n’êtes pas encore prêt, ça arrive assez souvent. » Et l’on pense au dialogue du Journal de Bresson entre le petit curé et la comtesse où gît un même enjeu : la vie ou la mort, l’orgueil ou le lâcher prise.

Pour Tarkovski, si l’Écrivain n’entre finalement pas dans la Chambre, c’est

« qu’il a de lui-même une opinion assez basse », ce qui est, somme toute, une prise de conscience. Le cheminement du Scientifique est de ce point de vue intéressant.

Personnage bien plus terne que celui de l’Écrivain, il est en fait venu pour faire détruire la Chambre à l’aide d’une petite bombe. C’est sans doute lui qui va le plus mûrir. Pour ce professeur, la Zone était une menace dont il fallait se débarrasser au plus vite avant qu’un malheur n’arrive : « Tant que cet ulcère est ouvert ici… pour n’importe quelle fripouille… il n’y aura ni sommeil ni repos. À moins que le secret de l’âme ne l’interdise ? »491 Au fond, il comprend le cri de douleur du Stalker. D’une part, les désirs des hommes sont très frustres (femmes, argent, prestige… cf. Aristote) : ils ne menacent donc pas l’humanité. D’autre part, cette Zone n’est peut-être qu’un leurre, une invention du Stalker. Mais si la chambre des désirs existe vraiment, c’est un signe d’espoir pour le monde. Il ne serait pas bon de la détruire. Ce que confirme Tarkovski :

« Stalker le convainc de ne pas le faire, en lui disant qu’il faut préserver un endroit comme celui-ci. Où des gens puisse venir, garder l’espoir, des gens qui veulent quelque chose, qui ont besoin d’un idéal.492 »

Le désespoir du Stalker

Alors que le Scientifique amorce la bombe, le Stalker explique la raison de son désespoir à l’Écrivain: « C’est votre espoir qu’il veut détruire ! (…) Il n’est plus rien resté aux hommes sur terre. C’est l’unique endroit où l’on peut venir. Lorsqu’il n’y a plus rien à espérer. (…) Vous êtes venus, vous ! Pourquoi détruisez-vous la foi ? » Plus qu’un signe d’espérance, c’est la foi même que risque d’annihiler le Savant493. Le fait qu’ils n’entrent pas dans la Chambre est pour lui le signe qu’il ne veulent pas croire494. Peut-être se trompe-t-il ? Car, sans aucun doute, ils ont mûri. Toujours est-il qu’il revient écoeuré de ce voyage, démoralisé, amer. Sa vie, sa famille, ont été sacrifiées au nom de cette cause (« C’est vrai, je ne suis qu’une larve. Je n’ai rien fait dans ce monde

491 Cette traduction est peu convaincante. Nous préférons celle, plus littérale, qu’on trouve en sous-titre sur le DVD édité par Ruscico : « À moins que, sait-on jamais, un dernier réflexe sacré ne s’interpose ? » C’est, au fond, ce qui se passera…

492 Positif, n° 247, p. 24.

493 On imagine comment les autorités soviétiques ont pu recevoir ce cri de désespoir qui leur semblait directement adressé. Et l’on comprend aussi la raison des tracas administratifs, pour ne pas dire

493 On imagine comment les autorités soviétiques ont pu recevoir ce cri de désespoir qui leur semblait directement adressé. Et l’on comprend aussi la raison des tracas administratifs, pour ne pas dire