• Aucun résultat trouvé

DEVANT LE TEMPS

PLANS-SEQUENCES ET ELLIPSES

3. Nostalghia : le temps de l’homme et le temps de Dieu

Avec les deux séquences de Nostalghia que nous allons analyser, nous allons passer du temps de l’homme au temps de Dieu, autrement dit du temps du rêve à celui de l’éternité, Tarkovski suggérant à sa manière la vision béatifique.

Rappelons brièvement l’argument de Nostalghia (1983). Un écrivain russe, Andrei Gorchakov (interprété par Oleg Iankovski), voyage sur les traces d’un compatriote musicien265, exilé en Italie au XVIIIe siècle, auquel il veut consacrer un opéra. Accompagné d’Eugenia (Dominiziana Giordano), une traductrice, il parcourt le Nord de l’Italie, de Rome à Arezzo. Chemin faisant, il fait la connaissance de Domenico (Erland Josephson) un « fou » qui lui suggère de traverser la piscine de Sainte Catherine une bougie à la main afin de sauver le monde. Il y perdra la vie, mais y trouvera la foi…

Dans Le temps scellé, le cinéaste résume lui-même le sens de l’intrigue :

263 Ex 33, 18-23. « Et lorsque ma gloire passera, je vous mettrai dans l’ouverture de la pierre, et je vous couvrirai de ma main jusqu’à ce que je sois passé : J’ôterai ensuite ma main, et vous me verrez par-derrière ; mais vous ne pourrez voir mon visage. » Op. cit. p. 107.

264 Ici aussi, nous avons affaire à une véritable icône, le travelling-arrière transformant l’espace en temps.

Notons que, pour Barthélemy Amengual, le temps représente l’équivalent de l’or des icônes. (Nous y reviendrons. Cf. infra, p. 97, note 269.)

265 Maximilien Berezovski (1745-1777), un compositeur russe ayant réellement existé.

« J’ai voulu, en fin de compte, libérer le scénario de Nostalghia de tout superflu ou accessoire, qui aurait pu me gêner dans la poursuite de mon but prioritaire : celui de reproduire l’état d’un homme en profond désaccord avec le monde et avec lui-même, incapable de trouver un équilibre entre la réalité et son désir d’harmonie. Soit un homme qui souffrait de la nostalgie due à son éloignement de la maison natale, mais aussi de la nostalgie plus globale d’une plénitude d’existence. Je suis resté longtemps insatisfait de ce scénario, jusqu’au jour où il a évolué vers une sorte de tout métaphysique.266 »

Nous n’insisterons ici que sur un seul aspect de Nostalghia : le passage du temps intérieur au temps divin, ménagé par deux séquences exemplaires, l’une au cœur du film, l’autre à son terme. Mais force est de constater que, dans la citation du Temps scellé, l’accent est mis par Tarkovski sur le temps existentiel du personnage principal, séparé de son pays et des siens autant que de sa patrie céleste, sous le sceau d’une profonde nostalgie, conséquence d’un exil à la fois extérieur et intérieur. C’est donc à la vie de l’esprit que s’intéresse le cinéaste et non à un quelconque événement spectaculaire.

Une fois de plus, comme si cela était encore nécessaire, Tarkovski tient à se distancier du « film d’aventures à l’américaine »267. Avant de préciser, en poète de l’intériorité :

« C’est avant tout l’univers intérieur de l’homme qui m’intéresse. Il m’est beaucoup plus naturel de partir à l’exploration de sa psychologie, de la philosophie qui le nourrit, et des traditions littéraires et culturelles qui sont à la base de son monde spirituel. […]

Et pour donner expression à cette idée, ou au sens de la vie humaine, je n’ai que faire d’étaler derrière lui tout une trame d’événements.268 »

Pour suggérer l’intériorité, le cinéaste privilégie un « espace » singulier : celui du rêve.

Comme dans Stalker, le songe est pour Tarkovski le lieu de rencontre entre l’humain et le divin. Plusieurs « rêves », tous filmés en noir et blanc, ponctuent Nostalghia. À chaque fois, ils évoquent la terre des origines, symbolisée par la famille et la maison, mais aussi la présence du divin, un ange venant à traverser la première des séquences en question. Celle que nous allons étudier se trouve au centre de l’œuvre.

Filmée en plongée, la statue d’un ange immergé dans la végétation et dans l’eau ouvre la séquence. Gortchakov se trouve dans des ruines inondées. Il lit un poème en voix off : « Enfant, je suis tombé malade, de faim, de peur… » Lent panoramique à l’intérieur de l’église269 saisissant une silhouette qui s’enfuit et qui réapparaît à son

266 TS, pp. 189-190.

267 TS, p 189.

268 Idem.

269 Sommes-nous dans une nouvelle chambre des désirs ?

terme : il s’agit d’une petite fille. Plan rapproché : Gortchakov se sert une vodka dans un gobelet en plastique. Zoom arrière alors qu’il s’avance dans l’eau. Il s’adresse à l’enfant dans un italien maladroit. Champ, contre-champ. Zoom sur Gortchakov. La fille dit s’appeler Angela. Plan d’ensemble, puis zoom sur la petite fille. Une voix off lit un autre poème. Zoom sur un plan d’eau. Plan rapproché de Gortchakov maintenant couché. Un travelling latéral, de droite à gauche, mène jusqu’à un livre qui se consume.

Derrière ce dernier, se trouve la bouteille de vodka.

Passage au noir et blanc. Gortchakov gît au milieu d’une rue pavée couverte de détritus, puis se lève. À pas lents, il se dirige vers la caméra, passe devant une armoire à glace, puis la regarde en revenant en arrière. Travelling-avant : la caméra le suit en plan rapproché. En voix off, il s’interroge sur les motifs de son action — mais ce sont celles du « fou » qu’il énonce. Il s’apprête à ouvrir l’armoire, et c’est Domenico qu’on aperçoit dans le reflet. Il la referme vivement.

Lent travelling latéral. Nous sommes dans la nef d’une église dont la voûte et la toiture ont disparu. En voix off, on entend la psalmodie du « Notre Père ». Gortchakov la traverse à pas lents de gauche à droite. Il disparaît derrière un pillier. En off, cet étrange dialogue se fait entendre. « Seigneur, ne vois-tu pas comme il t’implore ? Pourquoi ne lui dis-tu pas quelque chose ? » Une voix grave répond : « T’imagines-tu comment il réagirait s’il entendait ma voix ? » La première poursuit : « Fais lui sentir ta présence… » « Je la lui fais toujours sentir, dit l’autre doucement, mais c’est lui qui ne s’en rend pas compte ! ». Gortchakov finit de traverser la travée. En off, on entend s’envoler un oiseau.

Retour dans les ruines et à la couleur. Une plume blanche tombe à l’intérieur de l’église. De l’œil droit de Gortchakov s’écoule une larme…

Cette séquence illustre parfaitement comment, à l’intérieur même du rêve, Tarkovski nous fait passer des préoccupations intérieures du protagoniste — son identification progressive avec Domenico — à la présence du Dieu de miséricorde. À la manière d’Antoine de Baecque à propos de l’ouverture de Stalker270, l’on pourrait même voir une sorte de croix dessinée par la caméra qui va successivement de l’avant vers l’arrière, puis de la gauche vers la droite.

Mais, une fois encore, c’est à l’aide d’une succession de travellings qui transforment l’espace en temps, que Tarkovski nous montre le changement de registre et de réalité. Ici aussi s’ajoute à la bidimensionnalité de l’icône la dimension du temps, voie privilégiée d’accès à l’invisible. La teneur mystique du dialogue, qui trouve place dans une église à ciel ouvert, ne laisse aucun doute sur ce qui se trame dans l’esprit du protagoniste. Dieu, pas à pas, s’approche, mais Gortchakov reste encore fermé à sa présence. C’est en traversant trois fois la piscine de Sainte Catherine, une bougie à la main, qu’il effectuera le salto mortale.

270 Cf. Andrei Tarkovski, L’Étoile/Cahiers du cinéma, Paris, 1989, p. 95

Vers la vision béatifique

Après l’immolation de Domenico, véritable « iourodivi », ces « fols en Christ » qui peuplent la spiritualité russe, Gortchakov parvient au terme de son parcours. Il va accomplir sa promesse et traverser, une bougie à la main, la piscine de sainte Catherine.

Ce sera lieu d’une conversion définitive bien que fatale, une sorte de noce mystique.

Plan rapproché. Gortchakov allume la bougie, s’éloigne de la caméra, prend appui sur le bord de la piscine vidée de son eau et part. Travelling latéral, de droite à gauche, pendant qu’il avance et protège la flamme de la bougie des courants d’air. Malgré ses efforts, celle-ci s’éteint. Retour au départ : travelling latéral de gauche à droite. Cette fois, il va protéger la bougie des assauts du vent avec le pan de son manteau. À mi-parcours, de dos à la caméra, il s’arrête pour mieux épargner la flamme, puis repart.

Las, la bougie s’éteint de nouveau.

Il retourne une fois encore à son point de départ, mais plus péniblement. Au clapotis de ses pas dans l’eau s’ajoute le bruit d’une respiration douloureuse. Il manque de tomber. Tendu vers un but aussi visible qu’invisible, il s’élance une dernière fois. Sa respiration est de plus en plus difficile. Arrivé au bout de la piscine, il s’effondre. Le Kyrie du Requiem de Verdi se fait entendre. Léger ralenti. Gros plan sur les mains. Il pose enfin la bougie sur l’autre bord, comme parvenu sur une autre rive. Hors champ, on l’entend pousser un dernier soupir.

Alors que montent des lamentations, l’image passe de la couleur au noir et blanc. Plan rapproché d’un enfant sur les épaules duquel deux mains viennent se poser.

Puis, plan d’ensemble avec Gortchakov étendu à même le sol face à une pièce d’eau, à côté d’un chien-loup. Travelling arrière. On aperçoit sa maison, puis au loin les murs de l’église présente dans le rêve précédent. Les ouvertures trinitaires du chevet271 se reflètent dans le plan d’eau et semblent dominer la scène. La neige se met à tomber alors que s’élève une mélopée russe…

L’on pourrait insister, dans la première séquence décrite, sur l’aspect baptismal de la traversée de la piscine, sur la symbolique de la bougie dont la flamme par deux fois s’éteint, avant de rester finalement allumée272, et du nombre, lui aussi trinitaire, des tentatives. Tout cela évoque un rite de purification, l’effort de la prière et la quête de rédemption, avec la dimension du sacrifice273 qui suppose, dans la démarche telle que l’a décrite Domenico, une visée communautaire et universelle, puisque le salut de l’humanité est en jeu. Nous assistons ainsi à une profonde conversion, à une réponse à

271 Dans l’architecture cistercienne et dans les églises franciscaines qui s’en inspirent, les fenêtres gothiques des chevets plats représentent symboliquement la Sainte Trinité.

272 Ne pas oublier qu’un cierge est remis au catéchumène lors de son baptême, et que la flamme représente la lumière et le feu divin alors que la cire rappelle la pureté nouvelle du baptisé qui a revêtu le Christ. Il n’est pas interdit également de penser à la parabole des dix vierges (Mt 25, 1-13) dans laquelle la flamme symbolise l’Esprit Saint.

273 Nous reviendrons sur cet aspect dans la partie suivante. Mais notons déjà qu’à propos du Sacrifice, Tarkovski dira être « attiré par [le] thème de l’harmonie impossible sans le sacrifice » TS p. 199.

l’appel entendu, à la grâce reçue. Gortchakov doit mourir à la vie terrestre, à l’instar du baptisé qui meurt au péché, pour éclore à la vie céleste.

C’est aussi une sorte de liturgie silencieuse que nous contemplons, liturgie où le temps joue un rôle majeur, jusque dans la répétition des gestes. Le parcours douloureux de la piscine signifie, incarne et rend visible le parcours intérieur de Gortchakov, qui identifie peu à peu son sacrifice à celui du Christ. L’expérience de la durée, autant que de la dureté de cette épreuve subie mais choisie, n’est pas sans évoquer le chemin de croix, avec ses chutes, son martyre. De fait, Gortchakov semble remonter un courant invisible, tel le saumon qui remonte à la source. Et le temps de s’étirer à l’infini, offrant une forme de résistance, et renforçant l’impression d’une tension qui n’est pourtant qu’intérieure et n’a rien de spectaculaire.

Nosthalghia : la neige tombe sur San Galgano.

Dans la seconde séquence, par contre, le temps semble suspendu. Le plan principal, où aucune action ne se développe, consiste en un long travelling. À nouveau, on peut le considérer comme une espèce d’icône où la profondeur de champ n’est cependant pas tout à fait exclue, mais où le travelling-arrière joue le rôle principal. Ici, tout semble réconcilié : le présent de l’exil et le passé des origines, le proche (l’Italie) et le lointain (la Russie), enfin l’humain et le divin. Gortchakov est dans la Jérusalem céleste. Cette vision pacifiée anticipe la vision béatifique. Et la neige, comme dans la cathédrale de Vladimir, et comme la pluie dans la « chambre des désirs », dit la présence consolatrice et bienveillante de Dieu274.

Dans les différentes séquences que nous venons d’analyser, plusieurs éléments reviennent de façon récurrente. Tout d’abord, chacune d’entre-elle semble composée de manière quasi-musicale avec un mouvement rapide, sec et nerveux, et un mouvement lent, méditatif et ralenti. Au temps de l’action succède donc celui de la contemplation.

Ou, pour reprendre les catégories de Gilles Deleuze, aux images-mouvements succèdent des images-temps. Autrement dit, au temps de l’extériorité succède le temps de l’intériorité, qui traduit la vie spirituelle du personnage principal (que ce soit celle d’Andrei Roublev, du Stalker ou de Gortchakov).

De plus, dans tous les extraits décrits précédemment, nous passons du temps de l’être, qu’il soit contemplé ou vécu, au temps de l’autre, du Tout-Autre. Que cela soit dans la cathédrale de Vladimir dévastée, face à la « chambre des désirs » ou dans l’église de Nostalghia, nous assistons au déverrouillage de l’être, au passage de l’immanence à la transcendance, subtilement ménagé par des sortes de décélérations qui suspendent le temps. Comme dans la description que faisait Emmanuel Lévinas de L’attente l’oubli de Maurice Blanchot, le mur de l’immanence est défait par la forme poétique. Il nous fait parvenir à une forme d’attente qui est accueil, détachement de soi, ouverture à l’altérité.

Lieu privilégié de la contiguïté entre l’être et l’au-delà, que ce soit dans Stalker ou dans Nostalghia, mais aussi dans Le Miroir ou Le Sacrifice qui mériteraient tous deux une analyse renouvelée dans cette perspective : le rêve. Pour Tarkovski, le rêve est le point de contact entre le visible et l’invisible, le lieu où le temps même est réversible, le seuil de l’autre monde. Les images qui surgissent au moment de l’endormissement ont pour lui une dimension prophétique. C’est avec des accents platoniciens (proche de l’esprit de l’Allégorie de la caverne) qu’il décrit par ailleurs la phase intermédiaire entre

274 Présence qui, bien entendu, reste toute symbolique (cf. partie précédente), de même que la terre des origines est symbolisée par la maquette de la datcha et la terre d’accueil par les collines de la Toscane.

la veille et le sommeil profond275. Tel le philosophe qui se délivre de ses chaînes pour aller contempler le soleil de la vérité, l’artiste qu’est Tarkovski nourrit ses œuvres de ces images qu’il dit venir de l’au-delà. À l’instar de ses protagonistes principaux276.

La figure cinématographique qui signale le mieux ce changement de régime, qui indique ce passage d’une réalité à une autre, semble être, par excellence, le travelling.

Comme nous l’avons souligné à maintes reprises, dans chacune des séquences étudiées, les travellings transforment l’espace en temps. À leur tour, ils convertissent notre regard, le rendant éminemment contemplatif. À l’instar de Barthélemy Amengual277, on peut comparer ces temps suspendus aux fonds dorés des icônes, qui disent la présence de l’invisible. Nous avions comparé dans la précédente partie les images de Tarkovski à des icônes. Voici leur mouvement le plus secret, le plus imperceptible. Voici la façon la plus subtile avec laquelle l’autre monde nous fait signe, par-delà cette fine membrane qu’est l’écran de cinéma.

Sans trop anticiper sur les parties suivantes, soulignons avec Andràs Kovàcs Bàlint et Szilàgyi Akos combien le temps des films de Tarkovski rappelle celui des célébrations orthodoxes278. En effet, ces œuvres cinématographiques, par leur rythme et leur « lenteur » quasi-liturgique, plonge le spectateur dans un état contemplatif qui implique sa participation — sinon sa conversion. Tout, le temps y compris, est mis en jeu pour forcer son attention. Tout est mis en œuvre pour rendre aux objets leur résonnance. Mais le temps a aussi pour but d’orienter notre regard, lui donner un sens, celui d’une rencontre toujours promise, toujours différée avec l’invisible. Le temps — suspendu — devient dès lors la figure du divin, la trace du passage de Dieu parmi les hommes.

275 Fidèle à la perspective du P. Florenski, voici ce que Tarkovski déclare à Thomas Jonhson lors de son dernier entretien publié dans la revue Nouvelles Clés, le 28 avril 1986 : « mes rêves sont en deux catégories. Il y a les rêves prophétiques que je reçois du monde transcendant, de l’au-delà. Puis il y a les rêves quelconques qui viennent de mes contacts avec la réalité. Les rêves prophétiques me viennent au moment de l’endormissement. Lorsque mon âme se sépare du monde des plaines et monte vers les sommets des montagnes. Une fois l’homme séparé du monde des plaines, il commence doucement à se réveiller. Au moment où il se réveille, son âme est encore pure et les images sont pleines de sens. Ce sont ces images que l’on rapporte de là-haut qui nous libèrent. » Soulignons que c’est cet état particulier qui correspond pour Tarkovski au véritable éveil !

276 Nous avions souligné (cf. supra note 253) combien le rêve est, pour les personnages de Tarkovski, l’espace privilégié du « lâcher prise ». C’est pour le cinéaste le lieu même où l’immanence cède le pas à la transcendance.

277 « On sait l’importance dans l’icône des fonds dorés. […] Ce “vide” ici spatial, ciel métaphysique, chez Tarkovski devient “vide” temporel non moins métaphysique, durée jetée un moment hors du temps profane, temps sculpté. », op. cit., p. 170.

278 « Les auteurs qui écrivent sur la liturgie orthodoxe et panslave notent toujours la longueur des cérémonies comparée à celle de la liturgie romaine ; elles durent six à huit heures, et cette durée détermine les relations entre les participants. Ils doivent sentir que tout ce qui les entoure (les icônes, les sacrements, l’église entière) représente la présence de Dieu sur terre. La durée de la cérémonie est au service de cette sensation. » Op. cit., p. 35.