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Un condamné à mort s’est échappé ou Le vent souffle où il veut

DEVANT LE TEMPS

PLANS-SEQUENCES ET ELLIPSES

II. Bresson : la stase de l’immanence et la diastase de la transcendance

1. Un condamné à mort s’est échappé ou Le vent souffle où il veut

La grâce comble, mais elle ne peut entrer que là où il y a un vide pour la recevoir, et c’est elle qui fait le vide 302. Simone Weil

On ne le dira jamais assez : c’est avec Un condamné à mort s’est échappé que Bresson atteint la perfection de son langage cinématographique. Avec la même patience que le jeune Lieutenant Fontaine met à préparer une évasion impliquant la maîtrise totale des moyens dont il dispose (draps, fils de fer, crochets, etc.), le cinéaste français parvient à la maîtrise complète de son art en termes de mise en scène, d’image, de son et de montage. Avec Un condamné, le cinématographe, enfin libéré des conventions et des contraintes du théâtre filmé, est porté sur les fonts baptismaux. Un langage est né, qui ne doit rien aux arts qui précèdent. De fait, même les pires ennemis du « style » Bresson303 reconnaissent au film son élégance, sa précision, son suspense constinu — on le dirait fait d’un seul tenant, tellement son rythme est soutenu. Pour notre part, nous reconnaîtrons ici, et de façon exemplaire, ces stases et ces diastases qui font la respiration unique de ses films. Et, par-dessus tout, ces « courants extraordinaires304 » qui assurent l’unité des fragments et désignent, par-delà les ellipses, la présence de l’invisible.

représenter l’irreprésentable dans l’après-coup de la vision et de l’audition. » Le cinéma de Robert Bresson, p. 87.

301 Au terme de son parcours philosophique, Emmanuel Lévinas réhabilite l’art à l’occasion de sa rencontre avec l’oeuvre sculptée de Sacha Sosno. La blessure infligée au beau par l’artiste remet en cause l’aspect clos de la représentation, et ouvre à la fois sur la blessure et la transcendance, invitant à la compassion. Cf. Emmanuel Lévinas, De l’Oblitération, La différence, Paris, 1990, et notre mémoire de Licence, op. cit., p. 88.

302 La pesanteur et la grâce, Plon, Paris, 1988, p. 18.

303 Cf. Ado Kyrou : Le cinéma condamné à mort dans Positif, n°20, janvier 1957.

304 Lors de la conférence de presse à Cannes, Bresson souligne : « … ce que vous venez d’appeler mysticisme doit venir de ce que, moi, je ressens dans une prison, c’est-à-dire, comme le second titre Le Vent souffle où il veut l’indique, ces courants extraordinaires, la présence de quelque chose ou de quelqu’un, appelez cela comme vous voudrez, qui fait qu’il y a une main qui dirige tout. » « Propos de Robert Bresson », Cahiers du Cinéma, n° 75, octobre 57, p. 7.

Fragments et rythme

« Il s’agissait de faire un film rapide avec des choses lentes, avec la vie pesante de la prison. Le découpage compte six cents plans, mais il n’y a pas de séquences ; le film tout entier forme une séquence.305 » Deux choses importent dans cette déclaration très riche de Robert Bresson. D’une part, l’idée de rapidité obtenue avec des mouvements lents, précis, pesants, quasiment liturgiques306, sensibles à l’image à travers des gros plans qui mettent en valeur les regards, les mains et surtout les outils rudimentaires qui les prolongent : épingle, cuillères, treillis du lit, crochets fabriqués à partir de la lanterne, etc. Comme nous le signalions précédemment, leur présence, plus que de nécessaire à l’écran, les anime, leur donnant une valeur considérable, une aura à nulle autre semblable. Ils « phosphorent », au-delà de toute nécessité narrative, renvoyant aux souliers de Van Gogh, tels que les décrit Heidegger. C’est la stase présentée plus haut. Au sortir d’une première vision, Truffaut notera justement :

« Robert Bresson est peut-être un alchimiste à rebours : il part du mouvement pour atteindre l’immobilité, son tamis écarte l’or pour recueillir le sable.307 » Et le geste de renvoyer, quelques instants durant, à l’éternité suspendue au travers de laquelle la grâce se communique.

Autre élément d’une grande portée, le nombre de plans : pas moins de 600 ! Nombre extraordinaire, si l’on pense aux 144 qui composent Stalker de Tarkovski.

C’est dire l’importance du découpage, ou plutôt du montage qui, rappelons-le, était fait par Bresson en salle de visionnage. Chercher l’image juste, la seule qui vibre correctement au contact d’une autre. Supprimer les liens inutiles, aller à l’essentiel — ce sens aigu de l’asyndète, sinon de l’ellipse. Une fois encore et à juste titre — sans doute parce qu’il pense au réalisateur qu’il sera et à son écriture à venir, située quelque part entre Bresson et Hitchcock —, François Truffaut écrit avec fougue :

« Le suspense (…) est créé naturellement, non sur la dilatation de la durée mais au contraire sur son évaporation. Grâce à la brièveté des plans et à la rapidité des scènes, on n’a jamais le sentiment d’un choix de moments privilégiés ; nous vivons réellement avec Fontaine dans sa prison, non pas 90 minutes mais pendant deux mois et c’est passionnant ! 308»

305 Déclarations de Robert Bresson dans Unifrance Films-Informations, 20 août 1956.

306 François Truffaut verra dans le vidage quotidien des seaux de toilette « un aspect liturgique ». Les films de ma vie, Flammarion, Paris, 1975, p. 217.

307 Idem., p. 212.

308 Idem., p. 214.

Un Comdamné à mort : différents rythmes durant les préparatifs de l’évasion.

Voilà encore qui distingue bien son esthétique de celle du cinéaste russe. Si ce dernier dilate à l’envi les séquences cruciales de ses films, Bresson en assèche le tissu conjonctif à l’extrême pour ne garder que ce qui tranche.

Mieux, il donne au spectateur l’impression que son film n’est fait que d’une seule séquence, d’un rythme unique, alors qu’il en varie justement les tempi, faisant tenir deux mois en un peu plus d’une heure et une nuit en moins de trente minutes. De fait, autant la préparation paraît rapide, avec ses ralentissements et ses moments de résistance, autant l’évasion paraît ralentie par l’attente et la tension qu’elle génère, connaissant tout de même quelques brusques accélérations. Chaque partie connaît donc sa propre pulsation, avec un sens toujours différent, qui s’accorde parfaitement avec la vie psychique du protagoniste. Une fois encore, on peut écrire que le rythme, le temps, n’est autre que celui de la vie, ou du moins celui que le cinéaste veut transmettre à son spectateur. C’est à la fois le temps qu’éprouve le protagoniste principal — tout est filmé de son point de vue, quand bien même la caméra le cadre en plan moyen —, le rythme très particulier que le cinéaste donne à son film et le mouvement dans lequel le spectateur se glisse et qui lui fait éprouver à son tour : attente, tension, impatience, angoisse… puis délivrance !

Parmi les divers changements de rythme, pointons ceux qui ponctuent les préparatifs de l’évasion. D’abord, le démontage de la porte. L’action se développe sur plus d’un quart d’heure, entrecoupée des plans de la toilette, de la ronde et quelques bribes de dialogue avec l’occupant de la cellule voisine, M. Blanchet. Régulièrement, comme liant son activité opiniâtre et solitaire au reste de la communauté pénitentiaire, la caméra revient sur Fontaine aux prises avec les montants de sa porte. Patiemment, il gratte le joint qui relie les planches à l’aide du manche d’une cuillère transformé en ciseau. Quand, pour la première fois, tombent des copeaux de bois, il balaye le sol avec tant d’attention que la manœuvre semble durer plus que nécessaire. Les sons, rares, sont de première importance. Puis, lorsque à l’aide d’une seconde cuillère, il tente de déloger la planche qui lui résiste, le temps semble se suspendre, avant que le bois n’explose avec un bruit sec. La caméra va et vient entre son visage et ses regards, comme tendus vers un but inaccessible, et ses mains crispées sur les cuillères. Les gestes sont lents, précis.

Par contre, lorsqu’il s’agit de réaliser des cordes, tout semble aller plus vite.

Bresson use de superpositions, la voix off de Fontaine unifie le tout, et leur confection semble ne demander qu’une séquence unique. Après l’évasion ratée d’Orsini, la réalisation des crochets nécessaires à l’escalade des toits se fait à nouveau en plusieurs étapes, mais le démontage de la lanterne et l’évacuation du verre brisé se déroule en quelques plans, suggérant une accélération des préparatifs de l’évasion. Ainsi Bresson

change régulièrement de rythme pour créer une tension et une attente participatives. Il accélère et décélère à l’envi, semblant parfois arrêter le temps sur un objet qui prend une dimension métaphysique, comme cette cuillère qui rayonne d’une présence exceptionnelle, annonçant le plan de l’écumoire de L’Argent. De fait, il compose cette évasion comme une authentique partition musicale, avec ses motifs visuels récurrents, ses sons répétés (nous y reviendrons), rappelant que tout ici est question de rythme. S’il cherche à traduire la vie intérieure du protagoniste, c’est tout d’abord au film qu’il donne sa propre vie. N’écrira-t-il pas dans ses Notes : « La toute puissance des rythmes.

N’est durable que ce qui est pris dans des rythmes. Plier le fond à la forme et le sens aux rythmes.309 »

Tous ces fragments de temps et d’espace, autrement dit tous ces plans, sont unifiés par le rythme, symbole de « ces courants extraordinaires », de cette « main qui dirige tout ». Tous pointent une totalité invisible dont ils sont la descendance. Comme le note justement Philippe Arnaud, la fragmentation rend deux choses possibles :

« d’une part elle permet une articulation des plans suivant des liens inconnus [les mains de Fontaine], d’autre part elle évite le plan-somme impossible, d’une totalité sans dehors.310 » Si pour le critique, il ne fait nul doute que le référent qui raccorde chaque plan est d’abord la prison, pour le philosophe qu’est Deleuze, « Bresson n’assure le règne de l’image déconnectée et fragmentée (…) que pour atteindre à la quatrième ou cinquième dimension, l’Esprit, celui qui souffle où il veut.311 » Sans cesse, la partie renvoie à un tout invisible — et l’on sait, depuis Aristote, que le tout est bien plus que la somme des parties. Comme les analyses de Lancelot le montreront, Bresson systématisera ce principe avec la synecdoque. Pour l’heure, attachons-nous aux ellipses et à ce qu’elles suggèrent dans Un condamné.

Ellipses

Au-delà des ellipses narratives qui ponctuent continuellement le récit d’Un condamné, on peut relever quelques ellipses monstratives qui privent le spectateur de certaines scènes que nombre de cinéastes n’auraient pas hésité à montrer312. Parmi

309 NC, pp. 68-69. Quelques années plus tard, Robert Bresson confiera : « Je ne suis pas du tout un romancier. Le cinématographe, l’écriture cinématographique telle que je la conçois, est très voisine de la musique, dans laquelle le fond est la forme elle-même. » « Interview de Robert Bresson » dans Communio, III, n°3, mai 1978.

310 Robert Bresson, op. cit., p. 21.

311 Cf. note 279.

312 Avec Jacques Gerstenkorn, nous distinguerons entre les ellipses narratives qui relèvent d’une économie du discours et du refus pour l’auteur de raconter certains éléments et les ellipses monstratives où la représentation (visuelle ou sonore) est comme suspendue, bloquée ou barrée, comme nous le verrons dans les cas suivants… Cf. « Contribution à une sémio-rhétorique du film : le champ de l’ellipse

celles-ci, souvent citées, la première évasion du Lieutenant Fontaine à l’orée du récit, le passage à tabac qui s’ensuit, et le meurtre de la sentinelle au cours de l’évasion.

Soulignons que ces passages ont été très précisément décrits par Devigny dans la relation qu’il fait de sa captivité313. Ils ont été volontairement supprimés par Bresson qui opère toujours par soustraction. Dans un premier temps, notons que ce qui est éludé, ce sont les moments de plus grande tension, de violence spectaculaire, qui font l’essentiel des films d’action et paraissent tellement secondaires à Bresson. Au journaliste qui lui demande, lors de la conférence de presse à Cannes, s’il n’a pas quelque « répugnance à filmer la mort », il répond :

« Le sujet n’est pas dans ces mains qui étranglent ; il est ailleurs, dans ces courants qui passent. À ce moment-là, les objets sont — c’est assez curieux — beaucoup plus importants que les personnages. (…) Les objets et les bruits sont alors, dans un sens mystique si vous voulez, en communion intime avec l’homme, et c’est beaucoup plus grave, plus important que des mains qui étranglent une sentinelle.314 »

Avant de revenir sur l’importance et le sens des bruits et des sons qui accompagnent ces ellipses, regardons de plus près comment cette scène se déroule.

Fontaine et Jost viennent d’atteindre l’extrémité de la terrasse du bâtiment dans lequel se trouvait leur cellule. Dans la cour, une sentinelle va et vient. Le temps passe. Un nouveau gardien relève le soldat jusqu’alors en faction. Alors qu’un train passe et siffle bruyamment, Fontaine descend le long du mur. Arrivé à terre, il s’arme d’un crochet.

La scène qui suit dure plus de deux minutes. De fait, c’est au sein d’un unique plan-séquence que s’opèrera l’ellipse monstrative.

Dans l’obscurité Fontaine, cadré d’assez proche, se tapit sur le mur et s’interroge :

« S’était-il assis ? S’allumait-il une cigarette ? Il ne venait plus à moi… » Les bruits de pas lourds reprennent. Nouveau temps d’attente. « Il était là, tout proche, à un mètre de moi. Il faisait demi-tour… » Alors qu’un train passe et siffle de nouveau, il contourne l’angle du mur et disparaît dans le noir. De longs instants, l’image reste vide, un pan de mur gris foncé se détachant à peine dans la pénombre. Puis il revient, comme abattu, récupère son crochet au sol (la caméra en légère contre-plongée accompagne le mouvement de sa main) puis lève les yeux vers la terrasse et, comme éclairé par une lumière franche, fait signe à Jost de le rejoindre.

Première remarque d’importance : ici, l’ellipse n’est pas le fait du montage puisque c’est à l’intérieur même du plan-séquence que le meurtre s’opère. De même

au cinéma » dans Après Deleuze, Philosophie et esthétique du cinéma, Éd. Dis Voir, Paris, 1996, pp. 131-139.

313 Un condamné à mort s’est échappé, récit d’une évasion par André Devigny, Le Figaro littéraire, 20 et 27 novembre 1954.

314 « Propos de Robert Bresson » dans les Cahiers du Cinéma, n° 75, octobre 57, p. 8.

lors de la première tentative de fuite, puisque la caméra ne quitte pas la place arrière de la voiture, contrairement à la scène du passage à tabac qui disparaît dans les limbes du montage, une fois la porte de la salle de torture refermée sur les soldats. Bresson, comme le releva Truffaut, n’est jamais systématique, même si le procédé lui-même est récurrent. Deuxième remarque, l’essentiel de la scène repose sur l’attente, la tension, alors que l’événement principal — l’élimination de la sentinelle — est escamoté, hors-champ. Pour le spectateur, de nombreuses questions s’enchaînent : Fontaine va-t-il être blessé, se faire prendre ? Pour Jean-Louis Provoyeur, il y a là comme un « déni de narration »315, qui est renforcé par l’immobilité têtue de la caméra. Comme l’universitaire le précise à propos de la tentative d’évasion de la voiture : « le récit n’est pas dans l’image ». Et le hors-champ de rester définitivement inaccessible. L’horreur du meurtre nécessaire à l’accomplissement de l’évasion est d’autant plus grande qu’elle n’est pas montrée.

Pour Philippe Arnaud : « C’est (…) le tout de l’action comme devenir-scène qui est barré, et la scène comme cadre stable qui convoque sans cesse son dehors pour l’y résorber qui est refusée.316 » Le mal, comme le plus souvent le bien, est de l’ordre de l’irreprésentable, de l’invisible. C’est la part manquante, comme lorsque Jeanne périt sur le bûcher, Mouchette ou la « femme douce » se suicident, ou quand Yvon massacre la famille de la « petite dame aux cheveux gris ». Mais cette oblitération, si chère à Lévinas puisqu’elle désigne la blessure de l’être et désensorcelle des prestiges de la beauté317, dit, dans la scène que nous venons de décrire, tout autant le mal que le bien.

Le mal : c’est le meurtre nécessaire à la fuite ; le bien, c’est le bruit du train qui semble envelopper le geste de Fontaine dans un voile de silence. De fait, ce qui compte pour Bresson, ce n’est pas tant cet acte de violence, « ces mains qui étranglent une sentinelle », mais ces bruits et ces sons qui guident les faits et gestes de Fontaine, qui permettent son action tout en la dérobant aux yeux de ses geôliers et de ses compagnons d’infortune. Ils offrent un contrepoint extraordinaire à l’image, se glissent dans les ellipses, désignant ainsi le passage de l’infini.

Les sons de l’invisible

Dans la partie précédente, nous avions déjà signalé l’importance des sons et des bruits qui sont, particulièrement chez Bresson, des signes de la transcendance (voir en particulier le rôle du râteau dans la confession de la Comtesse du Journal d’un curé de campagne). Mis en perspective, ils ne désignent pas seulement le passage du temps,

315 Le cinéma de Robert Bresson, op. cit., p. 30.

316 Robert Bresson, op. cit., p. 27.

317 Cf. De l’oblitération, La Différence, Paris, 1989.

mais la présence d’un hors-champ, d’un au-delà qui est toute extériorité, toute altérité.

Car si l’on souligne volontiers avec Bresson que son cinéma saisit les mouvements de l’âme — les rythmes que nous venons de mettre en évidence jouent dès lors un grand rôle —, les sons manifestent l’existence du monde hors de nous, et s’accordent parfois, de façon proprement spirituelle, avec l’intériorité des personnages. Comme le remarque le cinéaste lui-même : « les objets et les bruits sont alors, dans un sens mystique si vous voulez, en communion intime avec l’homme…318 » Quelques années plus tard, à l’occasion d’un entretien sur Au hasard Balthazar, Bresson précisera que « l’oreille est un sens beaucoup plus profond, et très évocateur » que l’œil « qui se contente de recevoir319 ». Nombre de citations extraites des Notes cinématographiques confirmeraient la supériorité pour Bresson de l’ouïe sur la vue, qu’il stimule de nombreuses façons320.

Les sons sollicitent d’emblée notre imagination. Dans le même entretien accordé pour les Cahiers du cinéma à Jean-Luc Godard et Michel Delahaye, Bresson précise :

« Le sifflement d’une locomotive, par exemple, peut évoquer, imprimer en vous la vision de toute une gare, parfois d’une gare précise, que vous connaissez, parfois de l’atmosphère d’une gare, ou d’une voie de chemin de fer, avec un train arrêté… Les évocations possibles sont innombrables. »

De fait qu’entend-on précisément dans Un condamné et quel sens peuvent avoir ces sons récurrents ? Chaque fois que Fontaine est saisi à la fenêtre de sa cellule, ce ne sont que bruits de trams et rires d’enfants… autrement dit le dehors immédiat de la prison, la vie et la liberté, si lointaines, si proches. Quand il est à l’intérieur de sa cellule, les sons extérieurs sont ceux des pas des soldats allemands dans les couloirs, des bruits de clefs contre les barreaux de la rampe d’escalier, des ordres vociférés par les gardiens, sans parler des fusillades qui ponctuent régulièrement le film. Les sons évoquent donc la guerre, la captivité et l’omniprésence de la mort. Il y a aussi un immédiat plus lointain, la voie ferrée, avec le passage et le sifflement des trains.

Pendant l’évasion, les bruits des trains vont jouer un rôle fondamental. Pour ne reprendre que la séquence du meurtre décrite plus haut, c’est le passage du train qui décide Fontaine à descendre le long du mur, c’est à nouveau celui-ci qui l’aide à se jeter

Pendant l’évasion, les bruits des trains vont jouer un rôle fondamental. Pour ne reprendre que la séquence du meurtre décrite plus haut, c’est le passage du train qui décide Fontaine à descendre le long du mur, c’est à nouveau celui-ci qui l’aide à se jeter