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DEVANT LE TEMPS

PASSION ET SACRIFICES

I. Robert Bresson : âme pour âme

3. L’Argent ou la folie de la Croix

… c’est le Christ, Tête du Corps mystique, qui accomplit son œuvre d’expiation dans les membres qui se prêtent de tout leur être, corps et âme, à son œuvre de rédemption.

Édith Stein426

Nous aurions pu revenir sur le sacrifice sanglant de l’âne Balthazar, sur celui de Gauvain ou de Lancelot427, mais c’est sur celui de « la petite femme aux cheveux gris »

— qui explicite au mieux la folie de la Croix428 — que nous aimerions nous attarder maintenant. Il porte, à leurs sommets d’incandescence, tous les éléments que nous avons envisagés jusqu’ici : le mystère de la miséricorde, le sacrifice de réparation et d’expiation, et l’échange… que l’on oserait qualifier de mystique ! Il nous semblait important, après des personnages de religieuse et de prêtre, d’aborder celui plus modeste d’un laïc. Pour nous, « la petite femme aux cheveux gris » renvoie autant à la figure du Christ, qu’à celle de la vierge Marie, la petite « servante du Seigneur », elle aussi présente à la Croix429.

Nous avons décrit la genèse de l’œuvre, librement inspirée d’une nouvelle de Tolstoï, Le Faux Coupon430. Nous avons souligné comment Bresson a réduit la seconde partie du récit, à l’origine quasiment symétrique à la première, afin de rendre l’épilogue plus saisissant encore. De fait, la dame aux cheveux gris, qui apparaît dans des chapitres

426 Philosophe juive allemande devenue carmélite après s’être convertie au catholicisme (1891-1942), sacrifiée pour ses origines et sa foi sur l’autel de la barbarie nazie à Auschwitz.

427 Cf. supra pp. 43-50 et 125-135.

428 « Le langage de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu. […] Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. » 1 Co 1, 18-25.

429 Lc 1, 26-55, et Jn 19, 25-27.

430 Cf. supra, pp. 136-137.

centraux de la nouvelle, n’apparaît que dans l’ultime volet du film, film que l’on peut aisément découper en trois parties principales : comment le piège se referme sur Yvon, le hold-up et la prison, la rencontre et la révolte finale. Rappelons l’intention qui dirige l’écrivain russe lorsqu’il écrit Le Faux Coupon. Elle n’en éclaire que mieux cette dernière partie :

« Seule la non-violence peut arrêter le Mal, le neutraliser en l’absorbant en elle. Elle ne lui permet pas d’aller plus loin comme il y tend inévitablement, ainsi qu’un mouvement transmis par des boules élastiques, faute seulement d’une boule qui l’absorbe. Le christianisme efficace ne consiste pas à faire acte de christianisme mais à absorber le mal.431 »

Bien entendu, la petite dame est cette « douce force » qui stoppe net l’engrenage du mal et incurve la folle course d’Yvon, fût-ce au prix du sacrifice. Mais il est à noter l’importance que Bresson donne à ce personnage, discrètement évoqué dans la nouvelle, à travers sa présence rayonnante dans le film et le dialogue qui se développe avec Yvon, ce dernier condensant deux personnages de Tolstoï : le tailleur boiteux du chapitre XVI et le Stéphane du chapitre XXIII. De fait, cette rencontre n’est rien moins pour Bresson que celle de « la Révolte et de l’Acceptation432 ».

La communion des saints, un mystère de miséricorde

Avant la rencontre avec la petite dame aux cheveux gris, le mystère de la communion des saints et de la présence de Dieu parmi les hommes se manifeste déjà dans le film de diverses manières. Tel compagnon de cellule prie pour Yvon lors de sa tentative de suicide, tel autre l’invite à résister à la tentation de la vengeance et de la révolte, avant de prononcer ces paroles mystérieuses, qui font peut-être référence à sa future hôtesse : « Quelqu’un qui t’aime bien et pense à toi de loin te protège. Un parent, un ami t’a empêché de faire le con… » Au cœur du film, une messe est célébrée. Même si elle s’avère le lieu de trocs et d’échanges divers entre les prisonniers — renvoyant à une tout autre forme de communion —, elle est aussi le lieu du sacrifice du Christ et s’achève par la prière suivante : « Arrache-nous à la damnation et reçois-nous parmi les élus », prélude sans doute au salut d’Yvon433. Ces moments comptent particulièrement pour Bresson, qui n’a de cesse de les signaler lors des divers entretiens qui accompagnent la sortie du film :

431 Journal de l’écrivain cité par Mireille Latil-Le Dantec in Cinématographe, n° 90, juin 1983.

432 Les majuscules sont voulues par Bresson. Entretien avec Jean-Luc Douin in Télérama, 18 mai 1983.

433 Cf. Du spirituel dans le cinéma de Guy Bedouelle, Cerf, Paris, 1985, pp. 44-45.

L’Argent

« du point de vue religieux, il y a tout de même une messe, et puis ces derniers moments, par lesquels une morale se dégage, où le Bien surgit. Il faut pouvoir le sentir évidemment. Au dernier moment, le personnage se rachète. On trouve le même genre de rachat chez Dostoïevski.434 »

Même si Dieu agit de manière souterraine, seule la rencontre avec la petite dame aux cheveux gris semblera déterminante pour Yvon. Comme le note justement Jean Semolué : « Yvon trouve en elle, et cela de façon totalement inattendue, l’amie, la parente qui lui manque.435 » Elle est l’image même de cette humilité « invincible » dont parlait Malraux, de l’abnégation, de la patience et de la douceur. Du soir au matin, elle s’échine pour toute la maisonnée436, véritable ancilla domini, supportant l’alcoolisme du père, ne répondant pas lorsqu’il la gifle et la traite de folle alors qu’elle porte à Yvon un bol de café. À l’instar de la petite Thérèse ou du curé de Bernanos, elle trouve la paix dans les « petites choses ». Mieux, elle écoute Yvon, ne le juge pas… et, alors même qu’il lui avoue son crime, lui pardonne, avec cette audace digne des saints : « On vous pardonnera. Si j’étais Dieu, s’il n’était que de moi, je pardonnerai à tout le monde… » Quant nous disions que nous avions affaire à une figure mariale ! D’ailleurs, quand elle croise la gendarmerie, elle ne le dénonce pas. Qu’attend-elle ? Une rémission, une conversion ?

Ceci n’est pas sans effet sur Yvon qui semble recouvrer provisoirement la paix, la sérénité. Cependant, il ne la comprend pas et elle reste pour lui un véritable mystère :

« Et on vous bat ! Vous êtes seule à faire tout ici, à vous esquinter pour tout le monde.

Comment est-ce que vous ne vous jetez pas tout de suite dans la rivière ? Vous attendez un miracle ? — Je n’attends rien. »

Cette rencontre donne d’ailleurs lieu à l’une des plus belles scènes du film, souvent décrite. Alors qu’elle va étendre le linge dans le jardin, il cueille pour elle quelques noisettes. Elle les grignote avec un petit sourire complice — peut-être le croit-elle guéri ? D’aucuns y voient l’image d’un paradis où les rôles d’Adam et Eve seraient inversés437. Ah ! le bruit des noisettes qui craquent sous la dent et celui du vent qui caresse les arbres, prenant le relais de la rivière qui coule non loin... et qui rappelle ces courants invisibles si chers au Bresson d’Un Condamné. Hélas, ce moment de tendresse

434 Propos recueillis par Jacques Drillon, in Nouvel Observateur, 6 mai 1983.

435 Op. cit., p. 260.

436 Ce qui correspond assez bien à la description qu’en fait Tolstoï : « Elle supportait tout en silence, avec résignation, et aussi, comme il arrive toujours, plus elle avait à faire, plus elle faisait. » Le Faux Coupon, Léon Tolstoï, Éditions Ombres, Toulouse, 1998, p. 57.

437 Lire Jean Sémolué, « L’Argent, note pour une approche », in Cinéma, n° 294, juin 1983.

partagée sera de courte durée. Le plan suivant, nocturne, de la hache qui force la porte de la maison annonce le massacre final.

L’échange et le mystère de la Croix

Il semble évident pour tous les commentateurs que la petite dame attendait Yvon. De fait, ils semblent s’être choisis. Deux plans à distance se répondent et le confirment. Celui où Yvon la voit pour la première fois, au sortir de la poste, ranger ostensiblement ses billets, et celui où elle le regarde s’éloigner longuement sur le seuil de sa porte. Mais de quel mystérieux échange s’agit-il ? Nous retrouvons cet « âme pour âme » que nous avions rencontré dans Les Anges du péché ou dans le Journal. Yvon, c’est un peu Thérèse, et la vieille dame, Anne-Marie. À quarante ans de distance s’opère la même transfusion, le même mystère. Là aussi, la dame au cheveux gris se donne gratuitement, sans attendre aucune réciprocité. L’on pense aux lignes très fortes qu’Emmanuel Lévinas écrit dans son ouvrage magistral : Autrement qu’être ou au-delà de l’essence438. Le philosophe y décrit le « Désir éthique » comme une véritable

« Passion » pour l’autre qui remet en cause tout pouvoir et tout égoïsme, jusqu’à la substitution qu’implique « l’un-pour-l’autre » : nous devenons ainsi l’otage d’autrui, responsable jusqu’à sa faute. « C’est par la condition d’otage, note le penseur de l’altérité, qu’il peut y avoir dans le monde, pitié, compassion, pardon et proximité.439 » Et cette condition peut mener jusqu’au sacrifice.

Ceci est un scandale pour la raison. D’où la réaction « naturelle » du père qui la traite de folle, comme l’attitude d’Anne-Marie semblait folle à son entourage, de même que celle du curé de campagne semblait inacceptable pour ses supérieurs. Pour René Prédal, le comportement de la petite dame aux cheveux gris « est aussi aberrant que celui d’Yvon440 ». Et Joël Magny de s’interroger : « Son humilité n’est-elle pas l’autre face d’un immense orgueil ?441 » De fait, c’est toute sa famille qui sera immolée, entraîné à son insu dans cet holocauste. Mais ne fallait-il pas au moins cela pour sauver Yvon ? Ceci renvoie au sacrifice d’Isaac tel que le commente Kierkegaard. Dans L’Argent aussi, il semble y avoir « suspension téléologique de l’éthique »442. La prudence, la morale, le bon sens, inviteraient, pour le salut des siens, à dénoncer Yvon aux gendarmes qu’elle croise. Elle sait, dès qu’il lui avoue son crime, que toute sa famille est menacée. Pourtant, un appel plus grand l’anime, une intuition qu’elle ne peut

438 Op. cit. note 229. Lire en particulier le chapitre IV, intitulé « La substitution », et notre commentaire dans : L’Utopie de l’Art, Éthique et Esthétique chez Emmanuel Lévinas, 1996, pp. 57-64.

439 Autrement qu’être… p. 186.

440 Op. cit., p. 124.

441 « L’image de L’argent », Cinéma 83, n° 295-96, août 1983.

442 Cf. Crainte et tremblement, Payot et Rivages, Paris, 2000, pp. 107-147.

nommer, venant d’un lointain ailleurs. De fait, il faut ce sacrifice sanglant pour sauver Yvon, cette innocence broyée, cette patience et cette compassion foulée, pour le restaurer dans sa liberté. Quelque chose a ébranlé Yvon qui finit par se dénoncer in extremis, et ce quelque chose s’appelle la grâce.

La grâce, le triomphe du Bien

Comme le note très justement Claude-Marie Trémois dans Télérama :

« tout à coup s’opère un retournement qui casse la chaîne des conditionnements. Le regard de la “petite femme” est pour Yvon le déclic qui lui rend son libre-arbitre : le pouvoir soudain de choisir entre le mal et le bien. Ce déclic, en langage chrétien — et Tolstoï et Bresson parlent ce langage — c’est l’intrusion de la grâce qui refait d’Yvon un homme libre.443 »

La grâce redonne à Yvon la liberté de choisir, en le délivrant de son conditionnement.

Car, il était le prisonnier de sa révolte, de son Mal, il ne pouvait plus choisir, alors que la « dame aux cheveux gris » choisit Yvon et, avec lui, risque sa vie et celle des siens.

Mais le moment même de la conversion restera invisible à nos yeux. A-t-il lieu durant l’ellipse ménagée entre le meurtre et la reddition au café ? Toujours est-il que nous n’en voyons que les effets… « Le Bien, c’est de se rendre à la police » commente lui-même Bresson lors de la conférence de presse à Cannes, et ajoute : « C’est le Bien qui arrive par la confession. C’est une chose chère à Dostoïevski que j’ai toujours trouvée très jolie… Dans cette confession, il y a la preuve qu’il renie tout ce qu’il a fait. » Comme Thérèse, Yvon se rend. Il est sur la voie du Salut. Mais il a fallu le sacrifice expiatoire de la petite dame, comme précédemment celui de Thérèse ou du curé de campagne.

Une dernière remarque : le film se clôt sur la foule qui assiste à son départ interloquée, abasourdie. Elle ne comprend pas, attend quelque chose, des explications, un événement. À sa manière très elliptique, Bresson conclut : « La foule à la fin regarde le vide. Il n’y a plus rien. Le Bien est parti. Il est dans une auto de la police… » De même le spectateur de son film, qui reste interdit.

Le pourquoi du sacrifice selon Gilles Deleuze

Nous avons lourdement insisté, et nous y reviendrons chez Tarkovski : le sacrifice des personnages bressoniens se fait, à l’aune de la Croix, par amour et pour le salut des autres. Il n’est jamais une fin en soi. Il s’agit de mettre un terme au mal qui emprisonne tel ou tel personnage, qui nuit à telle ou telle communauté. Il s’agit aussi de rester fidèle à la vérité de l’amour, jusqu’au sacrifice, comme dans le cas de Jeanne

443 Art. cit., voir supra note 45.

d’Arc que nous avons ici laissé de côté444. Mais avant de s’intéresser aux personnages tarkovskiens, et pour ménager une transition, il est bon de s’attarder sur les quelques pages que Gilles Deleuze consacre à Bresson dans l’Image-mouvement. Elles n’en éclaireront que mieux l’intention de nos deux cinéastes.

Abordant la catégorie de « l’image-affection », il consacre de brillantes pages à l’« abstraction lyrique » (Sternberg, Dreyer, Bresson) qui font suite à l’analyse de l’opposition et de la lutte entre le bien et le mal à l’œuvre dans l’expressionnisme allemand445. Pour Deleuze, toute une ligne de réflexion se développe de Pascal à Bresson, de Kierkegaard à Dreyer. Contrairement à l’expressionnisme où la lutte s’opère entre bien et mal, et donc noir et blanc (pensons à Murnau ou à Lang), l’enjeu esthétique et éthique, pour ne pas dire spirituel, de l’abstraction lyrique ne se pose plus en termes d’opposition mais en termes d’alternance entre bien et mal et, plus précisément, d’alternative, de choix. De ces diverses alternatives découleront autant de caractères-types.

Précisons : « De son rapport essentiel avec le blanc, l’abstraction lyrique tire deux conséquences qui renforcent sa différence avec l’expressionnisme : une alternance de termes au lieu d’une opposition ; une alternative, un choix de l’esprit au lieu d’un combat.446 » De fait, l’« alternative de l’esprit » ne se porte pas tant sur « des termes à choisir », bien ou mal, que sur le mode d’existence de celui qui choisit, ou refuse de choisir. Nous passons donc de l’alternance bien/mal, noir/blanc, à l’alternative entre choisir le bien ou le mal, ou ne pas choisir. Il en découle divers modes existentiels, divers personnages :

« Le choix spirituel se fait entre le mode d’existence de celui qui choisit, à condition de ne pas le savoir, et le mode d’existence de celui qui sait qu’il s’agit de choisir. C’est comme s’il y avait un choix du choix ou du non-choix. Si je prends conscience du choix, il y a donc des choix que je ne peux plus faire, et des modes d’existences que je ne peux plus mener, tout ce que je menais, à condition de me persuader qu’“il n’y avait pas le choix”. Le pari de Pascal ne dit pas autre chose…447 »

« Pari » pour Pascal, « alternative » pour l’existentialisme chrétien de Kierkegaard,

« choix » pour la version athée de Sartre.

Cela donne lieu à cinq types de caractères que nous retrouvons aussi bien chez Dreyer que chez Bresson : « Il y a les hommes blancs de Dieu, du Bien et de la Vertu, les « dévots » de Pascal, tyranniques, hypocrites peut-être, gardiens de l’ordre au nom

444 Sur ce sujet, lire dans L’Image-mouvement, op. cit., les pages consacrées au Procès de Jeanne d’Arc, pp. 153-154.

445 Ibid. p. 157 et suiv.

446 Ibid. p. 160.

447 Ibid. p. 161.

d’une nécessité morale ou religieuse. Il y a les hommes gris de l’incertitude (…). Il y a les créatures du mal, nombreuses chez Bresson…448 » Les premiers sont nombreux chez Dreyer, pensons au pater familias d’Ordet ou au pasteur de Dies irae. Parmi les seconds, citons le Lancelot ou le pickpocket de Bresson. Les personnages de la troisième catégorie sont légion chez le réalisateur de L’Argent : Thérèse dans Les anges du péché, Hélène dans Les dames du bois de Boulogne, Chantal dans le Journal, Gérard dans Au hasard, Yvon dans son dernier opus… Mais les personnages issus de ces trois premières catégories sont esclaves de leur non-choix, du bien ou du mal, comme nous le disions pour Yvon, quelques lignes plus haut. Deleuze précise : « les trois types de personnages précédents font partie du faux choix, de ce choix qui ne se fait qu’à condition de nier qu’il y ait le choix.449 » Yvon pourrait dire à l’instar du Méphisto de Goethe : « nous autre diables ou vampires, nous sommes libres pour le premier acte, mais déjà esclaves du second. »

Nous l’avons écrit à la suite de Claude-Marie Trémois : seule la grâce restaure le libre-arbitre de personnages embourbés dans le mal, ou le non-choix ! De fait, pour Deleuze, qui ne fait pas référence à la grâce dans ces quelques lignes, le choix ne se définit pas tant par ce qu’il choisit que « par la puissance qu’il possède de pouvoir recommencer à chaque instant, se recommencer même, et se confirmer ainsi par soi-même, en remettant en jeu tout l’enjeu à chaque fois.450 » Une forme de nouvelle naissance, de recommencement, qui n’est possible que si l’on naît d’en haut, pour reprendre le texte de l’évangile suggéré par le sous-titre d’Un Condamné… : Le vent souffle où il veut. Cette « remise en jeu » peut aller jusqu’au sacrifice de soi-même, jusqu’au martyre. Deleuze en effet poursuit : « Et même si ce choix implique le sacrifice de la personne, c’est un sacrifice qu’elle ne fait qu’à condition de savoir qu’elle recommencerait chaque fois, et qu’elle le fait pour toutes les fois »451. Mais redisons-le et insistons avec force : il ne s’agit pas ici de fanatisme exalté ou de jusqu’auboutisme vengeur. Le sacrifice se fait par amour et pour le salut d’autrui. « Le personnage du vrai choix s’est trouvé dans le sacrifice, ou retrouvé par-delà le sacrifice qui ne cesse d’être recommencement : chez Bresson, c’est Jeanne d’Arc, c’est le condamné à mort, c’est le curé de campagne…452 »

Ainsi Deleuze ajoute-t-il une quatrième catégorie aux trois précédentes, celle du

« personnage du choix authentique ou de la conscience du choix ». Nous retrouverons bien sûr cette catégorie chez Tarkovski, à travers la figure des « fols en Christ », tels le

448 Ibid. p. 161.

449 Ibid. p. 162.

450 Ibid. p. 162.

451 Ibid. p. 162.

452 Ibid. p. 162.

Stalker ou le Domenico de Nostalghia, dont nous trouvons les prémices dans L’Enfance d’Ivan et l’aboutissement dans Le Sacrifice. À ces quatre types fondamentaux, Deleuze en ajoute un cinquième, que nous avons ici déjà évoqué : la bête ou l’Âne dans Au

Stalker ou le Domenico de Nostalghia, dont nous trouvons les prémices dans L’Enfance d’Ivan et l’aboutissement dans Le Sacrifice. À ces quatre types fondamentaux, Deleuze en ajoute un cinquième, que nous avons ici déjà évoqué : la bête ou l’Âne dans Au