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SIGNES ET SYMBOLES

II. Andrei Tarkovski : pour une présence symbolique

1. Andrei Roublev : sous le signe de la Trinité

Avec Andrei Roublev, Tarkovski signe un premier chef-d’œuvre— même s’il n’est pas au faîte d’un art qu’il atteindra avec Stalker. Rappelons en quelques mots l’intrigue de cette fresque qui lie aux fracas de l’histoire collective la singulière quête artistique et spirituelle du peintre de La Trinité. Soulignons que les épisodes narrés par le film sont l’entière invention d’Andrei Kontchalovski et d’Andrei Tarkovski, la vie de l’iconographe russe étant particulièrement méconnue. Seule certitude, une longue pause marque son activité créatrice. C’est cette parenthèse que les scénaristes ont investi de leur questionnement sur les rapports entre l’histoire, l’art et la foi.

Nous sommes au début du XVe siècle, à une époque-charnière de la Russie. Alors qu’il quitte son monastère accompagné de deux autres moines, les pérégrinations de Roublev croisent un bouffon, puis Théophane le Grec, fameux peintre d’icônes avec lequel il va collaborer. Alors qu’il doit réaliser un Jugement dernier pour le Grand-Duc, une

139 Héros respectifs du récit de Gogol, Le Manteau, et du roman en vers de Pouchkine, Eugène Onéguine.

140 TS, p. 107.

141 Idem.

première crise de doute l’assaille : comment représenter des hommes livrés aux flammes de l’enfer alors que Dieu n’est qu’amour142 ? L’invasion des Tatars met un terme provisoire à son travail. Pour sauver une malheureuse d’un viol et d’une mort certaine, il tue l’un de ses compatriotes. Dans un esprit de pénitence, Roublev décide de faire vœu de silence et renonce à la peinture. La rencontre avec un jeune fondeur de cloche fragile mais inspiré lui fait reprendre confiance en la création, redonnant un sens à sa vocation de peintre d’icône143.

Essayons d’identifier les éléments présents de manière récurrente dans Andrei Roublev. Trois motifs fondamentaux reviennent en effet régulièrement : l’eau, le cheval et la pluie. D’autres éléments apparaissent ponctuellement au cours du film, mais restent cantonnés à certains épisodes. Ces objets sont : le ballon, dans le préambule ; le luth, dans la séquence du bouffon ; l’icône, dans celle de Théophane ; le feu, lors de la fête païenne ; l’église, dans le prologue, durant l’exécution du Jugement dernier et le sac de Vladimir ; enfin, la cloche lors de l’avant-dernière séquence. Avant de voir comment ils ont été mis en scène dans tel ou tel moment du film, revenons aux trois leitmotiv principaux, qui sont, de loin, les plus riches en signification. La pluie, le cheval et l’eau sont des éléments concrets de la nature qui, dans les scènes où ils sont présents, manifestent une autre dimension.

L’eau de la terre et l’eau du ciel

L’eau est particulièrement présente dans le prologue (aux côtés de la terre, de l’air et du feu)144. Elle sépare les soldats des moines à la fin de la séquence du bouffon.

Elle accueille la peinture qui se dilue quand Thomas nettoie ses pinceaux dans la rivière. La fête païenne se déroule au bord du fleuve, les rituels se déroulent dans l’eau et une femme échappe à ses poursuivants à la nage. Lorsqu’on aveugle les sculpteurs, du lait coule dans le ruisseau. Les cavaliers tatars doivent traverser le fleuve pour rejoindre le frère du Grand-Duc. Lorsque l’apprenti Thomas est tué par une flèche tatare, il tombe dans un ruisseau et du lait (celui des tailleurs de pierre ?) s’écoule à ses côtés. Quand Boris trouve l’argile nécessaire à la confection de sa cloche, Andrei Roublev se trouve de l’autre côté d’un fleuve. Enfin, lors de la dernière séquence du film, les chevaux attendent sous la pluie sur une parcelle de terre entourée d’eau.

142 Cf. 1ère épître de Jean, chapitre 4, verset 8.

143 Dans Le Temps scellé, Tarkovski donne ce sens à l’intrigue : « L’histoire de la vie de Roublev est l’histoire d’un concept enseigné et imposé, qui se brûle dans la réalité vivante, pour renaître de ses cendres, comme une vérité nouvelle à peine découverte… la géniale Trinité, idéal d’amour, de bonté et de fraternité. » Cité par Sophie Benech dans Œuvres cinématographiques complètes, Andrei Tarkovski, Exils Éditeurs, Paris, 2001, p. 154. Nous y reviendrons.

144 Dans la scène finale du Sacrifice, formidablement décrite par Chris Marker dans son film Une Journée d’Andrei Arsenevitch (2000), nous retrouverons cette conjonction des quatre éléments.

Commentant ces passages, Andràs Kovàcs Bàlint et Szilàgyi Akos écrivent :

« Sur ces images, l’eau n’a pas de signification symbolique, elle a un rôle et un sens ; cet élément conserve et accueille ce qui périt, il sépare le bien du mal145. » À l’instar des trois autres éléments, l’eau est donc un signe avant d’être un symbole ou une métaphore et n’acquiert de signification seconde qu’en fonction de la séquence qui le met en scène. En ce qui concerne le cheval, la signification est claire, Tarkovski l’ayant lui-même signalée : le cheval est pour lui le symbole de la vie146. Il est présent au terme du préambule, après la chute du ballon ; lors de l’attaque des tatars, particulièrement quand l’un d’entre eux est achevé par un envahisseur ; enfin, dans la dernière séquence, son rôle, comme dans le prologue, n’est plus que symbolique. Mais à chaque fois, le sens est donné avec et par la séquence.

Quant à la pluie, son rôle est éminemment signifiant. Elle apaise et purifie les hommes qui accueillent la grâce divine. Alors que l’eau est présente quasiment dans toutes les séquences, la pluie intervient de façon plus ponctuelle. Si elle accompagne les trois moines à l’orée du récit (Andrei veut s’en protéger, Daniel dit ne pas la craindre), la pluie lave le bouffon qui lui offre sa poitrine après son numéro. À la fin du chapitre intitulé « Le Jugement dernier », Roublev, qui a retrouvé la volonté de peindre au terme d’une longue crise de doute, sort de l’église réconcilié, et s’enfuit sous l’orage qui gronde. La pluie tombe sur Boris lorsqu’il découvre l’argile nécessaire à la confection de sa cloche. Enfin, elle recouvre les icônes de la séquence finale. À chacune de ses interventions, elle fait le lien entre l’homme et sa mission. Annonçant le conflit intérieur d’Andrei lors de sa première apparition, elle salue ensuite la vocation acceptée des hommes et accompagne, enfin, celle de Boris.

Bien plus, derrière le rideau de pluie qui tombe du ciel, se cache l’autre monde, présent à celui qui sait le reconnaître. Ainsi, l’eau du ciel « fonctionne » telle une icône : elle désigne et sépare à la fois le monde visible du monde invisible. Antoine de Baecque décrit parfaitement cette fonction symbolique :

« Seule l’eau du ciel permet ainsi, à travers le fragile espace qui la matérialise, une vue troublée sur le divin. Seule l’eau du ciel apporte également, à travers sa concentration sur un point précis, sur un être, l’élection. Ces deux formes de pluie qui tombe, le rideau linéaire et l’averse centrée, déterminent tous deux un espace religieux à l’intérieur même de la société des hommes, le rideau laisse entrevoir l’autre monde, l’averse est signe d’élection.147 »

145 Les Mondes d’Andrei Tarkovski, op. cit., p. 79.

146 Cf. supra note 131.

147 Andrei Tarkovski, Cahiers du cinéma, coll. “Auteurs”, 1989, p. 32. Nous retrouverons ce motif et cette fonction symbolique dans nombre d’autres films de Tarkovski. Cf. infra.

Et de conclure dans une formule aux accents baziniens : « Dans les deux cas, l’eau du ciel, signe lumineux, s’inscrit dans une phénoménologie divine ; elle est la manifestation d’une métaphysique de la pureté. »

Le vol d’Icare

Regardons dans quelques scènes comment fonctionnent ces divers éléments conjugués et sur quel sens ils débouchent.

Prologue148 : la caméra découvre un immense ballon de peau arrimé à une église. Des hommes le retiennent à l’aide de cordages. Sanglé de diverses cordes un homme arrive, poursuivi par des paysans et des soldats. Pour rejoindre l’église, il traverse le fleuve à l’aide d’une barque. Alors qu’il monte dans la tour, un premier cheval apparaît. Et de s’écrier : « Mon Dieu, pourvu que j’y arrive ! » Les soldats s’emparent des hommes qui l’ont aidé, mais le ballon s’envole. À ceux qui ne peuvent plus l’atteindre, l’homme s’écrie : « Je vole ! Je vole ! Rattrapez-moi… » Il survole les terres inondées, parcourues de chevaux au galop, avant de s’écraser au sol. Arrêt sur image. Un cheval s’ébroue à terre, se redresse, avant de s’élancer à nouveau.

Nous voyons donc successivement, balayé par les larges panoramiques de Tarkovski : une église, un ballon, le feu, l’eau, des hommes, un cheval dessellé, l’air, la terre et, de nouveau, un cheval.

L’église symbolise le lien entre le terrestre et le céleste ; le ballon le désir de s’élever ; le fleuve sépare, pour un temps, le bien du mal ; le cheval, enfin, incarne la liberté et la vie. Laissons Tarkovski commenter lui-même cette séquence :

« Pour nous, c’était le symbole de l’audace dans le sens que la création exige d’un homme le don intégral de son être. Qu’il veuille voler avant que cela ne soit devenu possible, ou fondre une cloche sans avoir appris à le faire, ou peindre une icône — tous ces actes exigent que, pour prix de son travail de création, l’homme meure, se dissolve dans son œuvre, se donne en entier. C’est là le sens de ce prologue — l’homme a volé et a fait pour cela le sacrifice de sa vie149. »

Au-delà de son réalisme, cette séquence dit bien le désir qu’ont les hommes de s’élever artistiquement ou spirituellement ; l’incompréhension et l’hostilité que cela suscite ; enfin, le sacrifice qu’il en coûte et le risque encouru. À l’aube du récit, cette allégorie préfigure les tribulations d’Andrei, avant qu’il n’atteigne la plénitude de son art. En une

148 Dans le scénario original, le paysan est muni d’ailes. Pour atténuer une symbolique par trop évidente, Tarkovski préfère l’image du ballon : « Nous avons longtemps cherché comment détruire le symbole plastique que contenait cette scène, pour enfin découvrir que l’origine du problème se trouvait dans les ailes. Nous avons imaginé un ballon afin d’éliminer tout rappel d’Icare. » TS p. 74.

149 Positif, n° 109, octobre 1969, p. 10.

seule séquence qui combine symboles et métaphores, se déploie ainsi le jeu de la création, de la mort et de la résurrection.

La théophanie selon Tarkovski

La scène suivante se situe au cœur de la première partie. Elle dit un monde où cohabitent le sacré et le profane transfiguré, le visible et l’invisible :

Alors qu’il discute dans une forêt de bouleaux avec son apprenti Thomas, Andrei contemple un serpent qui ondoie dans un marécage. Les racines des arbres s’enchevêtrent tirant du sol et de l’eau leur substance nourricière. Non loin de lui se trouve Théophane. Des fourmis envahissent ses jambes nues qu’il chasse à coups de calot. Thomas découvre un cygne mort que dévore une multitude d’insectes…

Une nature habitée est au cœur de cette scène. Tout semble animé d’une vie intense. Et ni le mal, ni le bien ne semblent l’emporter. Tout cohabite harmonieusement dans une nature réconciliée. Ainsi qu’Akos et Kovàcs le soulignent : « le rapport étroit avec la nature signifie une relation intime avec l’autre monde150. » Comme dans les icônes qu’Andrei Roublev peindra ultérieurement, toute la nature manifeste la présence du divin au cœur de ce monde. Pourtant, le mal et la mort sont aussi présents.

Après avoir rapidement survolé terres et fleuves, nous suivons une discussion assez sèche entre Théophane et Andrei. Le sujet est l’omniprésence du mal ici-bas. Dualiste, la pensée du Grec oppose radicalement ce monde corrompu au monde divin. « Si Jésus revenait, il serait de nouveau crucifié. Jésus rassemblait les gens et les instruisait, puis le peuple qu’il avait enseigné l’a vendu. » Cependant, le peintre de la Trinité ne veut pas perdre espoir : « On rencontre dans la foule un regard humain et, tout d’un coup, on n’est plus seul, on se sent soulagé. » Puis commence le récit de la Passion sur les terres enneigées de la Russie, commenté par Andrei et auréolé d’une étonnante douceur.

Dieu est présent au cœur de la nature transfigurée, mais aussi au cœur de la vie des hommes. En représentant une Passion contemporaine de ses protagonistes, Tarkovski souligne son actualité, son omniprésence dans l’histoire des hommes. Nous reviendrons sur cet aspect ultérieurement.

150 Les Mondes d’Andrei Tarkovski, op. cit., p. 81.

Andrei Roublev : l’ange de la Passion

Dans cette séquence de la Passion, il faut particulièrement souligner la présence de plusieurs anges — jamais signalée à notre connaissance — qui justifie, si cela était encore nécessaire, la dimension de peintre d’icônes du cinéaste. Mais ayant sans doute peur de leur symbolique par trop évidente, c’est entièrement revêtus de blanc, le visage et les cheveux eux aussi poudrés de blanc, qu’ils apparaissent sur fond de neige immaculée, comme s’ils devaient ne parler qu’à notre inconscient, se dissimulant à notre perception immédiate. Pour autant, leur existence est le fruit d’un choix esthétique délibéré et leur signification spirituelle, tout sauf anodine. Elle renvoie directement à la présence des anges au sépulcre le matin de Pâques (cf. : Mt 28, 3 ; Mc 16, 5 ; Lc 24, 4).

De même, chez Tarkovski, les symboles clignotent, fragiles comme la flamme d’un lumignon, scintillants dans des récits ourlés de ténèbres où ils apparaissent, pour en revenir à notre séquence, comme des anges illuminant le fond obscur de nos épreuves151.

À la fin de la séquence, Thomas nettoie les pinceaux, et les restes de la peinture s’éparpillent dans l’eau du fleuve. Un long chemin reste à faire pour que l’art du moine célèbre de nouveau l’unité retrouvée.

Monde chrétien, monde païen

La séquence suivante dit la cohabitation du sacré et du profane dans un monde toujours divisé. Le peintre d’icône devra faire l’apprentissage de cette autre sphère afin de découvrir un autre visage de l’amour. Sans entrer dans le détail de ce chapitre intitulé

« La Fête », soulignons son aspect nocturne (c’est l’envers du monde d’Andrei), et la présence du feu, de la terre, de l’air, de l’eau et des chevaux — symboles de vie. À l’ascétisme byzantin incarné par Théophane, qui chante l’amour spirituel, mais condamne la chair, se superpose une mère-nature fêtée par le paganisme immémorial de la terre russe. Les païens que Roublev côtoie une nuit durant célèbrent l’amour charnel, concluant par un étonnant rituel leur fête au petit matin.

S’il n’est pas convaincu, Roublev ne les condamne pas. Le corps n’est pas le mal, même s’il n’est pas encore transfiguré par la résurrection. Comme le note France Farago, Tarkovski confronte paganisme et christianisme, mais ne les oppose pas.

Commentant la scène finale, elle écrit :

« Et tandis que l’on revoit Andrei, de retour au milieu des siens au petit matin, la barque païenne, au centre de l’écran, vient heurter la barque chrétienne : à la fois antagonisme

— elles se repoussent l’une l’autre — et point d’impact, rencontre. Le naturalisme

151 Notons la présence d’un autre ange dans l’une des séquences de rêve de Nostalghia (1983) — le rêve étant pour le cinéaste, comme pour le P. Paul Florenski, le point de contact entre le visible et l’invisible, le terrestre et le céleste — prouvant par là la permanence de l’inspiration d’Andrei Tarkovski. Nous y reviendrons.

païen glorifiant l’immanence ne vient-il pas donner quelque leçon aux excès d’un christianisme dont le culte de la transcendance a souvent commis le péché du mépris de tout ce qui est chair…152 »

De fait, l’on sent Andrei plus proche de cette Ève éprise de liberté traversant le fleuve à la nage que des soldats et des moines inquisiteurs (parmi lesquels on reconnaît Kiril) qui la pourchassent.

Au terme de ses pérégrinations, Andrei fera la connaissance de Boris, le jeune fondeur de cloche. Par sa détermination, son audace et sa folie, il réconciliera le peintre avec sa vocation. La matière est transfigurée par le jeune homme qui agit tel un alchimiste inspiré. Cependant, ce n’est pas l’œuvre d’un seul au profit aléatoire. Ici toute la communauté est présente, un instant réunie. De façon symétrique à l’envol du ballon, la cloche s’élève puissamment dans les airs. Le bien, in fine, triomphe du doute et du mal, à l’instar de l’archange saint Michel représenté sur la cloche de bronze qui vainc le dragon. Le monde divin est ainsi glorifié — à l’instar du pouvoir du Grand-Duc. Peu importe. La cloche fera de nouveau le lien entre la terre et le Ciel. C’est la vocation même des icônes. Malgré leur destruction, malgré le Mal et ses péchés, Andrei retrouve le chemin de la création. Et c’est par elle qu’il participe à l’œuvre de Dieu, tout en révélant sa grandeur et sa beauté153.

Pour Tarkovski, proche en cela de la perspective développée par Nicolas Berdiaev qui se situe dans le sillage d’un Vladimir Soloviev ou d’un Serge Boulgakov, c’est en créant sous le souffle de l’Esprit que l’homme accomplit sa vocation et rejoint son Créateur. Au micro de France-Culture, il déclare à propos d’Andrei Roublev :

« Aussi longtemps que l’homme existera, il y aura cette tendance instinctive à la création. Aussi longtemps que l’homme se sentira homme, il tentera de créer quelque chose. C’est en cela qu’il a un lien avec son Créateur.154 » Puis, abordant sa propre vocation et rejoignant ainsi le geste créateur de Roublev, il précise : « lorsqu’un artiste trouve des personnages, des histoires, il fait œuvre de prière, communie avec Dieu dans la création, et trouve les paroles justes. Cela relève du mystère de la Création155 ». De même, pour Berdiaev l’acte créateur est l’acte religieux par excellence. C’est ainsi que

152 « La réalité plénière du spirituel : Andrei Roublev » in Études Cinématographiques, n° 135-138, 1961, p. 35. Soulignons que la rencontre du monde païen et du monde chrétien est récurrente dans l’œuvre de Tarkovski. De fait, elle est au cœur d’une Russie évangélisée depuis un millénaire à peine.

153 Cf. supra, note 127.

154 Andrei Tarkovski, Antoine de Baecque, op. cit., pp. 107-108.

155 Idem, p. 111.

l’artiste inspiré prépare la venue du « Huitième Jour » et anticipe la transfiguration de l’univers156.

Le symbolisme de La Trinité

Dans la séquence finale enfin en couleurs, se retrouvent en un même plan les icônes du peintre russe, la pluie et les chevaux sur une île. Cette succession dit la sphère terrestre et la sphère céleste enfin réconciliées, glorifiées par les Icônes. Enfin contemplées dans tout leur éclat, elles nous ouvrent à une autre dimension157. Elles disent la présence du surnaturel dans le monde, célébrant une nature au cœur de laquelle rayonne un dieu plus humain (celui peint par Théophane, hiératique et ascétique, disait plus la distance infranchissable de la transcendance que la proximité du Dieu fait homme). Où l’on passe d’un Dieu de justice au Dieu de miséricorde. C’est toute son expérience que le Roublev de Tarkovski nous transmet là. Et l’art de ses icônes de témoigner à son tour de cette miséricorde, de cette présence aimante de Dieu parmi les hommes.

Notons enfin que l’ensemble du film est placé sous la paternité symbolique et spirituelle de La Trinité, icône qui rendit Roublev célèbre. « Dès les premières images, comme dans tous les films de Tarkovski, une trinité d’hommes se met en marche et parcourt le chemin qui nous sépare de l’enfer afin de retrouver la piste anagogique qui

Notons enfin que l’ensemble du film est placé sous la paternité symbolique et spirituelle de La Trinité, icône qui rendit Roublev célèbre. « Dès les premières images, comme dans tous les films de Tarkovski, une trinité d’hommes se met en marche et parcourt le chemin qui nous sépare de l’enfer afin de retrouver la piste anagogique qui