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Parmi les instruments de politique culturelle qui visent principalement à soutenir la création artistique, certains s’appuient sur l’instrument budgétaire (subventionnement direct de programmes et projets, incluant le subventionnement des grandes institutions culturelles publiques et de structures associatives  ; politique d’achat et de commande publique de biens culturels) et fi scal (soutien au mécénat) tandis que d’autres sont de nature réglementaire - exemple de la protection de la propriété intellectuelle -, voire mixte comme la protection sociale des acteur.rice.s, qui relève à la fois du dialogue social et de la réglementation.

Plusieurs institutions à compétence sectorielle ont été mises en place dans le but de soutenir artistes, auteur.e.s, producteur.rice.s, éditeur.rice.s. Dans le champ des arts visuels, on peut citer le Centre national des arts plastiques, les Centres d’art contemporain, les Fonds régionaux et le Fonds national d’art contemporain – ce dernier constituant le principal instrument de la politique d’achat du ministère de la Culture et de la Communication, à l’origine de la première collection d’art contemporain en France. Le livre bénéfi cie également de l’appui d’un Centre national et de centres régionaux dédiés. S’agissant de la musique, il convient de citer le Fonds pour la création musicale (alimenté par l’ensemble des sociétés civiles à partir de sommes prélevées au titre de la copie privée), le Centre national des variétés, de la chanson et du jazz, mais aussi le fi nancement public des conservatoires et écoles de musique, des salles de concert et des opéras, ainsi que le subventionnement de nombreux festivals. Il est à noter qu’une place croissante est faite aux musiques actuelles, via notamment la mise en place d’agences départementales et régionales de musique. Enfi n, le spectacle vivant bénéfi cie quant à lui de crédits budgétaires conséquents du ministère de

Rapport

la Culture et des collectivités locales, permettant de soutenir plus d’un millier de lieux de création, nationaux et régionaux, et de financer des aides à des équipes artistiques.

Parmi les mesures d’ordre budgétaire, la commande publique et en particulier l’installation d’œuvres d’art dans les espaces publics revêt, pour l’appropriation de la culture par tou.te.s, une importance qui doit être soulignée : elle permettrait, selon Dario Caterina, de

« réintroduire du lien entre les individus d’une même société » à travers la synthèse des éléments de culture ambiante que réalise l’artiste. Dans le contexte de cosmopolitisme qui caractérise les sociétés actuelles, l’œuvre constituerait non seulement un signal adressé à tout individu d’une société – en tant qu’élément qui la constitue -, mais aussi un « adoubement de l’espace comme symbole d’un bien commun artistique et culturel63 ».

L’outil fiscal est mobilisé quant à lui à travers principalement des mesures d’aménagement de la TVA (exonérations ou taux réduits pour les ventes d’œuvres originales, les cessions de droits d’auteur.e, le livre, le spectacle vivant64), mais aussi via la mise en place de taxes spécifiques dont le produit est redistribué sous forme d’aides financières – à l’instar de la taxe sur les spectacles de variété, qui alimente un compte de soutien aux entreprises du spectacle ainsi que des aides à la création.

Le mécénat culturel privé est un allègement de charges pour les particulier.ère.s et les entreprises, estimé à 1,5 Mds d’euros dont 50 % concerneraient l’audiovisuel public, 20 % le livre et les industries culturelles, 12 % la presse, 12 % le patrimoine et 7 % la création artistique. La déduction fiscale des propriétaires privé.e.s de monuments s’inscrit aussi dans ce cadre. Cette non rentrée fiscale doit être relativisée  au regard du poids économique direct de la culture - la valeur ajoutée de l’ensemble des branches culturelles totalisant 44 milliards d’euros en 2016. Qu’elle permette de financer des travaux ou qu’elle soit utilisée dans le secteur du spectacle vivant, elle induit toute une économie indirecte (restauration, hébergement, attractivité touristique…) et génère en bout de chaîne une TVA induite extrêmement importante, de même que les charges sociales payées par les structures.

Pour aller plus loin sur ce sujet, on se réfèrera utilement à l’avis du CESE de 2014 Pour un renouveau des politiques publiques de la culture rapporté par Claude Michel, de même que sur le sujet du cinéma.

D’ailleurs, une mention particulière doit être faite concernant son système original de financement en France. Il se justifie par l’ampleur des enjeux financiers liés à ce type d’œuvre en raison du nombre élevé d’intervenants dans le processus de création, des moyens techniques nécessaires, et de la concurrence internationale exacerbée par l’évolution des modes de diffusion, légaux ou non (piratage). Le Centre national de la cinématographie (CNC), opérateur pivot du secteur, assume des missions à la fois de puissance publique (réglementation) et d’organisation professionnelle.

Dans un secteur singularisé par le faible montant des interventions budgétaires de l’État, le CNC gère un compte de soutien au cinéma et à l’audiovisuel (530 millions d’euros en 2008) alimenté par un ensemble de contributions obligatoires prélevées sur les structures dédiées 63 Dario Caterina, Art public : l’installation d’œuvres d’art dans les espaces publics, Droits de Cités, mars 2012. http://

droitdecites.org/2012/03/07/chronique/.

64 Laurent Bisault, Tristan Picard, La culture : une activité capitale, INSEE Première n° 1644, avril 2017.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES à l’exploitation (salles de cinéma, chaînes de télévision, éditeur.rices vidéo, opérateur.rice.s

de télécommunications), dont il représente près de 30 % de la valeur ajoutée. Ce compte finance un dispositif d’aides à la production, à la distribution et à l’exploitation ainsi que des subventions destinées à des structures de soutien du cinéma telles que l’école supérieure de l’image et du son (Fémis). En outre, un dispositif de crédit d’impôt au profit des entreprises de production a été mis en place et élargi en 2013 ; la TVA sur le billet des places de cinéma a été abaissée à 5,5 % en 2014 (au lieu de 7 % antérieurement)65. A ces dispositions fiscales s’ajoutent des mesures contraignantes de mise à contribution des diffuseur.se.s en particulier des chaînes de télévision, sous forme de préachat de droits de diffusion et de soutien en coproduction, d’œuvres cinématographiques françaises et européennes.

A côté de ces mesures à caractère financier, l’outil réglementaire joue un rôle majeur dans le soutien à la création. Le code français de la propriété intellectuelle assure une forte protection du droit d’auteur.e, qui comporte plusieurs formes  : droit moral attaché à la personne de l’auteur.e, et de ce fait perpétuel, inaliénable et imprescriptible ; droits patrimoniaux concernant l’exploitation de l’œuvre et pouvant être cédés contre rémunération ; droit de suite (garantissant une rémunération en cas de revente de l’œuvre) ; droit lié à la copie privée, permettant un système de compensation pour l’utilisation de l’œuvre à des fins privées  ; droit lié à la reprographie. Les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) appelées auparavant sociétés de gestion collective de droits ont pour mission de percevoir et répartir les droits d’auteur.e.s ; elles ont aussi pour mission la défense des intérêts moraux et pécuniaires des auteur.e.s. Elles participent également à la création en France et doivent consacrer 25 % des fonds collectés à celle-ci. (L321-9 du code de la propriété intellectuelle). La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) conduit ainsi des actions de soutien à la création dans le champ des musiques actuelles (y compris à travers le fonds pour la Création musicale, alimenté à partir d’une fraction des droits liés à la copie privée) et de la musique contemporaine, finance des résidences de création, ou encore participe à un fonds de dotation de développement de l’EAC en partenariat avec les JM France (ex-Jeunesses musicales de France). De même, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), finance des bourses d’écriture ainsi que des actions d’aide à la promotion, à la production, à l’édition et à la traduction des œuvres dans le domaine du spectacle vivant. La société française des Intérêts des auteur.e.s de l’écrit (SOFIA), qui rassemble près de 6  000 auteur.e.s et 80  % du chiffre d’affaires de l’édition française, joue un rôle similaire et participe au financement d’un système de retraite complémentaire pour les auteur.e.s et les traducteur.rice.s, financé notamment par le droit de prêt en bibliothèque66. Cependant la multiplication et l’intrication des structures de perception et de répartition de droits mériteraient que cette question soit approfondie en tant que telle.

La mise en place d’un régime spécifique de protection sociale des acteur.rice.s culturel.le.s, en vigueur depuis 1965 pour les techniciens du spectacle et 1969 pour les artistes, constitue un autre levier, de nature réglementaire et issu directement du dialogue social, contribuant

65 Claude Michel, Pour un renouveau des politiques publiques de la culture, avis du CESE n° 2014-11, Les éditions des Journaux officiels, avril 2014.

66 Coalition française pour la diversité culturelle, Les politiques culturelles en France, 2007.

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à soutenir la démocratie culturelle dans la création en tenant compte des caractéristiques particulières de l’emploi dans ce secteur. L’emploi culturel représente en France environ 3 % de l’ensemble des emplois, soit au 1er janvier 2013 690 000 emplois dont 500 000 salarié.es.

Avec une progression au cours des vingt dernières années de l’ordre de 50 %, ce secteur se situe au même niveau que les plus dynamiques, tels les emplois à domicile ou le secteur informatique. En termes de répartition territoriale, les emplois culturels se concentrent dans les grandes villes, en particulier à Paris (où la culture représente 7,9 % des emplois) et en Ile-de-France où sont implantés 52 % des emplois salariés de la culture. Cette concentration parisienne et francilienne est très prononcée dans l’audiovisuel et le multimédia ainsi que dans les domaines du patrimoine, de l’édition écrite, de l’édition de jeux vidéo ; elle est moins marquée en matière de spectacle vivant, d’architecture ou d’enseignement culturel, champs dans lesquels la proximité avec la population importe davantage. Au sein des régions, il est à noter que les chefs-lieux ne sont pas forcément les plus spécialisés dans l’emploi culturel, certains territoires bénéficiant de l’implantation d’un ou deux gros établissements pouvant en compter davantage. Dans de telles localités, la culture peut représenter jusqu’à 3 % de l’emploi salarié local, alors que ce chiffre n’atteint que 2 % dans des métropoles régionales comme Aix-en-Provence ou Montpellier67.

Une caractéristique importante de l’emploi culturel réside dans la diversité de ses formes ainsi que sa fragmentation. Du fait des spécificités de secteurs tels que le spectacle vivant, l’audiovisuel ou l’enseignement culturel, la tendance des salarié.es qui y travaillent à occuper une succession de postes dans l’année est particulièrement prononcée (2,5 à 3 postes par an en moyenne), tandis que l’édition, l’architecture et le patrimoine, ou les arts visuels semblent en partie épargnés par ce phénomène. Les emplois indépendants, quant à eux, représentent en 2013, 28 % de l’ensemble des emplois culturels (plus du double que pour l’ensemble des activités) et prédominent dans les secteurs des arts plastiques et de l’architecture ; ils se cumulent dans 36 % des cas avec une activité salariée.

Les artistes-interprètes, réalisateur.rice.s, technicien.ne.s et ouvrier.ère.s des secteurs de l’audiovisuel, du cinéma et du spectacle vivant bénéficient ainsi d’un régime spécifique incluant la présomption de salariat ainsi qu’un ensemble de mesures de protection sociale et de formation professionnelle, dont un régime d’assurance chômage leur permettant de percevoir un revenu de remplacement s’ils justifient d’un nombre minimal d’heures effectuées dans une période donnée. Les artistes plasticiens sont également dotés d’un régime propre de protection sociale, même si celui-ci demeure d’une portée limitée pour ces acteur.rice.s en général indépendants. Une étude sur la musique actuelle dans les Hauts-de-France68 révèle ainsi que la professionnalisation des artistes ne se limite pas au régime de l’intermittence mais revêt des formes multiples : seul.e.s 55 % des artistes professionnel.

le.s ont en effet été indemnisé.e.s en 2015 au titre des annexes VIII et X de la convention d’assurance chômage. Le bénéfice de ce régime apparaît en outre fragile, seul.e.s 48 % des artistes se disant certain.e.s de leur réadmission. Corollaire de ces incertitudes, près de 40 % 67 Laurent Bisault, Tristan Picard, La culture : une activité capitale, INSEE Première n° 1644, avril 2017.

68 Musiques actuelles : parcours d’artistes en région Hauts-de-France, Le Patch – pôle des musiques actuelles en Picardie, mars 2017.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES des musicien.ne.s professionnel.le.s diversifient leurs revenus par des activités autres que la

pratique musicale stricto sensu.

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