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Des ressources privées qui contribuent peu à la démocratie culturelle

Les dépenses culturelles des ménages sont marquées par  une tendance à la contraction, en particulier chez les classes moyennes. Depuis cinq ans environ, le niveau de ces dépenses, estimé à 43 milliards d’euros en 2012 (soit 3,8 % de la consommation effective des ménages) accuse une stagnation117. La recomposition des postes de dépense et leur arbitrage impulsés par l’irruption des technologies numériques au début des années 2000 se poursuit : diminution tendancielle des dépenses d’achat de livres et surtout de musique enregistrée, augmentation des dépenses d’équipements en smartphones et dans une moindre mesure liées au spectacle vivant, stabilité des dépenses consacrées au cinéma et à la fréquentation des musées118.

Le financement participatif constitue une forme particulière de financement de la culture par les ménages qui a connu un développement significatif ces dernières années : selon l’association Financement Participatif France – qui regroupe les principales plateformes actives sur notre territoire -, les collectes par ce biais auraient connu un doublement entre 2013 et 2014, passant de 78 à 152 millions d’euros levés. Deux modes de financement sont principalement employés en matière de crowdfunding dans le champ culturel : le don et le prêt. Le don qui constitue le modèle économique le plus largement répandu aux États-Unis et au Royaume-Uni, aurait permis à ce jour la collecte en France de 20 M€ par la 117 Olivier Donnat, Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique. Eléments de synthèse 1997-2008, ministère

de la Culture et de la communication, DEPS, 2009-5, octobre 2009.

118 Ministère de la Culture et de la communication, La consommation de produits d’industries culturelles, Culture chiffres 2006/1, avril 2006, pp. 1-4.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES plateforme KissKissBankBank (créée en 2009), suivie par Ulule (née en 2010) avec 19 M€

puis MyMajorCompany (née en 2007) avec 18 M€, d’après une récente étude Xerfi. Le prêt ou « crowdinvesting », est une formule selon laquelle les citoyen.ne.s prêteurs, qui sont aussi des futurs consommateur.e.s, financent dans le but d’obtenir un retour sur investissement.

Prêt d’Union devance (et de loin) ses concurrents sur le segment des plateformes de prêts, avec 98 millions d’euros levés depuis janvier 2012, contre 8,5 millions d’euros pour Babyloan depuis 2008, par exemple, ou 3,7  millions d’euros pour Unilend depuis novembre  2013.

Dans leur ensemble, ce secteur du financement participatif pâtit d’un cadre juridique incertain (question du statut fiscal des contributions récoltées) ou trop contraignant (règles en matière de collecte de fonds, de prêts entre particuliers, etc), conduisant à l’échec de nombreux projets et limitant le montant des fonds drainés. Ses coûts de gestion demeurent élevés, de 2 à 10 % des recettes collectées119.

119 Baromètre annuel du crowdfunding en France, KPMG 2017.

Rapport

Graphique 7 : les créations/lancements de plateformes de crowfunding en France

Enfin, la place du mécénat défini par le ministère de la Culture comme « le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général », demeure limitée dans notre pays bien que celui-ci bénéficie de conditions fiscales avantageuses, tant pour les particuliers que les entreprises, la loi Aillagon de 2003 permettant jusqu’à 60 % de déductibilité fiscale des dons effectués au profit des associations reconnues d’intérêt public (plafonné à 0,5 % du chiffre d’affaires). A ce sujet, l’impact de l’ISF sur le financement de la culture se révèle très important du fait de la non-imposition des œuvres d’art. Représentant 8 % des dépenses totales en faveur de la culture, la place du mécénat s’avère quant à elle très sensible du

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES côté des entreprises donatrices, aux fluctuations de la conjoncture. Le budget total du

mécénat culturel aurait ainsi diminué entre 2012 et 2014 de 494 M€ à 364 M€, en lien avec la dégradation de la situation économique et ce malgré un coût fiscal non négligeable120 ; les grands groupes, déjà très sollicités, tendraient à cibler davantage leur soutien sur des secteurs précis. Du côté des bénéficiaires, la place du mécénat apparaît très variable d’une institution à l’autre : le recours à cet instrument n’est pas à la portée de toutes les équipes engagées dans des projets culturels. Une part importante du mécénat culturel est ainsi captée par les établissements publics culturels les plus importants ou les plus prestigieux, tous situés à Paris ou à proximité, tels que les musées du Louvre et d’Orsay, le Centre Georges Pompidou, le Château de Versailles, l’Opéra de Paris ou les expositions organisées au Grand Palais.

Des formes moins classiques et plus souples de mécénat ont récemment émergé mais peinent à se développer. Il s’agit notamment du mécénat en direction d’une politique culturelle locale, qui permet de créer du flux et de générer du tourisme d’affaires ou de loisirs. Ce mécénat pourrait contribuer au dynamisme économique et à la promotion d’un territoire en augmentant sa visibilité.

Une autre forme insuffisamment développée de mécénat réside dans le mécénat de compétence ou mécénat « en nature », qui a permis par exemple à la société Havas d’assurer avec une grande efficacité, la promotion liée à l’ouverture de la Philharmonie de Paris en 2016.

Une des difficultés que rencontre le mécénat, quelle que soit sa forme, réside dans la nécessité de maintenir une action soutenue et cohérente dans la durée, ce qui entre parfois en contradiction avec les objectifs de plus court terme des entreprises – ainsi du prêt d’instruments de musique à des étudiant.e.s, souvent pratiqué pour des durées n’excédant pas trois ans alors que les temps de formation sont largement supérieurs.

Autre mode de financement de la culture par des entreprises non culturelles, celui provenant des fondations pâtit de créations et d’activités insuffisamment encouragées en France alors qu’elles pourraient s’inscrire dans une logique de complémentarité avec le service public sur lequel elles possèdent l’avantage de la souplesse et de la flexibilité.

Enfin, les fonds de dotation, instaurés par la loi n°2008-776 du 4  août 2008  de modernisation de l’économie, se définissent comme « une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d›une œuvre ou d›une mission d›intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l›accomplissement de ses œuvres et de ses missions d’intérêt général ». La réglementation de ces fonds, qui impose un montant minimal de 15 000 euros pour la constitution d’un tel fonds, demeure cependant dissuasive dans la mesure où un tel montant peut constituer une barrière infranchissable pour certain.e.s acteur.rice.s associatif.ve.s.

120 Admical/CSA, Le mécénat d’entreprise en France, Résultat de l’enquête Admical/CSA 2014.

Rapport

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