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Dans un contexte de contrainte croissante sur les finances publiques, la politique patrimoniale de la France a été révisée à la baisse depuis quelques années en matière de grands projets. Elle met aujourd’hui l’accent sur la valorisation et la mise à disposition du plus grand nombre et vise à améliorer l’égalité entre les territoires. Le rôle du patrimoine – comme facteur majeur pour l’attractivité des territoires, le développement économique local et touristique et la cohésion sociale – a été mis en exergue et soutenu au moyen d’un éventail élargi d’actions de promotion, de diffusion, d’animation et d’éducation.

Selon Françoise Benhamou et Olivier Thesmar57, la valorisation du patrimoine passe d’abord par l’amélioration des dispositifs d’information du public (intégrant les touristes étranger.ère.s), notamment sur les monuments et musées délaissés. En effet, 50  % de la fréquentation muséale aurait été en 2011 concentrée sur 1  % des musées, tout comme quatre monuments nationaux français réunissaient en 2008, 50 % des visites. Un effort a été fait par ailleurs pour élargir le champ du patrimoine et mieux préserver et mettre en valeur le patrimoine non protégé (maisons typiques d’une architecture locale, moulins, etc.) - c’est notamment le rôle de la Fondation du patrimoine créée en 1996. De même, le champ muséal s’est ouvert à des nouvelles pratiques, intégrant par exemple la photographie, le design, les pratiques culturelles régionales.

La mise en valeur du patrimoine repose également sur les actions d’accueil, d’encadrement, d’animation et de médiation à visée pédagogique assurées par les agent.e.s du patrimoine tant institutionnel.le.s que bénévoles. Les pratiques muséales ont connu à cet égard des évolutions importantes qui en font un laboratoire particulièrement actif de la démocratie culturelle. Un exemple d’innovation récente est constitué par le programme

«tous photographes», qui encourage les prises de vues photographiques dans les musées 57 Françoise Benhamou et Olivier Thesmar, Valoriser le patrimoine culturel de la France, Rapport du Conseil

d’analyse économique, juin 2011.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES dans une démarche d’appropriation des œuvres. Les démarches hors les murs désormais

bien établies, connaissent un succès croissant, de même que les grandes manifestations locales (Nuit Blanche à Paris) ou nationales (Mois des jardins, Printemps des musées) ou même européennes (Journées européennes du patrimoine, Nuit des musées). Un nombre croissant de musées s’est par ailleurs engagé dans des démarches participatives, associant professionnel.le.s, public et autres parties prenantes à l’élaboration de leur offre. En témoigne une initiative telle que celle du musée des beaux-arts de Rouen qui, à partir de l’année 2012, a sollicité son public pour choisir, par la voie du vote, les toiles qu’il souhaitait voir exposées et la salle qui accueillerait les œuvres. La démarche, initialement réservée à quelques personnalités du monde de la culture, a été étendue au grand public à l’occasion de l’édition 2016, combinant ainsi une politique de démocratisation et de participation.

Le jumelage amorcé en avril 2017 entre le musée du Louvre et les villes d’Aulnay-sous-bois et Sevran constitue un exemple d’animation et de médiation culturelle ayant pour objectif de diffuser et de donner accès à l’art et à la culture à tous. Le projet, inscrit dans une politique régionale de jumelages entre établissements culturels et zones de sécurité prioritaire (ZSP), a consisté à mettre à la disposition de centres sociaux une artothèque constituée de la reproduction de plusieurs centaines de chefs-d’œuvres picturaux du musée, que les habitant.es ont été invités à emprunter gratuitement pendant trois semaines ; il s’est appuyé sur une vingtaine de structures (sportives, culturelles, sociales, périscolaires) dont les acteur.rice.s avaient été formés pour devenir les relais du Louvre, amorçant en cela une idée renouvelée de la médiation. Des animations, ateliers et activités culturelles de proximité, ainsi que des visites du musée du Louvre, ont été proposés pour accompagner les habitant.es dans leur découverte de l’art58.

Autre outil innovant de valorisation du patrimoine, la politique de labellisation a connu un développement notable au cours de la période récente. Initialement connus dans les sphères commerciales, les labels ont peu à peu gagné de nouveaux champs d’application, dont celui du tourisme et, plus récemment, celui de la culture. S’il n’existe pas de définition consensuelle d’un label, l’étymologie révèle que le terme, issu du mot «lambel », synonyme de blason au Moyen-Age, renvoie à des notions de visibilité mais aussi d’identité. Initié en 1985 avec le label « Ville et Pays d’Art et d’Histoire », le mouvement de labellisation appliqué au champ patrimonial français ne semble réellement se répandre qu’à partir des années 2000, avec notamment le label « Musée de France » dont l’attribution implique un dispositif très protecteur pour les collections, la loi précisant les missions fondamentales devant être assurées par l’établissement détenteur du label.

Il existe aujourd’hui en France, selon l’association Ville et Pays d’art et d’histoire, 20 à 25 labels attribuables aux villes dont les deux-tiers émanent du ministère de la Culture, les autres ayant une origine associative. A cette multiplication des labels au fil du temps a correspondu une diversité croissante dans la nature des patrimoines concernés, les statuts juridiques et les clauses liées à l’attribution des labels. Si le label « Musée de France » apparaît comme un 58 Morgane Delaby, « Les habitants d’Aulnay et Sevran peuvent maintenant emprunter la reproduction d’un

chef-d’œuvre du Louvre », Club Innovation & Culture CLIC France, avril 2017.

Rapport

outil de normalisation pour le ministère de la Culture et de la Communication, comparable à l’Accreditation program de l’American Association of Museums, d’autres, tels que le label « Villes et Pays d’art et d’histoire », se présentent comme des conventions signées entre le ministère et les acteur.rice.s territoriaux.ales et affichent comme enjeu principal la sensibilisation et la préservation du cadre de vie, bien que les volets financiers et touristiques soient également inclus dans cette démarche de valorisation. Le label de la fondation du Patrimoine agit quant à lui, via des subventions accordées aux propriétaires de biens immobiliers dignes d’intérêt mais non protégés par l’État, tandis que le label « Patrimoine du XXe siècle » a pour objectif de sensibiliser le grand public à une architecture moderne qui lui est souvent méconnue, sans que cette reconnaissance implique nécessairement une protection59.

D’autre part, l’adhésion à ces labels comporte souvent un cahier des charges très exigeant  : avec par exemple, une exigence de cohérence architecturale forte interdisant l’existence ou la création d’un lotissement pour obtenir ou conserver le label «Plus beau village de France». Si l’impact économique de la labellisation demeure modeste, celle-ci s’avère en revanche efficace pour sensibiliser et mobiliser les citoyen.ne.s en favorisant l’appropriation des enjeux et en suscitant un sentiment d’appartenance et de fierté. Les labels contribuent au renforcement de la prise de conscience, par les habitant.es, des enjeux patrimoniaux et des menaces sur les centres des villes, qu’il s’agisse de la désertification des petites communes ou de la métropolisation des grandes.

A côté de ces outils novateurs de renforcement de la démocratie culturelle, il est à relever que les politiques classiques de démocratisation, à l’intention des publics les plus fragiles ou les plus éloignés de la culture, conservent toute leur pertinence en matière de patrimoine. L’instrument tarifaire en particulier, a été mobilisé de façon croissante et selon des modalités diversifiées. La gratuité, régulièrement questionnée, a connu un regain de faveur à partir de 2007 mais pose le problème de sa faible efficacité sur la composition socio-économique du public, de son coût élevé pour la collectivité60. La pratique de prix contrastés selon les publics et les moments de la visite connaît quant à elle un succès croissant.

Toujours en direction des publics fragiles, des efforts ont été faits pour améliorer l’accessibilité des monuments aux personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite.

Preuve de l’impact de ces initiatives, des fréquentations en progression sont observées entre 2010 et 2014 dans de nombreux secteurs (arts plastiques +42 %, patrimoines +20 %, Éducation artistique et culturelle +74  %, spectacle vivant +12  %), même si des baisses affectent la danse ou les bibliothèques61  ; surtout, la part des publics issu.e.s des classes populaires dans les musées et monuments nationaux est passée de 13,9  % du public en 2010 à 16,8 % en 2015, celle des étudiant.e.s de 21,9 % à 23,1 %, les jeunes d’origine sociale modeste étant aussi nombreux.ses que ceux.celles issu.e.s des classes moyennes supérieures62. Ces chiffres suggèrent que les efforts ont porté des fruits même si beaucoup

59 Marion Roux-Durand, « Les labels du patrimoine culturel », Lettre de l’OCIM 142, 2012, pp. 28-37.

60 Jean-Michel Tobelem, La culture pour tous, Fondation Jean Jaurès Ed., Paris, janvier 2016.

61 Anne-Marie Le Guével, Yvan Navarro, Laura Truffier, Gayané Rast-Klan, Anne-Christine Micheu, Évaluation de la politique publique de démocratisation culturelle, Rapport au Premier ministre, ministère de la Culture et de la communication, décembre 2016.

62 Ibidem.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES reste à faire notamment en faveur des classes moyennes, en particulier les familles ayant

plusieurs enfants, qui connaissent aujourd’hui des diffi cultés croissantes d’accès à la culture.

Carte 2 : Nombre d’entrées dans les musées de France

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