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Les droits culturels font partie intégrante des droits de l’homme et en sont indissociables.

Ces derniers constituent la base normative de notre démocratie mais aussi son idéal, sa justification, sa finalité. Ils ne sauraient être considérés comme figés mais sont à approfondir et à questionner sans cesse ; cependant les droits culturels ne peuvent être utilisés pour remettre en cause ou violer un autre droit de l’homme ou liberté fondamentale.

Le concept de droits culturels est d’abord issu d’un cadre normatif international  : cette notion, telle que définie par l’article 4 de la déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle de 2001 (« la défense de la diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité humaine  »), constitue un changement majeur de paradigme par rapport au droit à la culture tel qu’inscrit au préambule de la Constitution française de 1946, en ce que la culture y est pensée comme un droit humain indissociable des autres droits de l’homme et non comme la base d’une politique de démocratisation culturelle. La convention de l’UNESCO du 20 octobre 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles développera ce concept en précisant dans son article 2, que «la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles impliquent la reconnaissance de l’égale dignité et du respect de toutes les cultures».

En cela, la notion de droits culturels constitue l’aboutissement d’une densification progressive du corpus normatif international depuis la fin de la seconde guerre mondiale, dont les textes clefs sont la Déclaration universelle des droits de l’homme (ONU, 1948), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ONU, 1966) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ONU, 1966), auxquels la France a adhéré.

L’article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels fait en particulier obligation à la puissance publique de « garantir à chacun.e le droit de participer à la vie culturelle ». Dans son Observation générale n°21 du 21 décembre 2009, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU rappelle le lien entre liberté politique, dignité humaine et démocratie culturelle tout en posant une définition large de la culture, entendue comme l’ensemble des pratiques par lesquelles un groupe fait humanité et l’exprime à l’intention des autres groupes. Les droits culturels s’ancrent ainsi directement dans le corpus international de protection des droits de l’homme. De même, ils constituent donc bien des droits individuels et non collectifs.

Depuis leur émergence au début des années 2000, les droits culturels ont fait l’objet d’un travail d’élaboration doctrinale de plus en plus nourri, effectué principalement par le Conseil de l’Europe - convention de Faro sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (2005), déclaration de Fribourg (2007 – même si celle-ci est dépourvue de valeur juridique), recommandation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 24 janvier 2012 – ainsi que par les  Nations unies, à travers les travaux de l’experte indépendante Farida Shaheed, rapporteure spéciale pour les droits culturels.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Tableau 6 : Principaux textes et rapports internationaux relatifs aux droits

culturels

Intitulé Année Organisation

Déclaration universelle des droits de l’homme 1948 ONU

Pacte international relatif aux droits civils

et politiques 1966 ONU

Pacte international relatif aux droits économiques,

sociaux et culturels 1966 ONU

Recommandation concernant la participation et la contribution des masses populaires à la vie culturelle

1976 UNESCO

Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles 1982 UNESCO

Déclaration universelle sur la diversité culturelle 2001 UNESCO

Convention de sauvegarde du patrimoine culturel

immatériel 2003 UNESCO

Convention sur la protection et la promotion

de la diversité des expressions culturelles 2005 UNESCO

Convention sur la valeur du patrimoine culturel

pour la société, dite “de Faro” 2005 Conseil de l’Europe

Déclaration de Fribourg sur les droits culturels 2007 Conseil de l’Europe Observation générale n°21 du Comité des droits

économiques, sociaux et culturels 2009 ONU

Rapport sur les droits culturels 2010 Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits culturels Rapport sur le droit d’accéder et de jouir

du patrimoine culturel 2011 Rapporteur spécial des Nations

Unies sur les droits culturels Rapport sur la jouissance des droits culturels par

les femmes 2012 Rapporteur spécial des Nations

Unies sur les droits culturels Recommandation sur la protection et la mise à

disposition du patrimoine culturel audiovisuel 2012 Conseil de l’Europe (Assemblée parlementaire) Rapport sur la liberté d’expression artistique

et de création 2013 Rapporteur spécial des Nations

Unies sur les droits culturels

Rapport

Rapport sur les répercussions de la publicité et des pratiques commerciales sur l’exercice des droits culturels

2014 Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits culturels

Rapport sur la législation et les politiques en

ma-tière de droit d’auteur 2015 Rapporteur spécial des Nations

Unies sur les droits culturels En France, le concept de droits culturels a fait l’objet d’une déclinaison en droit interne dans la période récente. La loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 8 août 2015 précise en son article 103 que «  la responsabilité culturelle est exercée conjointement par les collectivités territoriales et l’État dans le respect des droits culturels énoncés par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 ». La loi sur la Liberté de la création, l’architecture et le patrimoine (LCAP) du 7 juillet 2016 énonce dans ses trois premiers articles que :

« la création artistique est libre » ;

« la diffusion de la création artistique est libre. Elle s›exerce dans le respect des principes encadrant la liberté d›expression et conformément à la première partie du code de la propriété intellectuelle » ;

– «l’État à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs regroupements ainsi que leurs établissements publics définissent et mettent en œuvre, dans le respect des droits culturels énoncés par la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005, une politique de service public construite en concertation avec les acteur.rice.s de la création artistique ».

L’acception libérale de la culture (tout est culture) qu’impliquent les droits culturels tels qu’énoncés par la convention de l’UNESCO de 2005, induit que c’est bien l’ensemble des politiques publiques – et non la seule politique culturelle (relative à l’art et à notre rapport à l’art) – qui devrait être mené en prenant en compte ces droits. De ce fait, il semble difficile de considérer les droits culturels comme un nouveau socle normatif des politiques culturelles en France. Il paraît plus pertinent en revanche, de s’interroger sur la manière dont la mise en œuvre de ces droits pourrait influencer ces politiques, par exemple en termes d’élargissement des objectifs de démocratisation à de nouveaux publics ou de nouvelles productions culturelles, ou de reconnaissance de la place de nouveaux.elles acteur.rice.s. En matière de politique culturelle, dans le respect de la diversité culturelle, les droits culturels peuvent se décomposer en trois sous-ensembles :

– droit à la liberté de création et de diffusion ; – droit de participer à la vie culturelle ;

– droit de participer à l’élaboration des politiques culturelles.

À l’échelon régional, enfin, il existe des exemples de déclinaison à visée administrative, des textes relatifs aux droits culturels. Ainsi la région Nouvelle-Aquitaine a-t-elle mis en place pendant 18 mois, un cadre de discussion entre parties prenantes s’appuyant sur le référentiel fourni par l’Observation générale n°21 du comité du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et prenant en compte les pratiques existantes

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES en région afin d’élaborer un règlement d’intervention conforme aux dispositions législatives

et réglementaires nationales en la matière. Dans ce cadre, des volontaires ont été mobilisés pour analyser leurs pratiques de terrain en les comparant aux textes internationaux55. Cet exemple illustre la façon dont la démocratie culturelle peut bénéficier, au-delà des cadres conceptuels et juridiques qui la fondent, d’outils opérationnels et concrets, seuls à même de la faire vivre au quotidien.

On constate que des réticences fortes à cette question reviennent incessamment. Elles tiennent en partie à la croyance, largement partagée dans le milieu des acteur.rice.s des politiques culturelles quoique non formulée, d’un progrès constant dans la succession des politiques culturelles. Il y aurait ainsi une progression continue de l’action culturelle aux droits culturels, en passant successivement par l’animation, le développement, la démocratisation, la démocratie, la médiation, la participation. Selon cette approche linéaire, les droits culturels pourraient même être parfois compris comme un contre-modèle au paradigme de la démocratisation. Or nous verrons qu’il n’en est rien  : passer de la démocratisation aux droits culturels n’équivaut pas à passer d’une politique de l’offre à une politique de la demande, tout comme la démocratisation n’est pas le stade ante de la démocratie culturelle mais peut aussi en être le résultat. Le déploiement de la démocratie culturelle n’implique en rien de renoncer aux autres politiques culturelles, mais bien d’en repenser la mise en œuvre.

Elle implique de dépasser la simple affirmation des droits culturel.le.s, et notamment celui de participer à la vie culturelle, mais impose d’en penser leur ouverture et leur évolution.

Participer à la culture, à la construction du sens, concourt bien à la construction des fondations du discours politique et ainsi à rendre vivante la démocratie, en renforçant la liberté, l’égalité mais aussi en luttant contre les exclusions et en renforçant la cohésion de notre société.

B. Instruments et leviers des politiques culturelles : quelle place pour la démocratie culturelle ?

Le renouvellement des approches, outils et instruments dans la conduite et la mise en œuvre des politiques culturelles a constitué un facteur décisif pour l’émergence de la démocratie culturelle dans notre pays. Les instruments mis en œuvre conjointement par la puissance publique – États et collectivités locales - et par d’autres parties prenantes notamment associatives, pour soutenir aujourd’hui la démocratie culturelle se caractérisent par leur grande diversité. Sans prétendre dresser une typologie exhaustive, il est possible de répertorier ces instruments en fonction de l’objectif principal de politique publique qu’ils visent à atteindre  : protection et valorisation du patrimoine, soutien à la création et à la diffusion, éducation et formation à la culture et à l’art, ou encore promotion à l’international56. Si certains outils – par exemple ceux qui visent à favoriser le mécénat ou encore ceux qui relèvent de l’action culturelle et socio-culturelle, de l’animation, de la médiation - peuvent être mis en œuvre dans l’ensemble des champs de la vie culturelle, d’autres, tels que le 55 Jean-Michel Lucas, chercheur, consultant en politiques culturelles, audition par la section de l’éducation, de la

culture et de la communication dans le cadre de la saisine Vers la démocratie culturelle, CESE, le 12 avril 2017.

56 Coalition française pour la diversité culturelle, Les politiques culturelles en France, 2007.

Rapport

dispositif de financement du cinéma, sont conçus pour répondre aux spécificités, aux exigences et aux contraintes d’un secteur donné.

Enfin, la nature des leviers mobilisés permet également une ébauche de classification, par exemple entre instruments de nature budgétaire ou fiscale (aides directes ou indirectes aux acteur.rice.s), instruments réglementaires – par exemple en matière de protection des droits d’auteur.e ou de protection sociale des acteur.rice.s (qui relève aussi du dialogue social) -, ou encore outils pédagogiques. Les interventions peuvent être dites directes lorsque la puissance publique se substitue en droit ou en fait à l’un des acteur.rice.s du marché, devenant offreur.euse ou demandeur.euse de biens culturels  : c’est le cas par exemple d’une politique telle que celle de la commande publique. Les interventions sont qualifiées d’indirectes lorsqu’elles visent à soutenir l’existence d’activités culturelles privées en s’efforçant de desserrer certaines contraintes de leur fonctionnement, en général moyennant leur participation à des objectifs de politique culturelle publique  : il en est ainsi de l’aide fiscale au mécénat ou des mesures tarifaires dans l’accès aux établissements culturels.

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