• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 RSE et événementiel sportif

1. Le sport comme objet de recherche

1.5. RSE et sport

Dans le champ du management du sport, les travaux relatifs à la responsabilité sociétale de l’entreprise s’articulent principalement autour de l’étude :

- des stratégies de « cause-related sport marketing1 » (Irwin & Lachowetz, 2002, Irwin, Lachowetz, Cornwell & Clark, 2003),

- de la responsabilité environnementale du sport (Iokamidis, 2007),

- des applications managériales des principes de la RSE dans le contexte des événements sportifs (Babiak & Wolfe, 2006).

De même qu’il existe une spécificité du marketing du sport (Desbordes, 2004), nous avançons ici l’idée qu’il existe une spécificité de la « RSE du sport ». Tout d’abord, parce que, tout comme pour le marketing, les particularités sont liées :

« à l’organisation du sport en elle-même. Le sport n’est pas une activité comme les autres, elle s’insère dans un champ mixte où marchand et non marchand cohabitent. » (Desbordes, 2004, p. 8)

Ce « champ mixte » regroupe, en effet, des organisations de statuts et de dimensions très variés : associations (fédérations agréées, fédérations délégataires, clubs amateurs, CNOSF, etc.), organisations publiques (communes, conseils généraux, conseils régionaux, Etat, INSEP, etc.), entreprises (équipementiers, agences, médias, sociétés anonymes sportives professionnelles, etc.). Par ailleurs, les activités liées au sport sont elles-mêmes multiples et variées : équipements sportifs (matériels, vêtements, accessoires), construction de stades et d’équipements sportifs, encadrement d’activités sportives de loisirs, événements, information, sponsoring, entraînement (sport de haut niveau et sport professionnel), recherche, etc.

Aussi multiple et varié soit ce champ d’activité, c’est son objet même – le sport – qui fonde son unité et sa cohérence. Chaque type d’organisation ou d’activité possède des spécificités liées à son appartenance à ce secteur d’activités. Desbordes, Ohl et Tribou (2001), détaillent les spécificités des produits et, surtout, des services sportifs. Ils insistent sur ces derniers dont les dimensions émotionnelle, environnementale et participative en font un sujet d’étude particulièrement intéressant dans une perspective de marketing expérientiel.

Concernant l’événementiel sportif, Desbordes (2004) note un aspect particulièrement

1 Marketing sportif lié à une cause (traduction libre). On peut aussi parler de marketing sociétal (Crane &

Desmond, 2002).

intéressant et spécifique. Alors que dans la plupart des secteurs d’activités, les profits les plus importants sont générés par l’organisation la plus puissante et la plus performante, dans l’événementiel sportif, la domination d’une équipe ou d’un concurrent diminue l’intérêt du spectacle proposé et donc sa valeur. Ainsi, en 2002, la F1 a perdu 30% de son audience car la supériorité de Michael Schumacher et de son écurie, Ferrari, restreignait l’intérêt du spectacle1. La « RSE du sport » s’inscrit donc dans ce champ riche et divers des organisations sportives au sens large, qui comporte de telles particularités que l’on peut s’interroger sur l’existence d’une RSE spécifique propre à ce secteur d’activités.

Par ailleurs, certains auteurs notent que la « RSE du sport » possède une originalité car

« les organisations sportives portent en elles une responsabilité sociale implicite voire génétique » (Bayle et al., 2011, p. 8). Et en effet, les vertus sociales du sport sont reconnues et permettent de participer à des projets d’intérêt public dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’insertion sociale, etc. Autrement dit, la fonction sociale du sport procurerait aux organisations du secteur une tendance « naturelle » à agir de façon socialement responsable. Ce point mérite toutefois d’être nuancé, tant les dérives du sport business transparaissent aujourd’hui à tous les niveaux (salaires de certains joueurs, dopage, montants des transferts, corruption, hooliganisme, etc.). Les instances sportives internationales prennent d’ailleurs désormais la mesure de l’importance de ces nouveaux enjeux et s’engagent dans la rénovation de leur gouvernance pour réaffirmer la dimension éthique de leurs démarches (Durand et Rouvrais-Charron, 2006).

Les acteurs du sport se mobilisent depuis plusieurs années pour favoriser un développement durable du sport2. Récemment, ils ont été à l’origine de la première déclinaison sectorielle de la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD). La SNDD du Sport (SNDDS)3 est issue d’un exercice partagé de propositions et de synthèses visant à proposer un modèle de développement des activités sportives plus durable. La SNDDS part du principe que, de par son rôle social incontournable et essentiel, le sport se doit d’être exemplaire et de participer à l’effort collectif de la société en matière de développement durable :

« Parce qu’il porte des valeurs exemplaires, parce qu’il a le pouvoir de fédérer et de mobiliser, parce que depuis toujours, il est dans sa nature d’aller plus loin, le

1 En économie du sport, on parle du paradoxe « Louis-Schmelling » (Neale, 1964).

2 Agenda 21 du Sport Français (2003).

3 Officiellement présentée le 3 mai 2011 http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/SNDDS_finale.pdf (consulté le 20 novembre 2011).

sport peut, et doit jouer un rôle très important dans l’effort national vers l’excellence en matière de responsabilité sociale et environnementale. »1

La SNDDS propose plusieurs leviers d’action pour que chaque acteur concerné, quelque soit son statut ou sa dimension, puisse orienter ses choix stratégiques de manière à contribuer au développement durable de la société.

Il peut être tentant de reconnaître aux organisations sportives un « ADN » favorable aux démarches de RSE et une tendance naturelle à adopter un comportement socialement responsable de par la fonction sociale du sport. Toutefois, les situations sont si variées qu’il serait naïf de conclure si rapidement à une telle prédisposition. Entre une fédération sportive, reconnue d’utilité publique et à but non lucratif2, et une entreprise marchande dont la finalité première reste le profit pour ses actionnaires, les objectifs et les fonctions divergent tant qu’un tel raccourci serait trop simple, voire même simpliste.

En 2008, Bayle et Mercier s’intéressent aux rapports que les organisations sportives entretiennent avec l’éthique sportive. Leurs travaux démontrent l’existence d’un rapport à l’éthique sportive différent selon le type d’organisation (cf. tableau 2-1 p. 140). Pour eux, les organisations du mouvement sportif (niveau 1 du tableau) possèdent des logiques d’action et des principes de régulation spécifiques qui reposent sur quatre éléments différenciateurs :

- une finalité autre que la recherche prioritaire et systématique de profit, - un financement sur le mode de l’économie mixte,

- un statut mixte du personnel,

- l’appartenance à des systèmes de régulation nationale et supranationale.

Les autres types d’organisations (niveaux 2, 3 et 4 du tableau) ont une relation à l’éthique sportive plus instrumentale que fondamentale. Il s’agit plus couramment pour elles d’un moyen de mener à bien leurs projets et non d’une finalité en soi. Bayle et Mercier stipulent que les valeurs sportives n’appartiennent pas au « code génétique » de ces organisations qui les exploitent plutôt dans une dynamique commerciale ou pour la recherche d’une plus-value d’image. Babiak & Wolfe (2006, p. 216) notent d’ailleurs que les démarches de RSE dans le sport possèdent d’indiscutables avantages. Elles peuvent s’appuyer sur la notoriété et

1 SNDDS, p. 5

2 A titre d’exemple, extrait de l’article 1 des statuts de la Fédération Française de Tennis : « L’association (…) reconnue d’utilité publique par décret du 13 juillet 1923, a pour objet l’accès de tous à la pratique du tennis, du beach tennis et de la courte paume. Elle s’interdit toute discrimination. Elle veille au respect de ces principes par ses membres ainsi qu’au respect de la charte de déontologie du sport établie par le Comité national olympique et sportif français. » (http://ww2.fft.fr/cms/ColdData/docs/40/4030.pdf, consulté le 24 janvier 2012).

l’exposition médiatique des événements sportifs, des équipes et des sportifs. Le sport constitue, à leurs yeux, un excellent support pour renforcer l’impact de sa RSE et être perçue comme une organisation responsable par les parties prenantes. Ils envisagent le sport comme un média pour les démarches de RSE d’organisations d’autres secteurs.

Il apparaît donc que la « RSE du sport » peut s’appréhender sous plusieurs angles, selon que l’on considère la RSE des organisations du mouvement sportif ou la RSE des autres organisations en lien plus ou moins étroit avec le secteur sportif. C’est pourquoi cette recherche s’intéresse tout à la fois à la spécificité de la RSE dans l’événementiel sportif et à la spécificité de la RSE en fonction du type d’organisation. Comme nous l’avons exposé en introduction, le choix de l’événementiel sportif permet, en effet, de traiter, autour d’une même problématique de gestion, des organisations possédant des statuts et des fonctions variés.

Afin d’approfondir l’analyse de la « RSE du sport », nous allons nous intéresser aux différences de perspectives entre les approches nord-américaine et française de ce concept.