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CHAPITRE 1 Des fondements aux récents

4. Comportements stratégiques en matière de RSE

4.1. Pressions des parties prenantes

Comme nous l’avons indiqué en traitant des aspects historiques du développement des travaux relatifs à la RSE (pp. 32 à 40), les pressions des parties prenantes sont à l’origine de la prise en compte des enjeux sociétaux dans le comportement des entreprises et de l’adoption de démarches de RSE.

Les pressions s’exercent de la part des consommateurs, via le pouvoir évident qu’ils ont d’acheter ou non les produits et les services. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l’impact sociétal de leur consommation. Certains sont prêts à payer plus pour un produit socialement responsable (Vandermerwe & Oliff, 1990) et à boycotter des firmes non responsables (Greeno & Robinson, 1992). Les pressions des consommateurs s’exercent aussi grâce aux associations de consommateurs. Par exemple, en France, l’UFC-Que Choisir effectue un travail considérable de surveillance des pratiques des entreprises et d’alerte du grand public, des médias, du gouvernement en cas de non-conformité ou de dangerosité d’un produit ou d’un service. Créée en 1951, l’UFC-Que Choisir est la doyenne des associations de consommateurs d’Europe occidentale. Elle est aussi à l’origine du développement international des mouvements consuméristes (membre fondateur du Bureau Européen des Unions de Consommateurs et de Consumers' International, membre de International Consumer Research and Testing). L’association est à l’origine de nouvelles législation et/ou

d’évolutions de la jurisprudence en matière de protection des consommateurs. A titre d’exemple, en avril 2002, l'UFC-Que Choisir a engagé avec succès des poursuites judiciaires à l'encontre des trois opérateurs de téléphonie mobile français afin de dénoncer un système de facturation identique (une première minute indivisible, puis des paliers de 30 secondes) qui conduisait à amputer les forfaits des consommateurs de 25 % à 30 % de leur durée1. Ce type d’actions constitue une illustration ponctuelle des activités des associations de protection des consommateurs.

Les pressions institutionnelles s’exercent aussi en interne, de la part des employés, d’une part, et de la part des actionnaires, d’autre part. Du côté des employés, les attentes s’expriment notamment en matière de conditions de travail, de respect des droits (non discrimination, lutte contre la précarité, etc.) et de répartition des bénéfices entre le capital et le travail. Une entreprise qui n’adopte pas un comportement responsable à l’égard de ses employés et, plus généralement, dans l’ensemble de ses missions peut rencontrer des difficultés pour recruter et conserver des profils hautement qualifiés (Bensebaa & Béji-Bécheur, 2005) et, par là-même, voir sa compétitivité remise en cause. Du côté des actionnaires, l’attente de profits pour dégager des dividendes est bien sûr importante.

Toutefois, une réputation d’entreprise non responsable socialement peut conduire à faire baisser la valeur des actions en Bourse et à augmenter le risque sur les marchés. Même si la raison de cette pression est la maximisation de leurs profits, les actionnaires sont eux aussi en attente d’un comportement socialement responsable de la part des entreprises dont ils détiennent des parts.

D’autres parties prenantes exercent également des pressions sur les entreprises. Ces pressions revêtent différentes formes et portent sur des enjeux variés selon le secteur d’activités de l’organisation concernée. Il peut s’agit de pressions gouvernementales, par exemple pour éviter des licenciements (actions visant à empêcher des délocalisations, accompagnement de plans sociaux, etc.) ou d’actions d’associations de protection de l’environnement pour alerter sur l’impact environnemental des activités de telle ou telle organisation (France Nature Environnement, WWF, Greenpeace, Fondation Nicolas Hulot).

Ces associations mènent des actions médiatiques afin de sensibiliser l’opinion publique aux enjeux environnementaux. Par exemple, Greenpeace qui milite contre le nucléaire mène des

1 http://www.quechoisir.org/l-association/ufc-que-choisir-ufc-que-choisir-30-ans-de-victoires-juridiques, consulté le 7 décembre 2011.

opérations très médiatisées visant à démontrer que cette énergie n’est pas sûre1. Elles ont de plus la faculté de pouvoir engager des poursuites devant la justice contre les auteurs d’infractions relatives à la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, des espèces animales ou végétales, mais aussi en matière d'urbanisation, de pollutions, de nuisances, de sûreté nucléaire et même de pratiques commerciales ou de publicités trompeuses. Les partenaires et fournisseurs d’une organisation sont également sensibles à son comportement en matière de RSE, notamment car ils veulent protéger leur propre réputation (Bensebaa & Béji-Bécheur, 2005). Les collectivités locales ont pour mission de développer durablement leur territoire et s’intéressent aux différents impacts (économiques, sociaux, environnementaux) des activités des organisations.

Il convient de noter que les attentes des parties prenantes peuvent parfois aller à l’encontre d’une démarche de RSE. Une bonne gestion des relations avec les parties prenantes ne consiste pas à satisfaire toutes leurs attentes, au risque de dénaturer son projet, son activité ou sa stratégie. Dans le cas de l’événementiel sportif, sur des événements itinérants, par exemple des raids aventure, les médias demandent couramment la possibilité de filmer des images en hélicoptère. Dans une optique de développement durable et de limitation de l’impact environnemental de l’événement, l’organisation doit proposer des solutions alternatives n’impliquant pas l’usage d’un moyen de transport polluant, coûteux et bruyant.

Nous avons vu que les parties prenantes peuvent exercer des pressions en matière de RSE pour tenter d’influencer le comportement de l’organisation. Comme nous l’avons noté, ces pressions peuvent être positives ou négatives. Par ailleurs, comme tend à le montrer le modèle de Mitchell, Agle & Wood (1997)2, une entreprise est amenée à traiter ces pressions en fonction de leur degré d’urgence, mais aussi selon la légitimité et le pouvoir de l’organisation qui les exerce. Nous avons donc établi que des pressions sont exercées par les parties prenantes et qu’elles ont potentiellement un impact sur la démarche de RSE d’une entreprise.

1 Le 5 décembre 2011, des militants de Greenpeace ont pénétré dans plusieurs centrales nucléaires françaises avec pour objectif de démontrer que ces sites ne sont pas sûrs. A la centrale de Nogent-sur-Seine, 9 militants sont parvenus à déployer une banderole sur l’un des réacteurs nucléaires.

2 Voir pages 69 à 76.