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Principes et catégories : les définitions de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (Corporate Social Responsibility – CSR 1 ) (Corporate Social Responsibility – CSR1)

CHAPITRE 1 Des fondements aux récents

2. Définitions de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise

2.1. Principes et catégories : les définitions de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (Corporate Social Responsibility – CSR 1 ) (Corporate Social Responsibility – CSR1)

L’analyse de Bowen (1953), traditionnellement reconnue comme l’approche fondatrice du champ, part du principe que l’action des grandes entreprises (qui ne cessent déjà à l’époque de se multiplier et de croître) influence la vie des citoyens de multiples manières (emplois, fourniture de biens et de services, innovations, communication, etc.). Ce pouvoir implique une responsabilité à l’égard de la société. C’est LE principe de base du concept de RSE.

Cette première définition est complétée et renforcée par d’autres qui insistent toutes également sur le nécessaire « retour » des entreprises envers la société. Des auteurs comme Frederick (1960) stipulent que les activités des entreprises doivent bénéficier à l’ensemble de la société et pas seulement à quelques intérêts privés car pour développer leurs activités, ces entreprises utilisent les ressources humaines et économiques de la société. Pour lui, la responsabilité sociétale est :

1 « un terme brillant ; il signifie quelque chose, mais pas toujours la même chose pour tout le monde. Pour certains, il exprime l’idée d’une responsabilité ou d’une obligation légale ; pour d’autres, il signifie un comportement socialement responsable dans un sens éthique ; pour d’autres encore, le sens transmis est celui de

« responsable pour », sur un mode causal ; beaucoup l’assimilent simplement à une contribution charitable ; certains le prennent comme une conscience sociale ; beaucoup de ceux qui l’utilisent le plus ardemment le voient plus comme un simple synonyme de « légitimité », dans un contexte d’être ou de devenir correct ou valide

; quelques uns le voient comme une devoir fiduciaire imposant de plus hauts standards de comportement aux businessmen qu’aux citoyens en général. » (Traduction libre)

« a public posture toward society’s economic and human resources and a willingness to see that those resources are utilized for broad social ends and not simply for the narrowly circumscribed interests of private persons and firms »1 (p. 60).

Partant de ce même principe que la fonction des entreprises doit être de répondre aux besoins de la société et par là même de contribuer à la satisfaction de la société, le Comité de Développement Economique Américain (CED2) publie en 1971 ses travaux sur la responsabilité sociétale des entreprises et définit ainsi le concept :

« Business is being asked to assume broader responsibilities to society than ever before and to serve a wider range of human values. Business enterprises, in effect, are being asked to contribute more to the quality of American life than just supplying quantities of goods and services. Inasmuch as a business exists to serve society, its future will depend on the quality of management’s response to the changing expectations of the public. »3 (p. 16)

Steiner (1971) complète cette vision en précisant que plus une entreprise devient importante, plus elle a de responsabilités envers la société. Autrement dit, la dimension économique d’une entreprise serait proportionnelle à ses responsabilités à l’égard de la société (ce qui ne dédouane pas pour autant les plus petites entreprises de toute responsabilité comme le précise l’auteur).

Plus récemment, Mohr, Webb et Harris (2001) définissent la RSE comme l’engagement de l’entreprise à limiter ou éliminer tout effet préjudiciable de ses activités sur la société et à maximiser son impact positif à long terme.

Ces approches reposent toutes sur le postulat fort – et plus ou moins explicite selon les cas – que la raison principale du business est de servir la société. Or, comme nous l’avons vu,

1 « une posture publique à l’égard des ressources humaines et économiques de la société et une volonté de voir que ces ressources sont utilisées pour l’ensemble de la société et pas simplement pour les intérêts étroitement circonscrits de personnes privées ou d’entreprises » (Traduction libre).

2 Committe for Economic Development

3 « On attend du business d’assumer de plus larges responsabilités qu’avant à l’égard de la société et de servir un plus large éventail de valeurs humaines. On demande aux entreprises de contribuer à la qualité de vie des Américains et de ne pas se contenter de leur fournir des biens et des services. Dans la mesure où le business existe pour servir la société, son futur dépendra de la qualité de la réponse managériale aux évolutions des attentes du public. » (Traduction libre)

plusieurs auteurs, dont Milton Friedman (1962) se sont vivement opposés à ce type d’approche arguant que la seule responsabilité d’une entreprise est envers ses actionnaires et consiste à réaliser des profits.

En 1979, Archie B. Carroll propose une définition de la responsabilité sociétale des entreprises qui décrit les quatre types de responsabilité d’une entreprise. Selon lui, une définition de la RSE doit recouvrir l’ensemble des attentes de la société et doit renvoyer aux :

« the economic, legal, ethical, and discretionary categories of business performance. These four basic expectations reflect a view of social responsibility that is related to some of the definitions offered earlier but that categorizes the social responsibilities of businesses in a more exhaustive manner. »1 (p. 499)

« The social responsibility of business encompasses the economic, legal, ethical and discretionary expectations that society has of organizations at a given point in time. »2 (p. 500)

Chaque responsabilité constitue une part de la responsabilité sociétale entière qu’a l’entreprise envers la société. Cette définition de base a par la suite été présentée sous la forme d’une pyramide de responsabilités dans laquelle la responsabilité économique constitue la base ou la fondation de la pyramide (Carroll, 1991).

Les responsabilités économiques constituent les fondations du modèle sur lesquelles reposent toutes les autres responsabilités – et donc dont elles dépendent. Les entreprises sont avant tout créées pour fournir des biens et des services. Les profits sont la source primaire de motivation de l’entreprenariat. La première responsabilité d’une entreprise est donc de maximiser ses profits et d’agir de manière à obtenir et maintenir un avantage compétitif.

Dans une société évoluée, la loi constitue la codification sociale connue et reconnue par tous de ce qui est bien et de ce qui est mal. La société exige donc également un comportement responsable des entreprises à ce niveau. Les entreprises doivent respecter les lois relatives à la production des biens et des services (par exemple pour préserver la santé et

1 « catégories économique, légale, éthique et discrétionnaire de la performance du business. Ces quatre attentes de base traduisent une vision de la responsabilité sociale liée aux précédentes définitions mais qui catégorise les responsabilités sociales de manière plus exhaustive. » (Traduction libre)

2 « La responsabilité sociale du business correspond aux attentes économiques, légales, éthiques et discrétionnaires que la société a, à l’égard des organisations, à un moment donné. » (Traduction libre)

la sécurité des consommateurs), mais aussi les lois relatives à la concurrence, au travail de ses salariés, etc.

Figure 1-4 : La Pyramide de la RSE (adapté de Carroll, 1979, 1991)

Les responsabilités éthiques sont liées au respect des normes et valeurs de la société, au-delà du simple respect de la loi. Par exemple, un équipement sportif peut suivre la loi à la lettre en matière de construction ou décider d’aller au-delà pour rendre vraiment accessibles ses installations aux personnes en situation de handicap.

Les responsabilités philanthropiques de l’entreprise correspondent à la manière dont l’entreprise contribue au bien-être de la société, à la qualité de vie de tous, par exemple au travers d’œuvres caritatives, de mécénat, de projets éducatifs, etc. Les responsabilités éthiques et philanthropiques sont attendues et désirées par la société.

Ces définitions insistent toutes sur un des principaux fondements de la RSE : la responsabilité à l’égard de la société. Comme nous allons le voir, la littérature met également en exergue deux autres principes pour définir la RSE : le volontarisme de la démarche et la prise en compte des parties prenantes.

Sans être unanime sur le sujet, la littérature revient toutefois souvent sur l’idée que les démarches de RSE doivent être volontaires (Bowen, 1953 ; Manne & Wallick, 1972 ; Jones, 1980). Cette assertion a été remise en cause par certains auteurs (Klarsfed & Delpuech, 2008) et nous la discuterons en fin de chapitre. Toutefois, étant communément acceptée et utilisée dans les définitions de la RSE, il nous a paru incontournable de traiter cette dimension et de lui accorder une attention particulière. En 1972, Manne & Wallich abordent cet aspect de la RSE et – comme Bowen (1953) avant eux – affirment que :

« Another aspect of any workable definition of corporate social responsibility is that the behaviour of the firms must be voluntary. »1 (p. 5)

Cette idée est reprise par Carroll (1979). Il se réfère à cette même définition et considère également dans sa conception de la RSE que ces démarches d’entreprises doivent être volontaires (p. 498).

En 1980, Jones insiste également sur cet aspect dans la définition qu’il propose de la RSE et qui repose sur deux éléments essentiels : le volontarisme de la démarche et la prise en compte des parties prenantes :

« Corporate social responsibility is the notion that corporations have an obligation to constituent groups in society other than stockholders and beyond that prescribed by law and union contract. Two facets of this definition are critical. First, the obligation must be voluntarily adopted; behavior influenced by coercive forces of law or union contract is not voluntary. Second, the obligation is a broad one, extending beyond the traditional duty to shareholders to other societal groups such as customers, employees, suppliers, and neighboring communities. »2 (p. 59-60)

1 « Un autre aspect de toute définition fonctionnelle de la responsabilité sociale de l’entreprise est que le comportement des entreprises doit être volontaire. » (Traduction libre)

2 « La responsabilité sociale d’entreprise est l’idée que les entreprises ont une obligation à l’égard des groupes constitués dans la société autres que les actionnaires et au-delà de ce qui est prescrit par la loi et les contrats.

Deux éléments de cette définition sont essentiels. Premièrement, l’obligation doit être volontairement adoptée ; un comportement influencé par les forces coercitives de la loi ou de l’union contractuelle n’est pas volontaire.

Deuxièmement, c’est une obligation large, étendue, au-delà de ce qui est traditionnellement dû aux actionnaires,

Outre cette définition, le principal apport de l’article de Jones réside dans son approche de la RSE comme d’un processus et pas seulement comme d’une liste d’items ou de résultats à obtenir (p. 65).

Comme le laisse entendre la définition de Jones, la prise en compte des parties prenantes est un des principaux fondements des démarches de RSE. Rendues populaires par les travaux de Freeman (1984) qui les oppose aux actionnaires (stockholders), les parties prenantes (stakeholders) sont apparues dans la littérature managériale avant 1984. Jones (1980) parle de groupes sociétaux1. Pour Johnson (1971) :

« A socially responsible firm is one whose managerial staff balances a multiplicity of interests. Instead of striving only larger profits for its stockholders, a responsible enterprise also takes into account employees, suppliers, dealers, local communities, and the nation. »2 (p. 50)

L’analyse de la littérature nous permet de proposer la définition suivante de la RSE : une démarche volontaire de l’entreprise afin d’assumer ses responsabilités économique, légale, éthique et philanthropique envers ses parties prenantes.

2.2. Processus et stratégies : les définitions de la Réactivité Sociétale de l’Entreprise