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CHAPITRE 1 Des fondements aux récents

5. Limites des approches théoriques présentées et discussion

5.4. La notion de « volontaire »

Dans la lignée de Bowen (1953), de nombreux auteurs insistent sur le caractère nécessairement volontaire des démarches de RSE (tableau 1-1 p. 56). En 2001, le Livre Vert de la Commission Européenne s’inscrit d’ailleurs dans cette logique en définissant la RSE comme :

« l'intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes. » (p. 7)

La Commission Européenne fait explicitement référence aux démarches des entreprises qui contractent « de leur propre initiative » (p. 3) des engagements qui vont au-delà des exigences réglementaires.

Or cette vision est remise en cause par certains auteurs (Klarsfeld & Delpuech, 2008) qui notent que l’adoption de démarches de RSE résulte d’un processus d’institutionnalisation (au sens de DiMaggio et Powell) passant par des phases successives de mimétisme, de

1 Associations, collectivités territoriales, administrations publiques, ONG, PME, PMI, TPE, TPI…

construction de normes et de coercition (p. 58). Le mouvement naturel d’institutionnalisation des processus organisationnels consiste à passer progressivement de l’adoption délibérée de règles non contraignantes à des règles de plus en plus contraignantes, voire de nature légale.

Inversement, les auteurs soulignent que les règles soi-disant contraignantes issues de ces processus d’institutionnalisation peuvent laisser une large place à l’autonomie des acteurs.

Autrement dit, la logique de l’institutionnalisation tend à aboutir à une réglementation de la RSE, mais cette réglementation n’implique pas pour autant une perte totale de liberté. Les acteurs concernés sont toujours libres d’adopter des démarches plus ou moins volontaristes en matière de RSE.

Il convient également de noter que la coercition en matière de RSE – comme pour d’autres aspects ! – ne s’exerce pas uniquement par le biais de la réglementation. Les donneurs d’ordre peuvent exercer une forme de coercition sur leurs sous-traitants en les obligeant à suivre certaines règles, à respecter certaines normes, sous peine de perdre des marchés. C’est le cas de certaines grandes entreprises engagées dans des processus de normalisation (par exemple Airbus quand elle s’est lancée dans une démarche de certification ISO 14001) qui répercutent leur démarche sur leurs fournisseurs en les appelant à respecter leur politique environnementale pour poursuivre leur collaboration. La diffusion de la RSE au sein des pratiques d’entreprises résulte donc également d’un processus de régulation des entreprises entre elles.

La question du caractère volontaire ou contraint de la RSE se pose également dans la manière dont les entreprises rendent compte de leurs actions en matière de RSE. Partant du principe que le « rapportage1 développement durable » fait partie intégrante des démarches de RSE, Capron & Quairel s’interrogent, en 2009 sur son caractère volontaire ou contraint. Ils identifient quatre modes de divulgation de l’information sociale et environnementale, complémentaire à l’information comptable et financière fournie par les entreprises. Selon eux, la communication de ces informations peut être, d’une part, volontaire ou réglementée et, d’autre part, libre ou normalisée. La question de la normalisation se pose ainsi de manière de plus en plus prégnante, tant il paraît difficile d’établir des standards, qui plus est internationaux, adaptés à tous et reconnus par tous.

1 Traduction officielle du terme reporting (Capron & Quairel, 2009, p.54)

La RSE aboutit à l’élaboration de normes, labels et référentiels « volontaristes » qui se diffusent librement et peuvent même finir par être imposés à certains acteurs. La question de la normalisation est ici centrale et particulièrement importante pour les acteurs concernés au premier rang desquels, les entreprises.

En 2010, à l’issue d’un long processus de concertation internationale, l’ISO a publié sa norme ISO 26000 intitulée « Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale ».

L’intérêt d’une norme de type ISO 26000 réside dans sont origine privée et concertée. Elle répond à la demande concrète des entreprises de disposer d’outils communs et reconnus pour accompagner leurs démarches de RSE. Sa légitimité est fondée sur le processus concerté d’élaboration de la norme. Les juristes qui s’intéressent à la RSE et, plus particulièrement, au processus de normalisation ISO 26000(Cadet, 2010) notent que l’adhésion à une telle norme est bien entendu volontaire mais que si elle est largement admise par tous, elle pourrait devenir une source du droit international. Là encore, la frontière entre processus volontaires et processus contraints apparaît bien plus mince et poreuse qu’il n’y paraît a priori.

Il apparaît donc que le caractère volontaire des démarches de RSE est un élément récurrent dans la conception de la responsabilité sociétale mais ne constitue pas pour autant…

une obligation !

A l’issue de ce premier chapitre nous avons délimité le périmètre de la RSE et défini son contenu. Si la RSE peut s’entendre comme « une démarche volontaire de l’entreprise afin d’assumer ses responsabilités économique, légale, éthique et philanthropique envers ses parties prenantes » (p. 47), nous avons établi que le caractère volontaire du concept pouvait être remis en question. Par ailleurs, le terme d’« entreprise » nous est apparu restrictif et nous lui préférons celui d’« organisation ». La dimension de l’interaction avec son environnement (les parties prenantes) reste, quant à elle, un élément incontournable et indispensable de la définition de la RSE. Au final, nous proposons de retenir la définition suivante de la RSE :

La responsabilité sociétale d’une organisation traduit sa volonté d’assumer ses responsabilités économique, légale, éthique et philanthropique à l’égard de ses parties prenantes.

L’analyse de la théorie des parties prenantes nous a permis de constater qu’elle offre un cadre conceptuel particulièrement approprié pour la modélisation et l’opérationnalisation de la RSE. Par ailleurs, le recours au concept de partie prenante est récurrent dans l’analyse des comportements organisationnels, ce qui justifie l’attention particulière portée à cette approche théorique puisque l’un des objectifs de cette recherche est d’étudier le comportement stratégique des organisateurs d’événements sportifs en matière de RSE. Nous avons donc étudié plusieurs modèles d’analyse du comportement organisationnel sur lesquels nous nous baserons pour proposer, au cours du chapitre suivant, une typologie des comportements stratégiques des organisateurs d’événements sportifs en matière de RSE.

CHAPITRE 2