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CHAPITRE 2 RSE et événementiel sportif

1. Le sport comme objet de recherche

1.2. Le modèle sportif français

1.2.4. Evolution du modèle sportif français

Depuis les années 1980, d’importants bouleversements ont transformé le modèle sportif français. Plusieurs facteurs expliquent ces changements. Tout d’abord, les enjeux économiques liés à la médiatisation du « sport spectacle » et à l’accroissement des flux financiers (partenariats, droits de retransmission, salaires et transferts des joueurs) ont, en quelque sorte, « percuté » le modèle sportif français et l’ont profondément transformé.

L’intérêt porté au sport par les opérateurs audiovisuels – au premier rang desquels Canal+ – a induit une modification du modèle économique des sports les plus médiatisés. Ce mouvement de médiatisation a contribué à faire du sport un support de communication incontournable pour les entreprises souhaitant associer leur image à celles des plus grands sportifs et aux valeurs véhiculées par les différents sports. Certaines dérives, jusque là marginales ou contenues par les instances sportives nationales et internationales, sont apparues au grand jour : dopage, affairisme, violence, incivilités, corruption… (Terret, 2007).

Ces évolutions ont créé de grandes disparités entre les fédérations sportives et ont modifié et diversifié leurs rapports avec l’Etat. Les ressources commerciales considérables dont bénéficient les plus médiatisées leur assurent une certaine autonomie financière vis-à-vis de l’Etat. Ainsi, les Fédérations Françaises de Rugby, de Golf, de Tennis ou encore de Football ont des taux de soutien inférieurs à 10%1. Autrement dit, elles sont financièrement autonomes à plus de 90%. A l’inverse, certaines fédérations dépendent toujours essentiellement des financements publics (7 d’entre elles ont des taux de soutien supérieurs à 50%)2.

Notons que le secteur privé a également investi le marché du sport en proposant de nouvelles prestations commerciales d’activités sportives, de tourisme sportif, de clubs de remise en forme. Ces offres, parfois plus adaptées aux besoins des consommateurs, notamment urbains, se sont multipliées ces dernières années. Parallèlement à ce mouvement, le marché des articles de sport s’est aussi largement développé. Bien que la dépense sportive des ménages français reste limitée (1,5% de leurs dépenses de consommation), elle représente un marché de plus de 16,8 milliards d’euros en 2008 (7,7 milliards d’euros pour la

1 Huwart, H. (2009). Rapport de stage en administration centrale : Direction des sports, Ministère de la Santé et des Sports. Paris : ENA.

2 Id.

consommation de services sportifs et 9,2 milliards d’euros consacrés aux achats d’articles de sport (vêtements, chaussures, équipements)1.

Tous ces nouveaux venus, issus du secteur privé marchand, ont importé de nouvelles pratiques managériales qui se sont diffusées au sein de toutes les organisations sportives, y compris associatives. De nouveaux métiers ont fait leur apparition (par exemple dans le champ du marketing sportif) et, globalement, le secteur s’est progressivement professionnalisé (figure 2-2).

Figure 2-2 : Evolution du modèle sportif français

Le développement du secteur privé marchand est l’élément clé pour expliquer l’évolution du modèle sportif français depuis les années 1980. Toutefois, il convient de noter que d’autres transformations sont également intervenues, notamment au niveau supranational.

Ainsi, l’Union Européenne a été amenée à intervenir de manière croissante pour réguler ce secteur d’activités sur la base des principes communautaires (libre circulation, libre

1 Les chiffres clés du sport, décembre 2010 (Ministère des Sports).

concurrence, protection des jeunes…). Même si, jusque récemment, le sport ne faisait pas explicitement partie de ses compétences, l’Union Européenne intervient depuis longtemps dans ce champ car ses programmes, dans d’autres domaines, comportent un certain nombre d’actions relatives au sport (protection des consommateurs, santé, éducation et jeunesse, politique régionale, environnement…). Le Traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, comporte pour la première fois des dispositions relatives au sport. Ces dispositions permettent à l'UE de soutenir, de coordonner et de compléter les actions des États membres. Elles visent à favoriser la neutralité et la transparence dans les compétitions sportives, ainsi que la coopération entre les instances sportives. Elles ont également pour objectif de protéger l’intégrité physique et morale des sportifs, et en particulier des plus jeunes :

« L'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative »1

« (…) à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l'équité et l'ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu'en protégeant l'intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d'entre eux »2

La montée en puissance des grandes organisations sportives internationales (FIFA, CIO, UEFA) est un autre fait marquant de cette période. Propriétaires de leurs événements3, ces organisations sont devenues incontournables et très puissantes. Elles disposent aujourd’hui d’un poids politique, sportif et économique considérable.

Les instances dirigeantes du sport français (Etat et mouvement sportif) ont pris la mesure des bouleversements induits par la modification du paysage sportif français. Elles tentent désormais de proposer de nouvelles modalités pour la gouvernance du sport, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes impliquées (y compris le monde économique, la société civile et les collectivités territoriales). Dans cette logique, les travaux

1 Traité de Lisbonne, p. 82

2 Id.

3 Coupe du Monde de Football, Jeux Olympiques, Champions League, Euro de Football

de l’Assemblée du Sport1 édictent les principes qui devraient guider cette nouvelle gouvernance (p. 159) :

- l’accès aux activités physiques et sportives est un droit pour le citoyen et les acteurs en cause ont une obligation de moyens pour répondre à ce besoin ;

- le « service public du sport » doit être préservé et son périmètre doit être clairement défini pour cerner le champ d’action des acteurs (publics ou privés) chargés d’une mission de service public ;

- le système de gouvernance du sport français doit intégrer les problématiques européennes et suivre avec attention les sujets traités au niveau européen ;

- la prise en compte des trois piliers du développement durable2 constitue un principe de réflexion et d’action incontournable et indispensable ;

- l’égalité femmes/hommes est une dimension à prendre en compte dans la composition des futures instances de gouvernance du sport, comme dans la promotion du sport ;

- la solidarité entre les différentes formes de pratiques doit rester au cœur du modèle sportif français (compétition/loisir, amateur/professionnel, sport pour tous/sport de haut niveau).

Cette nouvelle gouvernance du sport français devrait, d’après les propositions de l’Assemblée du Sport, s’appuyer sur trois organes (une conférence nationale du sport, des comités techniques et une assemblée du sport) qui intègreraient tous, à des degrés divers, des représentants de l’Etat, du mouvement sportif, du mode économique, de la société civile et des collectivités territoriales.

Les travaux de l’Assemblée du Sport ont été rendus publics, le 29 juin 2011, devant la Ministre des Sports, Chantal Jouanno3, le Président du CNOSF, Denis Masseglia, les présidents des groupes de travail et les membres du comité de pilotage de l’Assemblée du Sport. La conférence nationale du sport a ensuite été installée, le 16 janvier 2012, par David Douillet4, Ministre des Sports.

1 L’Assemblée du Sport est un processus de concertation qui a réuni 180 personnes, réparties en six groupes de travail, chacun porteur d’une thématique. L’Etat, le mouvement sportif, les collectivités territoriales, le monde économique et la société civile ont pris part à ce processus qui a conduit à établir un état des lieux, identifier les enjeux majeurs du sport d’aujourd’hui et proposer des préconisations. Voir le rapport : Pour une France 100%

sport : Constats, enjeux et préconisations des ateliers (Ministère des Sports, 2011) disponible sur http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/all.pdf.

2 Environnemental, économique et social.

3 Ministre des sports du 14 novembre 2010 au 26 septembre 2011.

4 Ministre des sports à compter du 26 septembre 2011.

Nous avons établi au cours du chapitre 1 que les enjeux de gouvernance sont centraux dans les démarches de RSE puisqu’il s’agit, en partie, d’intégrer les intérêts des parties prenantes dans les stratégies des organisations. A ce titre, il est particulièrement intéressant et utile à notre réflexion de s’intéresser à l’évolution du modèle sportif français et de son mode de gouvernance.