• Aucun résultat trouvé

Le roman historique, un genre à part entière ?

3. Roman historique et genres littéraires

3.3 Le roman historique, une histoire entre roman et Histoire

3.3.4 Le roman historique, un genre à part entière ?

Pour clore cette réflexion sur les liens entre roman historique et les genres, il nous reste à examiner cette question : comment qualifier le roman historique ? S’agit-il d’un genre ? d’une espèce ? d’une catégorie ? d’un sous-genre ?

Gérard Genette dans Introduction à l’architexte introduit la notion d’ « archigenres » pour qualifier le lyrique, l’épique et le dramatique. Ce qui nous intéresse tout particulièrement est la précision qu’il apporte ensuite :

195

72 « Un « genre » comme le roman ou la comédie peut lui aussi se subdiviser en « espèces » plus déterminées – roman de chevalerie, roman picaresque, etc ; comédie de caractère, farce, vaudeville, etc. – sans qu’aucune limite soit a priori fixée à cette série d’inclusions : chacun sait par exemple que l’espèce « roman policier » peut à son tour être subdivisée en diverses variétés (énigme policière, thriller, policier « réaliste » à la Simenon, etc.) qu’un peu d’ingéniosité peut toujours multiplier les instances entre l’espèce et l’individu. » 196

Jean Molino, en 1975, proposait quant à lui cette réflexion :

« Tous les genres littéraires désignés par une expression du même type – le mot roman suivi d’un adjectif qui le qualifie – sont à la fois des « microgenres » et des « macrogenres ». D’un côté ils servent à désigner un groupe d’œuvres proches par le temps et par le lieu, qui appartiennent à un même ensemble culturel et entre lesquelles existent de nombreux liens de filiation, influence, ressemblance, etc. Le roman historique de l’âge romantique est bien, en ce sens, un microgenre […] Le roman historique est aussi un macrogenre : le terme désigne alors les récits qui, dans quelque culture que ce soit, utilisent l’histoire selon des procédés divers. »197

Pour ces critiques comme pour Daniel Couégnas et Dominique Perrache-Leborgne ou pour Isabelle Le Guern-Durand, le roman historique est incontestablement un genre. Pour les deux premiers, « parler du « roman historique » renvoie le lecteur à un genre qui se constitue – se problématise en tant que genre – au XIXème siècle »198, période à laquelle il est « clairement identifiable »199 et va s’impose[r] comme un genre populaire, caractérisé par la grande variété de ses formes et de ses thèmes. »200 Selon eux, « au XXème siècle, le roman historique reste un genre de grande diffusion […] et se recompose, ou plus précisément se problématise différemment, à la lumière des grands conflits mondiaux et des drames collectifs internes à une nation. »201Le roman historique est donc un genre, constitué au XIXème, et reste un genre à part entière encore aujourd’hui.

196 Genette, Gérard, Introduction à l’architexte, op.cit, p.69.

197 Molino, Jean, « Qu’est-ce que le roman historique ? », in Revue d’Histoire Littéraire de la France, mars-juin 1975, 75e année, n°2-3, p.233.

198 Couégnas, Daniel & Perrache-Leborgne, Dominique, op.cit, p. 7.

199 Idem.

200 Ibid, p.8.

201

73 Quant à Isabelle Durand-Le Guern, elle considère que « si le roman historique nous semble aujourd’hui un genre reconnu et facilement identifiable, cela n’a pas toujours été le cas. La notion d’histoire est en effet suffisamment vaste et imprécise pour que la définition d’un tel genre prête à confusion. Ajoutons à cela que le genre romanesque dans son ensemble peine à donner de lui-même une vision cohérente, et l’on aura une idée de la difficulté à laquelle on se heurte dès lors que l’on tente de préciser la définition d’un sous-genre romanesque tel que celui de roman historique. »202 Que ce soit André Peyronie ou Claudie Bernard, les critiques emploient fréquemment le terme de « genre »203. André Peyronie débute son article par la formule suivante : « Il est un usage de l’expression roman historique : elle désigne un genre204 établi, un ensemble de romans réunis, peut-on penser, par un certain nombre de traits pertinents. » 205 Ainsi, chacun s’accorde à considérer le roman historique comme un genre et cette expression semble faire autorité. On note la précision d’Isabelle Durand-Le Guern évoquant le « sous-genre » et installant de ce fait un rapport d’inclusion : le roman historique appartiendrait à la sphère romanesque, cette sphère dont nous avons vu précédemment qu’elle se caractérise elle-même par son hétérogénéité et son expansion constante. La critique rejoint ainsi les propos de Gérard Genette expliquant la subdivision des genres.

Mais si les critiques dans leur ensemble n’hésitent pas à employer le terme de « genre », ils n’hésitent pas non plus à en souligner les problématiques afférentes : Sarah Mombert dans une étude sur Vigny et Mérimée évoque « la réception critique des deux romans [qui] se situe sur le terrain commun du débat générique : le choix du genre « bâtard » qu’est le roman historique pose nécessairement la question de la conciliation du vrai de l’Histoire et du faux de l’invention romanesque. »206 Genre, oui, mais éminemment problématique et difficile à définir. André Peyronie déclare même dès le début de son article la difficulté à « dégager cet ensemble de traits pertinents »207 qui définirait le roman historique. Jean Molino déclarait lui aussi : « Une théorie générale du roman historique n’est pas aujourd’hui possible, puisqu’elle devrait se fonder sur un comparatisme généralisé, seul capable de dégager des invariants ou des universaux. »208

202 Durand-Le Guern, Isabelle, op.cit, p.9.

203 Bernard, Claudie, « Le roman historique, une tranche d’Histoire : à propos de Patrick Rambaud », in Peyrache-LeBorgne, Dominique & Couégnas, Daniel, op.cit, p.291.

204

C’est nous qui soulignons.

205 Peyronie, André, in ibidem, p.279.

206 Mombert, Sarah, in ibidem, p.118.

207 Peyronie, André, in ibidem, p.278.

208

74 Nous voici donc en présence d’une entité que les critiques désignent comme un genre mais dont la définition reste particulièrement problématique. Pour autant il nous semble indispensable de tenter d’en dessiner les contours, quand bien même seraient-ils flous et mouvants.

75

1