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Jacques Cartier et Samuel Champlain : découvreurs de la Nouvelle-France ?

Du discours historique aux discours romanesques

Chapitre 1 : La naissance du pays

1. Le discours historique

1.2 Jacques Cartier et Samuel Champlain : découvreurs de la Nouvelle-France ?

Les noms de Cartier et Champlain sont souvent associés aux débuts de la Nouvelle-France. Pour autant Cartier ne fut pas le premier européen à approcher les côtes du Canada. En 1497, Giovanni Caboto, « dit par la suite John Cabot »375, aborde une terre dans le nord de

373 Idem.

374 Hamelin, Jean, op.cit, p.25.

375 Trudel, Marcel, Mythes et réalités dans l’histoire du Québec, Montréal, HMH, coll. « Cahiers du Québec », 2001, p.13.

133 l’Atlantique. Il y plante deux drapeaux : l’un, anglais, du fait du commandement de son expédition par Henri VII ; l’autre, celui de Venise, sa patrie. Selon Marcel Trudel, on peut croire « qu’il a vu ce qui est aujourd’hui la partie nord-est de l’Amérique du Nord, plus précisément Terre-Neuve et le Cap Breton »376. La France, sous François 1er, commence elle aussi à s’intéresser aux Terres Neuves. En 1524, le roi finance l’expédition de Giovanni da Verrazano qui remontera le littoral de l’actuelle Caroline du Nord vers le Nord. A la recherche d’un passage à l’image de celui qu’avait découvert Magellan en 1519 au sud de l’Amérique, il atteint la Nouvelle-Angleterre et le Nouveau-Brunswick. Il n’a trouvé aucun accès à la mer d’Asie mais atteste la découverte d’un nouveau continent qui sépare Atlantique et Pacifique. Cette terre, qui n’est pas l’Asie, est appelée « Nouvelle-France ». « Ce toponyme s’appliquera à tout ce que la France revendique ou occupe en Amérique du Nord, de la baie d’Hudson au golfe du Mexique, du golfe Saint-Laurent à la « Mer de l’Ouest »377. Dans le premier quart du XVIème siècle, l’Espagne et l’Angleterre envoient des bateaux explorer les côtes du Nouveau-Monde. C’est un navire anglais, le Mary of Guilford, qui entrera le premier dans le Golfe Saint-Laurent que Jacques Cartier explore à partir de 1534.

Le 20 avril 1534, Jacques Cartier quitte Saint-Malo avec l’espoir de découvrir un axe de pénétration vers l’Orient. Ce premier voyage dura trois mois et demi. « A la recherche de la voie navigable qui le conduirait vers l’Ouest, il suivit, des côtes du Labrador à celles de Gaspésie, les sinuosités du littoral et pénétra aussi profondément qu’il le put dans toutes les baies. »378. Il découvre une baie qu’il appelle Baie des Chaleurs. Le 5 septembre 1534, il accoste à Saint-Malo en compagnie de Domagaya et de Taignoagny, fils du chef de la tribu avec laquelle Cartier et son équipage avaient procédé à du troc. Moins de deux mois après son retour, il reçoit un nouvel ordre de mission. Il est probable que les récits de Domagaya et Taignoagny aient contribué à forger les légendes « d’un pays mystérieux, d’après eux aisément accessible, où or et argent abondaient »379. A moins que ces paroles ne soient le fruit de la traduction d’un interprète fort imaginatif.

Cartier repart le 19 mai 1535 avec le même espoir que lors du premier voyage : trouver des métaux précieux. Après s’être arrêté à Stadaconé (correspondant à peu près à l’emplacement de Québec), il poursuit la remontée du fleuve et aboutit à l’agglomération

376 idem.

377 Ibid, p. 18.

378 Lacour-Gayet, Robert, Histoire du Canada, Paris, Fayard, 1966, p.37.

379

134 d’Hochelaga qui lui « réserva un accueil triomphal »380. Ce second voyage marqua la découverte des rigueurs de l’hiver canadien. Les marins, revenus à Stadaconé, subirent de nombreuses pertes à cause du scorbut. Cartier en apprit le remède par Domagaya mais vingt-cinq hommes en étaient morts. Alors qu’il envisage le retour vers la France, Cartier prévoit de ramener avec lui le seigneur Donnacona, Taignoagny et Domagaya. « L’expédition revenant les mains vides, il était, en effet, habile de faire briller devant François 1er des espérances à défaut de réalités. »381. Ceci lui permettra de repartir le 23 mai 1541. Mais pour ce troisième et dernier voyage, la nouvelle commission du 17 octobre 1540 mentionne pour la première fois les idées d’évangélisation et de colonisation. « A force de l’entendre parler d’un Eldorado, les ambitions de la Cour s’étaient éveillées », l’autorité royale nomme donc Jean-François de La Roque, seigneur de Roberval comme lieutenant-général. Mais Cartier est prêt à partir bien avant Roberval et quitte Saint-Malo en mai 1541. Ce dernier voyage ne semble pas apporter de nouvelles informations et Cartier décide de repartir en France en avril 1542. Le 8 juin, Roberval atteint enfin Terre-Neuve et y trouve Cartier qui, lui, retourne en France. Il rentra avec des métaux qu’il croyait être des diamants et de la poudre d’or et qui ne se révélèrent n’être que du cuivre et du mica. Cartier mourut le 1er septembre 1557 à Saint-Malo. Les objectifs de sa mission, la découverte de métaux précieux et la colonisation, ne furent pas atteints mais Cartier laissa de grandes espérances.

Au XVIème siècle, les liens entre Europe et Nouveau Monde subsistent pourtant essentiellement grâce aux pêcheurs de morue au large de Terre Neuve. L’intérêt pour la morue sèche en France nécessitait une pêche côtière et des lieux de séchage sur la terre ferme. Ceci aboutit à l’établissement de Québec en 1608. Corollairement aux explorateurs, le Canada et le Québec se développe aussi grâce aux Français. « Ceux qui mirent pied à terre et occupèrent les côtes de façon saisonnière amorcèrent la colonisation effective de l’Amérique du Nord par la France. (…) C’est l’entreprise privée qui releva le défi du Nouveau Monde. »382.

Il faut attendre le début du XVIIème siècle pour que les monarques français se préoccupent à nouveau des Terres Neuves.

380 Ibid, p. 42.2 345 Ibid, p. 44. 346 Hamelin, op.cit, p. 87.

135 « Alors que la nécessité contraignait les Anglais à ne pas se contenter de leur île, les Français ne voyaient dans les terres d’outre-Atlantique qu’un luxe dont, à tout prendre, ils étaient fort bien capables de se passer. »383

Le début du XVIIème siècle fut marqué par un renouveau des ambitions coloniales. En 1603, Samuel Champlain effectue son premier voyage pour la Nouvelle-France. Il n’alla pas plus loin que Cartier mais découvrit la disparition de la bourgade d’Hochelaga. Deux explications subsistent : il est possible que les tribus, une fois les terres épuisées, aient changé de lieu de campement; à moins que les Hurons n’aient été victimes des Iroquois. La conséquence la plus importante de ce voyage fut le récit que Champlain publia et qui « accrut l’intérêt que la Nouvelle-France commençait à susciter. »384. En trente ans, il passa près de vingt ans au Canada et franchit vingt et une fois l’Atlantique.

Notre objet n’est pas de détailler chacun des voyages de Champlain en Terres Neuves mais de rappeler quelques-uns des moments significatifs de son implication en Nouvelle-France. Lors du voyage de 1604, deux navires se dirigent vers l’Acadie avec à leur bord Monts, chef de l’expédition, Champlain emmené comme géographe et connaissance. Ils ont pour mission de coloniser les Terres Neuves mais sur soixante-dix-neuf colons débarqués, trente-cinq meurent pendant l’hivernage. Le voyage qui débute en 1608 sera marqué par l’établissement de la ville de Québec en juillet. Cette ville choisie comme lieu d’hivernage fut préférée à Tadoussac, « trop froid, trop exposé aux houles de l’estuaire ». Une fois achevée, l’habitation servait à la fois de logement et de forteresse. Cela n’empêcha pas les maladies, dysentrie ou scorbut, de tuer seize des vingt-quatre hommes qui y étaient logés. Loin d’être seulement explorateur, Champlain s’illustre également par son rôle de bâtisseur au sein de la nouvelle colonie. En 1613, il effectue son sixième voyage vers le Saint-Laurent. « ses instructions lui enjoignaient de chercher, comme précédemment, un passage vers la Chine. Le printemps fut donc employé à une exploration systématique, mais combien décevante. »385.

A partir de 1615-1616, les objectifs se multiplient : « Christianiser, coloniser, explorer »386. En 1618, Champlain rencontre à Québec « Louis Hébert, arrivé depuis un an, et

383 Ibid, p.50. 384 Ibid, p.53.2 385 Lacour-Gayet, op.cit, p.65. 386 Ibid, p.66.

136 comme en Acadie, intéressé avant tout par les choses de la terre! »387. A partir de 1620, Champlain passe « les deux-tiers de son temps à l’ouest de l’Atlantique »388 et encourage la construction des rives du Saint-Laurent. « Il fait construire un fort, indispensable en raison des incursions constantes des Iroquois. » Mais l’année 1627 voit la déclaration de guerre de Charles 1er à la France. En raison de l’absence de communication entre les continents, le Québec devient anglais pour la première fois. En effet, en 1628, Champlain voit le Canada et l’Acadie menacés par les Anglais. Il attend de France des secours que les Britanniques ne laisseront pas passer et doit capituler un an plus tard. Mais lors de son retour en France il découvre l’invalidité de cette reddition, la paix entre la France et l’Angleterre ayant été signée trois mois auparavant. En 1632, par le traité de Saint-Germain, le Canada est enfin restitué à la France.

1633 est l’année du dernier départ. Dès son arrivée, Champlain entreprend de faire bâtir Notre Dame de la Recouvrance, sur l’emplacement de la cathédrale actuelle. Malgré l’arrivée d’immigrants en 1634, la situation reste précaire. Champlain meurt en 1635 à Québec.