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3.1- Risques psychosociaux (RPS) : Essai de définition et état des lieux

Depuis nombreuses années les RPS, ont commencé à gagner l’intérêt des acteurs et des experts dans le souci d’améliorer le bien-être et la santé physique et psychologique des salariés et de l’entreprise en général. En effet la propagation de cette question des RPS, durant les dernières années, s’explique entre autres, par la détérioration de certaines valeurs du travail, où la logique gestionnaire, priorise la production et la performance, au détriment des conditions de travail et du bien-être du salarié. (Vallery & Leduc, 2001, p.1).

Les études et les projets se sont multipliés autour de cette thématique, dans plusieurs pays, dont la Tunisie. ISST (2012) ; (Institut de santé et de sécurité au travail de Tunis, dans une revue de sécurité et de santé au travail à Tunis). En effet, cette réelle prise de conscience de l’importance du sujet, et de son impact sur l’efficacité sur le plan économique et social pour les entreprises, a contribué à s’investir en matière de la recherche scientifique, mais aussi, en matière des projets et des dispositifs de prévention contre ce phénomène, dans le monde du travail. Selon l’Agence Nationale pour l’amélioration des conditions de travail (L’ANACT, 2009).

Il est à admettre, qu’en dépit d’une littérature étoffée sur les RPS, elle demeure néanmoins, et jusqu’à nos jours, non consensuelle sur la définition de ce concept bateau. Cette divergence conceptuelle, s’explique par plusieurs facteurs d’ordre multidisciplinaire, culturel… (Vallery et Leduc, 2001, p. 4). D’un certain point de vue, ce manque de consensus, est dû essentiellement à une grande confusion, inhérente à la complexité du phénomène d’une part, et à la multitude des risques ainsi qu’à leurs interactions et leur chevauchement, d’autre part. C’est dans ce sens que Nasse et Légeron, dans leur rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des risques psycho-sociaux au travail, disaient : « Cette confusion tient, non seulement, à la diversité de ces risques mais aussi à la complexité des liens qui les unissent et qui ne relèvent pas toujours de la causalité linéaire car, interagissant fortement entre eux, ils sont plutôt de type circulaire ou systémique ». (Nasse et Légeron, 2008, p. 3).

Les manifestations des RPS gravitent autour de certains indicateurs à savoir : le stress, le burn out, les comportements antisociaux, et addictifs, le « workaholisme », ou (l’addiction au travail), le harcèlement, pour résumer, il s’agit de la souffrance au travail. (Bernaud & al, 2016, p. 213). Dans notre recherche, nous allons nous intéresser à plusieurs facettes des risques psychosociaux, qui sont souvent confondus avec les troubles psychosociaux. Mais une attention particulière et centrale sera portée à la violence subie, par les infirmiers comme l’un de ces RPS dans un domaine de travail particulier, qui est le milieu de soins. Ce choix est motivé par

plusieurs raisons ; notamment, à cause de la pauvreté des références scientifiques et de statistiques fiables, dans ce domaine, malgré sa recrudescence dans les dernières années en Tunisie (selon le constat de certaines études). Secondairement, nous allons aborder d’autres visages des RPS à l’instar ; du stress, du burn out, et la dépression, l’anxiété… (Comme risques et /ou troubles psychosociaux au travail, chez ces professionnels).

3.1.1- Définition des RPS

Il convient, tout d’abord, de définir les RPS, malgré les différentes terminologies et lectures effectuées, et malgré les controverses recouvrant cette notion, nous tenterons, de la cerner dans cette définition qui demeure, toutefois, assez lacunaire : « Les risques psychosociaux (stress, violence, ...) apparaissent lorsqu’il y a un déséquilibre dans le système constitué par l’individu et son environnement de travail. Les conséquences de ce déséquilibre sont multiples sur la santé physique et psychique. Ainsi, dans une démarche de prévention de ces risques, les situations de travail sont analysées dans leurs composantes individuelles et collectives ». (L’ARACT, 2009, p.17). Cette définition met l’accent sur le caractère plurifactoriel des RPS, dans la mesure où ils résultent de la combinaison d’une situation de travail donnée et la particularité d’un salarié donné. Comme elle met l’accent sur la notion de risque (qui est la probabilité d’être confronté à quelque chose), et sa distinction de celle du trouble lui-même qui peut se manifester sous forme de souffrances diverses au travail, avec des symptômes et des troubles divers, aboutissant dans certains cas à une décompensation de la santé du salarié. Et ce, au niveau physique et mental.

Pour le gouvernement Français, les RPS sont : « Les risques pour la santé mentale, physique et sociale engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels » (Bernaud & al., 2016). Dans cette perspective, nous allons prendre l’exemple des comportements antisociaux au travail, (CAAT), qui sont, des manifestations des risques psychosociaux (RPS), qui visent l’individu. Ils regroupent ainsi ; (violence, incivilités, la provocation, le harcèlement, la discrimination et l’intrusion dans la vie privée, portant atteinte à l’intégrité psychologique d’un membre de l’organisation) … Vallery & Leduc (2001), notent que les RPS, méritent davantage d’attention, vu les répercussions coûteuses qu’ils peuvent engendrer sur la santé du salarié, sur la performance de l’entreprise, et à une plus grande échelle, sur l’Etat. Il serait, de ce fait, nécessaire d’élargir les recherches sur cette question dans les différents champs du travail, et de tenter de décrypter les lacunes qui font résistance dans l’approche ou la prévention de ce phénomène. On entend par lacunes, celles qui se rapportent aux dimensions psychologique et mentale du salarié, peu, ou pas du tout, considérées comme RPS, le cadre législatif, qui ne reconnait toujours pas certains de ces RPS même au niveau européen. (Vallery & Leduc, 2001, p.4). Lerouge (2009) signalait « Ils sont seulement replacés dans le cadre des fondements généraux du respect de la dignité humaine et de santé de la personne, rattachés sur le plan international aux Droits universels de l’homme et des libertés ». (Lerouge, 2009, p.4-5). En ce qui concerne les déterminants des RPS, certains travaux chapotés par, Gollac & Bodier (2011), distinguent 6 familles de facteurs :

• L’intensité et le temps de travail (quantité de travail, complexité des tâches, responsabilités...) • Les exigences émotionnelles (contact avec le public, avec des personnes en souffrances, peur du travail, dissimulation des émotions...) ;

• Les conflits de valeurs (éthique, qualité...)

• Insécurité de la situation de travail (salaire, précarité, prospectives...)

Il serait, dès lors, judicieux d’identifier et de repérer les facteurs de déséquilibre possibles dans tel ou tel milieu de travail et, par conséquent, d’en arrêter les leviers de prévention, de même que les acteurs susceptibles d’agir dans cette prévention.

A la lumière de toutes ces considérations, et dans le souci de contribuer un tant soit peu dans la prévention de ces RPS, nous avons opté dans notre recherche à explorer ces risques, dans le secteur de la santé chez la population des infirmiers, qui y souvent sont exposés, tel que démontré par les nombreuses études, que nous exposerons tout au long de cette étude. (Gollac & Bodier, 2011)

Nous avons donc, choisi de mettre l’accent sur deux facteurs psychosociaux, qui semblent être étroitement liés, et fréquents chez certaines catégories de travailleurs, à savoir la violence et le stress sous toutes ses formes.

A ce titre, l’ARACT/ANACT (2009) indique qu : « Il y a aussi des liens de causalité entre le stress et la violence : le stress peut être la conséquence d’une violence, et inversement, peut engendrer une violence, ou une souffrance (voir schéma ci-après). (L’ARACT, 2009, p.19).

Figure 5: Liens de causalité entre risques psychosociaux, selon (l’ARACT, 2009, p. 21) Nous allons, dans un premier temps présenter l’état des lieux des RPS, phénomène, en Europe et en Tunisie. Dans un deuxième temps, nous allons prendre la violence au travail, comme risque psychosocial central dans notre étude. Et en se référant à la littérature, nous allons revoir les recoupements des points de vue théoriques sur la violence, en termes de ; définitions, approches, modèles théoriques …. Nous consacrerons, plus loin, un chapitre entier pour le phénomène du stress au travail.

3.1.2- RPS au travail : Etat des lieux en Europe, et en Tunisie

Aborder la souffrance au travail, c’est, effectivement, pointer du doigt la multitude des facettes qu’incarne un même phénomène, celui des risques psycho-sociaux au travail. Ces différentes facettes des RPS, constituent autant de facteurs et /ou de conséquences, imbriqués les uns dans les autres, au point qu’on ne sait plus lequel survient en premier ou quand il commence et quand il se termine. En effet, il s’agit d’un processus circulaire, complexe. Devant cette complexité, nombreux, sont les chercheurs, et les praticiens qui se sont penchés sur la question des RPS,

pour mieux les cerner, et éventuellement, mieux les gérer dans le monde du travail, eux qui, faut-il le préciser, n’excluent aucun secteur.

3.1.2.1- RPS en Europe

Selon Eurostat, statistics in focus, (2009), il a été démontré, en Europe, qu’une prévalence de 28 % des travailleurs, soit 56 millions, seraient « exposés à, au moins, un facteur susceptible d’affecter de manière défavorable leur bien être mental ». Cette même étude, a mentionné que, selon la source : (OSH in figures : stress at work-facts and figures), les groupes de travailleurs qui sont les plus touchés par le stress, sont les hommes, à 23%, contre 20% des femmes, ainsi que les travailleurs entre 40 et 54 ans. Et en ce qui concerne la violence physique ce sont plutôt les femmes qui y sont les plus confrontées, et ce, à 2.1%, contre 1.7% des hommes, (violence de la part des collègues), sachant que la tranche d’âge qui est la plus affectée est, ici, celle des 25-39 ans. (Eurostat, 2009).

3.1.2.2- RPS en Tunisie

Selon les déclarations de Larbi (2012), (Directeur à ISST institut de santé et de sécurité au travail de Tunis, dans une revue de sécurité et de santé au travail à Tunis), il n’existe quasiment pas d’indicateurs fiables concernant la prévalence réelle des RPS en Tunisie. Il ajoute qu’il reconnait l’existence de quelques études parcellaires ou préliminaires mais en généraal peu ou non significatives au niveau épidémiologique. En revanche un projet de stratégie nationale de gestion des RPS en Tunisie, a été mis en place avec le concours du BIT. Le projet a été mené entre 2013 et 2017, afin de prévenir ces risques professionnels et contribuer à l'épanouissement du salarié et à la prospérité de l'entreprise. Pour ce faire, une approche globale et multidisciplinaire de prévention a été adoptée, impliquant plusieurs acteurs et experts dans le domaine, et ce sur le plan médical, psychologique, social et culturel. (Larbi, 2012).

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