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5.3- Bore-out : quand l’épuisement émane de l’ennui au travail

« La récompense du travail bien fait est l’opportunité de faire plus de travail bien fait ».

(Edward Salk, 2018)

Le concept du bore out est paru pour la première fois, en 2007, dans un ouvrage intitulé : « Diagnosis bore-out », par des consultants suisses P. Werder et P. Rothlin. Ils le définissent comme : « une spécificité de l’ennui au travail ou l’ennui extrinsèque ». Le tapage médiatique autour du concept « bore out », a attiré l’attention des travailleurs qui ont confirmé, à travers

leurs témoignages, leur souffrance au travail, en disant qu’ils se reconnaissent dans ce type d’épuisement. Le bore out, provient, soit, de l’absence de tâche à effectuer (appelée aussi placardisation), soit de la vacuité de ces tâches (appelée récemment brown out).

La bore-out comporte trois éléments : l’ennui, l’absence de défis et le désintérêt professionnel. (Rengade, 2016).

Lors d’un entretien effectué par Lucien Fauvernier, avec l’un des premiers chercheurs (psychosociologue) qui se sont penchés sur la question du bore out en France, C. Bourion, la sentence était sans équivoque : « l’ennui au travail toucherait 32% des salariés européens. Ceux-ci ont indiqué passer au moins deux heures, si ce n’est toute la journée, à ne rien faire. Telles sont les conclusions d’une étude Steptone, réalisée en 2008, portant sur 11 238 personnes venant de 7 pays européens. (Fauvernier, 2015).

« Bored to death » ou « S’ennuyer à mourir », est une étude anglaise réalisée par Annie Britton et Martin J. Shipley, portant sur 7500 membres du service public en Angleterre. ». Selon cette étude, les salariés confrontés au bore out, sont exposés à un risque deux à trois fois plus élevé d’accidents cardiovasculaires que ceux qui exercent un emploi stimulant. (Britton et Shipley, 2010). C.Bourion, rédacteur en chef de la Revue internationale de psychosociologie et auteur d’une grande étude, réalisée avec Stéphane Trebucq, portant sur le syndrome du bore-out, ajoute que «si le burn out (l’épuisement professionnel), est lié à un trop plein d’activité, et il fait l’objet d’une lente démarche de reconnaissance en tant que maladie professionnelle, l’ennui au travail demeure tabou.» (Bourion, Cité dans Fauvernier, 2015).

Figure 6: Burn out et bore out selon Bourion & Trébucq (2011)

Le bore-out, se caractérise par la démotivation, la tristesse, l’anxiété, que le travailleur ressent quotidiennement. A long terme, un sentiment de dévalorisation de soi s’installe aboutissant à un trouble de la personnalité, et des chutes dépressives (Bourion, et Trébucq, 2011). Selon les mêmes auteurs, un travailleur qui avoue s’ennuyer au travail, est une source de honte, voire de « haine ». Il explique que le bore out, demeure un tabou, car trouver un job, est une chance en soi, et souffrir de la surcharge du travail pourrait être tolérable. Mais, se plaindre de l’ennui tout en étant payé, est considéré comme incorrect, et très mal vu. Cependant on commence actuellement à lever le voile sur cette forme de souffrance au travail, et les travailleurs en France, prennent de plus en plus conscience de ce mal-être et de la nécessité de le dénoncer.

Les auteurs ajoutent que face à ce type d’épuisement, il faut mettre en place des stratégies, permettant au travailleur de donner un sens à son travail et de s’épanouir, malgré tout, et refuser de se laisser ronger par l’ennui professionnel. (Bourion, et Trébucq, 2011).

Aborder ce phénomène de « bore out », dans notre étude, provient d’abord de notre souci de savoir si ce type d’ennui professionnel, existerait, chez notre population d’étude (les infirmiers qu’ils soient dans les services d’urgences ou dans les autres services d’hospitalisation…). Et c’est par le biais des entretiens avec ces professionnels que nous allons mieux creuser ce sujet qui demeure tabou et souvent honteux.

5.4- Le brown out : Une souffrance du non-sens du travail

5.4.1- Définition

Le « brown out », peut être traduit comme une « baisse de courant », ou « baisse de tension ». Il s’agit d’un autre type d’épuisement professionnel. Il serait lié à l’absurdité des tâches effectuées par le salarié, qui lui sont incompréhensibles et contradictoires à ses valeurs. Cette définition est issue d’un ouvrage, intitulé ; « The Stupidity Paradox », et inspirée par les recherches del’anthropologue américain David Graeber en 2013, qui dénonçait le trop-plein de « bullshit jobs » (boulots à la con). Pour mieux comprendre cette forme de souffrance au travail, nous présenterons, ici, ses symptômes.

5.4.2- Symptômes du brown-out

Lors d’un entretien accordé à BFM.TV, un Médecin spécialiste de la souffrance au travail, explique le concept du « brown out », en précisant certaines nuances à distinguer par rapport au « burn out » et au « bore out ». Le médecin, François Baumann, dans son ouvrage « Le brown out, quand le travail n’a plus aucun sens », indique que cette forme de souffrance au travail, que l’on désigne par « baisse de tension », dévoile en réalité, « une douleur et un malaise, ressentis par le travailleur, suite à une perte de sens, et des objectifs, correspondant à ses aspirations au sein de son entreprise ». (Baumann, 2018). L’auteur, en décrit les principaux symptômes :

-La déception : un sentiment qui hante le salarié, après avoirété confronté à un décalage entre la réalité amère du travail qu’il est appelé à réaliser et celui qu’il espérait faire. L’auteur insiste sur la différence entre le fait d’être déçu ; (le cas de brown out), et être paresseux.

-Le sentiment d'être inutile : C’est lorsque le travailleur éprouve, progressivement, une fragilisation de son estime de soi, à cause d’un sentiment d’inutilité dans le poste qu’il occupe. Cela a été décrit par l’anthropologue, David Graeber, par, « métier à la con",

-Une tendance à la procrastination : Une envie de vouloir reporter les tâches tellement ennuyantes, jour après jour, jusqu’à qu’elles s’accumulent.

-L'absence d’espoir : La perte d’espoir, est l’un des symptômes de ce mal être au travail. Il s’agit d’attendre et de croire qu’un changement éventuel, et une lueur d’espoir, vont venir donner du sens au travail, et le rendre stimulant…mais le temps passe, et rien ne change… Un sentiment de colère, et de désespoir s’installent, augmentant la détresse psychologique du travailleur. A ces signes cliniques, d’autres, ont été rajoutés par, Laura Swysen, qui admet qu’il est plus difficile de reconnaitre les symptômes de « brown out », que ceux du « burn out ». Et elle, suppose que cette difficulté s’explique par le fait que le travailleur, est « toujours capable d’accomplir son boulot » selon ses termes. D’après elle, les principaux symptômes sont

essentiellement ; (envahissement par un sentiment d’inutilité, perte du sens dans les tâches accomplies, souffrance de la situation, perte d’attention, et de concentration, sentiment d’irritabilité, sentiment de désinvestissement dans son travail, de « l’excitation » et la perte de motivation de contribuer à des projets professionnels, ainsi qu’une vision floue de l’avenir, des ambitions dans la carrière, et une perte d’initiative au travail). (Swysen, 2018).

Qu’il s’agisse, du burn out, du bore out ou encore du brown out, le travailleur vit une situation de souffrance délétère. Cette souffrance, comme nous l’avons déjà explicité plus haut, n’est pas sans conséquences sur la santé physique et mentale du salarié. Une certaine confusion, pourrait entraver leur détection et la distinction entre eux. Prendre, cependant, conscience de leur existence, et de leurs conséquences, ainsi que leurs facteurs, ne pourrait que faciliter les stratégies pour les prévenir et les conjurer.

5.5- Le stress post-traumatique : ou syndrome psycho-traumatique, en

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