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8.4- Quelques balises socio-psychologiques comme panacée à la violence à l’hôpital

9- PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

9.1- Problématique

 RPS au travail

Notre recherche rentre dans le cadre des RPS au travail. Ces RPS, regroupent plusieurs caractéristiques, qui concernent la nature du travail (comme, par exemple : contenu et demandes, charges de travail, horaires, interface vie de travail/vie privée, contrôle sur le travail, etc.), d’autres caractéristiques sont en rapport avec le contexte social et organisationnel du travail (culture organisationnelle, communication, relations interpersonnelles, perspectives de carrière, violences et harcèlement moral, rémunérations, etc.).Ces RPS sont déterminés par leurs aspects de contrôlabilité, événementielle (nature), temporelle (durée) et occurrentielle (fréquence). (Ponnelle et al., 2012).

Si le stress est le risque psychosocial le plus connu, et le plus investigué, il ne faut pas perdre de vue d’autres risques, dont les violences externes, dans un hôpital par exemple ; (avec les usagers de soins), ou encore des violences internes, (entre collègues ou avec la hiérarchie…) (INRS, 2008), mais aussi tant d’autres, comme le burn out, le workholisme, le mal-être au travail… L’INRS (2008), estime que tous ces facteurs sont, potentiellement, facteurs de stress, et ont un impact sur la santé physique et mentale des travailleurs. (Ponnelle et al., 2012). Notre problématique ne peut pas prétendre étudier tous les RPS, mais nous allons tenter, tout de même, d’explorer certains d’entre eux, et en premier lieu, la violence au travail, avec l’association qu’elle peut présenter avec les autres RPS ; (stress, Burn out…) ainsi que les conséquences qu’ils peuvent générer sur la santé des infirmiers en milieu de soins.

La violence en tant que fléau social dans notre société, n’arrête pas d’envahir tous les secteurs, dont, entre autres, le secteur de la santé. Nous cherchons dans cette étude à explorer le phénomène de violence à l’égard des infirmiers, en tant qu’une des facettes des risques psychosociaux au travail. Le choix de cette thématique et de cette population, est le produit d’un grand intérêt et d’une immense préoccupation ressentie dans le vécu quotidien des hôpitaux en Tunisie. En effet, la violence, on en observe, tous les jours, on en parle, on en vit, et surtout on en souffre. En se référant au « rapport mondial sur la violence et santé », décrit par l’OMS (2002) il a été constaté que le secteur de la santé est spécifiquement touché par la violence. Un phénomène auquel il faut faire face et qu’il faut prévenir.

L’hôpital est considéré comme une organisation qui revêt des caractéristiques particulières, et où les infirmiers tiennent un rôle central. (Mathieu & Zajac, 1990). En Tunisie, l’hôpital, connait actuellement une véritable crise. Une crise qui se manifeste par le grand nombre d’actes de violences perpétrés à l’encontre des professionnels de santé (cadres médicaux et paramédicaux). Il ne s’agit pas d’actes isolés, c’est plutôt un phénomène qui se multiplie dans le temps et dans l’espace. L’ampleur de ce phénomène se traduit tous les jours selon les déclarations du président du conseil de l’ordre des médecins de Tunis, par le taux d’absentéisme, la régression dans la qualité des prestations de soins prodigués aux usagers, ainsi que la démotivation accrue des soignants et la fuite des cerveaux, (850 médecins ont émigré à l’étranger, durant l’année 2017 cherchant un monde professionnel meilleur.). (Makni, 2017).

Selon la littérature, l’hôpital, est considéré comme un kaléidoscope de la société, accueillant toutes les catégories sociales, avec leurs caractéristiques multiples, leurs valeurs divergentes et leurs représentations variables. Le service d’urgences est le service «de porte », qui se métamorphose souvent, d’un lieu de soins en un théâtre de violence, par excellence.

Ces violences sont multiples ; (physique, verbale et psychologique), elles sont infligées à l’égard de tous les soignants, et les infirmiers sont supposés être parmi les professionnels les plus exposés à cette violence, tel que le rapportaient de nombreuses études, comme celle de (Alderson, 2001).

Il a été démontré que les infirmiers vivent une détresse morale, suite à des facteurs individuels, mais surtout organisationnels, liés à un contexte de travail « toxique ». Cette détresse, constitue une source majeure d’insatisfaction des travailleurs, comme par exemple ; (turnover, grève), ou encore le manque d’engagement et d’implication ainsi que la démotivation. Cette problématique est, aussi, susceptible d’impacter la performance et la qualité des services fournis aux usagers… Elle mérite, dès lors, une « haute priorité ». (Poisson, et al., 2014).

 Climat organisationnel à l’hôpital : Ses spécificités aux services d’urgences en particulier).

Le Bureau International du Travail (BIT), indique qu’une analyse factorielle des facteurs individuels, environnementaux et organisationnels, participant à la survenue du stress et de la violence au travail chez le personnel de santé dans plusieurs pays, et démontre que les facteurs organisationnels jouent particulièrement un rôle crucial dans l’augmentation de ces RPS. (BIT, 2003). Certains organismes comme ; l’Association des Infirmières et Infirmiers du Canada (AIIC, 1997), attirent l’attention sur la complexité de la profession infirmière en termes organisationnel, et mais aussi par rapport aux contraintes liées aux conditions du travail. A titre d’exemple, nous citons le contexte de pénurie des effectifs infirmiers, qui a entrainé une charge de travail élevée (Shields & Wilkins, 2006), ainsi qu’une détresse morale et des troubles psycho-sociaux ; (burn out, dépression, anxiété, …). (Canoui et Mauranges, 2001, p.54). Dans une perspective systémique, ces conditions d’exercice et la pression qui en découle, influencent négativement certaines pratiques de soins, comme la relation d’aide, et la qualité de communication envers les patients et leurs familles et ce, par manque du temps. (Aiken et al., 2001).Toutes ces difficultés, et tant d’autres que nous avons préalablement évoquées dans la partie théorique, sont souvent associées à un risque plus élevé de détérioration de la performance et de la qualité de soins selon les perceptions des infirmières, telles que évoquées par la Fédération des Infirmierères et des infirmiers du Québec. (FIIQ, 2001).

Si le climat organisationnel, et les conditions de travail sont supposés être des agents stresseurs, ayant des conséquences négatives sur la santé physique et mentale des soignants, ils sont de ce fait impliqués dans l’émergence du stress et de la violence ou leur amplification. (Boukortt, 2016). Rappelons à ce niveau que le climat de travail, comme prédicteur d’agressions en milieu de travail, a été examiné dans de rares études, comme celle de Beugré, (1996), qui a exploré les facteurs interpersonnels et organisationnels de l’agression en milieu de travail. (Courcy, et Savoie, 2004). D’autres études se sont focalisées sur la perception des caractéristiques organisationnelles comme ; (la justice organisationnelle et les cultures groupales…), dans la prolifération des agressions en milieu du travail, (AMT). (Courcy, et Savoie, 2004).

Si ces travaux se sont intéressés aux agressions et à la violence interne au sein de l’organisation, nous pouvons dans cette optique émettre l’hypothèse, selon laquelle, le climat organisationnel peut rendre les infirmiers plus sensibles à la violence externe (perpétrée par les usagers de soins), et contribuer à l’augmentation du stress perçu négativement, par les infirmiers au sein de l’organisation hospitalière.

Nous cherchons, à identifier les perceptions du climat de l’organisation hospitalière et de son fonctionnement, et tenter de savoir si les infirmiers travaillant dans différents types de services de soins, (urgence et hospitalisation), ont la même perception du climat organisationnel, sachant qu’ils appartiennent tous au même système de soins, et à quel point ceci pourrait avoir un effet sur le déclenchement de la violence.

 Le stress perçu et l’épuisement professionnel chez les infirmiers comme source de souffrance en milieu de soins

Le stress fait partie des risques psychosociaux (Institut national de recherche et de sécurité, (INRS, 2008). Il est aussi associé à la violence, (en termes de facteur ou de conséquence), en milieu hospitalier. Certains auteurs considèrent que la violence pourrait entrainer le stress dans un contexte de médecine d’urgences (Duchateau et al., 2002). Loin d’une vision causaliste linéaire, entre les deux variables (stress et violence), il serait pertinent de préciser que les stresseurs relevant du travail aux urgences sont spécifiques. Cette spécificité, est essentiellement en rapport avec la nature de l’intervention qui est souvent imprévisible, et urgente, en plus de la nature des pathologies à prendre en charge qui sont généralement très lourdes à gérer, techniquement et émotionnellement. D’autres auteurs, Duquette & Delmas (2001) rejoignent cette idée, et considèrent que tous ces facteurs de stress, représentent un terrain favorable au développement du burn out chez les soignants. Ils précisent que les infirmiers seraient deux fois plus vulnérables aux problèmes de santé mentale que la population en général, avec un niveau d’épuisement émotionnel plus élevé. (Roch, 2008).

En s’appuyant sur le modèle transactionnel du stress, on constate que c’est « dans la transaction entre l’environnement et la personne » que l’évaluation du stress se fait et se perçoit. (Lazarus et Folkman, 1984). En d’autres termes, il s’agit plutôt de l’évaluation de la situation, telle que perçue par la personne, « comme excédant ses ressources et menaçant son bien-être ». (Bruchon Schweitzer, 2002), explique que l’ensemble de ces transactions concernent ; le stress perçu, le contrôle perçu et les stratégies d’ajustement au stress ou coping. D’après ce modèle, que nous avons adopté dans notre recherche, le stress perçu est pertinent à explorer, dans la mesure où il désigne « les caractéristiques perçues comme menaçantes par l’individu, qui se distinguent des caractéristiques environnementales objectives ou facteurs de stress (stresseurs) » (Grebot, 2010, p. 7).

Concrètement, nous cherchons à identifier les sources de stress, en l’occurrence les contraintes qui correspondent aux conditions de travail perçues. Par ailleurs, face à des difficultés organisationnelles et professionnelles, le stress serait la réponse de l’individu à l’évaluation qu’il fait de ses capacités personnelles d’ajustement et des exigences de la tâche à accomplir. Ainsi, le stress qu’il soit aigu, chronique ou post traumatique estsusceptible d’accélerer leprocessusd’escalade à la violence, notamment lorsqu’il est associé aux spécificités du travail infirmier et du service d’urgence.

 Pratiques relationnels de soin : Quand les dimensions relationnelle et organisationnelle, se chevauchent dans le travail infirmier

Dans la littérature internationale, les infirmiers, représentent une population importante, et un maillon clé dans le système de soins, et leurs pratiques constituent un élément crucial de la qualité des soins et services fournis aux patients. (Prescott, 1993). Plusieurs travaux, ont porté sur l’impact de l’organisation du travail, en milieu de santé. (Roch, 2008). En revanche, ce qui semble être négligé dans ces études, c’est essentiellement, l’intérêt accordé au rôle et aux fonctions de l’infirmier, qui incarnent inéluctablement la nature profonde de la profession infirmière. Nous entendons par ces fonctions, toutes les pratiques de soins, qu’elles soient d’ordre technique ou relationnel. Ce que nous voulons explorer dans la présente étude, est plutôt une de ces deux dimensions de soins, à savoir la dimension relationnelle, qui a tendance à être ignorée alors qu’elle s’inscrit au cœur même des pratiques des soins infirmiers. Nous désignons par dimension relationnelle, les pratiques relationnelles de soin, (PRS), selon le modèle de caring, que nous avons choisi, comme support théorique, pour mieux les cerner et les explorer dans notre étude.

Ces PRS, ne sont pas des pratiques « de luxe », au contraire, elles rentrent dans le cadre d’une politique organisationnelle de réformes de soins, ou ce qu’on catalogue actuellement sous le slogan « d’humanisation de soins ». Les PRS font depuis quelques années, l’objet de plaidoirie et de tout un dispositif d’actions et de formations pour les soignants ; (corps médical et paramédical). Il s’agit en fait d’une devise forte recommandationnée par l’OMS et les systèmes de soins dans plusieurs pays du monde. L’objectif est de renforcer les soins par une approche humaniste, qui se détériore de plus en plus dans les structures de santé. (Roch, 2008).

En effet, la déshumanisation des soins, constitue un problème dans les pratiques des infirmiers, et des soignants en général. Ce problème a été soulevé à maintes reprises par les usagers de soins. (Grebot. 2010). Ce problème de déshumanisation, appelée aussi « dépersonnalisation », ayant trait à un ensemble de facteurs liés à l’organisation et aux conditions du travail en dissonance avec les besoins et les exigences du bien-être du soignant, mais aussi avec la qualité des soins, prodiguée aux patients. (Roch, 2008).

Au regard de ces données de la littérature, nous pensons que la défaillance de la communication et la difficulté de réaliser des pratiques relationnelles de qualité envers les patients et leurs familles sont liées d’une manière circulaire à plusieurs facteurs, comme la perception négative de l’organisation et des conditions du travail, le sentiment de stress, et de burn out …C’est dans cette optique que nous cherchons à explorer cet axe, ainsi que les liens qui s’établissent entre les PRS et d’autres risquespsychosociaux (stress, bun out …) et d’autres variables comme l’organisation et les conditions du travail aux services des soins.

 Les types de stratégies de coping chez les infirmiers

Un autre axe important, qui relève de notre problématique, est celui des stratégies de coping. Comme précédemment évoqué pour le stress perçu, et partant du même principe et du même modèle, à savoir celui de Lazarus et Folkman, (1984), le stress est le produit des interactions, entre environnement, individu et coping. Dans cette lignée de l’approche transactionnelle, le coping peut prendre des formes variées ; (copings centrés sur la tâche, en cherchant à résoudre le problème, ou centrés sur l’émotion en tentant de réduire la détresse émotionnelle ; (Folkman & Moskowitz, 2004). L’idée d’aborder le stress (par le biais de JSS), et le coping (CISS), selon ce même modèle, est un choix réfléchi et étudié, pour obtenir plus de cohérence, et de logique

dans les résultats escomptés de l’étude. Par rapport au contexte infirmier, nous tenterons d’examiner l’évaluation cognitive et émotionnelle de ces professionnels, face à une situation stressante au travail. De ce fait, les résultats nous informeront sur le type de coping le plus souvent mis en œuvre, ainsi que son lien avec les autres variables étudiées comme la violence, le climat organisationnel, le stress perçu et les PRS.

A la lumière de ces variables en rapport avec les risques psychosociaux, et leur interdépendance, chez les infirmiers dans le contexte hospitalier, les résultats de cette étude devraient contribuer à élaborer un dispositif de prévention, susceptible d’améliorer, à la fois, les conditions d’exercice, la dynamique relationnelle et la santé des infirmières, notamment aux services des urgences. Pour ce faire, il convient de préciser, les principaux objectifs de notre recherche.

 Principaux objectifs de la recherche

L’objectif principal de la présente recherche, consiste à comprendre les facteurs qui rendent les infirmiers plus sensibles et vulnérables à la violence par les patients et leursfamilles, et rendent difficile sa gestion par les infirmiers particulièrement, aux services des urgences. Les facteurs clés, sont d’ordre organisationnel, relationnel, et socio-psychologique, Dans cette perspective, nous-nous intéressons, également, à mettre en relief, certaines conséquences néfastes de la violence au travail, notamment lorsqu’elle est associée à d’autres risques psychosociaux ; (stress, burn out …), et apprécier les stratégies de coping telles que mobilisées par les infirmiers, pour mieux comprendre les dysfonctionnements qui sous-tendent ce phénomène de violence, et proposer, en conséquence, des mesures de prévention, spécifiques au contexte tunisien. Au regard des données de la littérature, sur la violence et les RPS, des constats nous ont interpellés et nous ont incités à nous interroger, sur certains axes clés, à travers les hypothèses que nous émettons ci-après, et que nous souhaitons vérifier, tout au long de cette deuxième partie empirique.

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