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4.1- Perception de la violence par le soignant et le patient ou sa famille

Selon le dictionnaire Larousse, la perception est définie comme « un évènement cognitif dans lequel un stimulus ou un objet, présent dans l’environnement immédiat d’un individu, lui est représenté dans son activité psychologique interne, en principe, de façon consciente ». Une perception, relève de l’activité psychologique d’un individu, qui reflète une vision du monde, unique, pour tout un chacun. En effet, l’activité psychologique est propre à chacun et varie d’un individu à un autre. Les réactions à un stimulus ne seront jamais identiques. La définition est aussi expliquée comme : « comme nous n’avons aucune expérience immédiate de ce que les autres hommes ressentent, nous ne pouvons nous, faire aucune idée de la manière dont ils sont affectés, sinon en concevant ce que nous ressentirions nous-mêmes dans une pareille situation.

Bien que notre semblable soit dans les tourments, tant que nous sommes, nos sens ne nous informeront jamais de ce qu’il souffre. ». (Camus, 2012, p. 24)

Une étude menée par Guay et al (2013), a tenté d’étudier ces perceptions auprès de travailleurs, qui ont considéré que la violence physique n’était pas perçue comme normale dans leur milieu de travail, par 84% des répondants. Mais deux tiers d’entre eux (surtout les hommes), n’osent pas s’en plaindre de peur d’être mal jugés par leurs collègues ou leur employeur. Par ailleurs, cette étude a retrouvé que la plupart des répondants (89%) estimaient qu’ils devaient âtre en possession d’outils pour faire face à cette violence, et 73% estimaient le soutien de l’employeur ou des collègues (à moindre degré) comme essentiel dans cette situation. Cette recherche de soutien étant plus recherchée par les jeunes employés que par les anciens. (Guay et al., 2013). Les perceptions des individus concernant un phénomène ou un comportement donné, sont très importantes. Selon Aurousseau, elles rentrent dans un système idiosyncrasique de tout un chacun, selon ses normes de références. L’auteur, affirme que ces normes qu’elles soient formelles (lois, règlements …), ou informelles (perceptions, représentations ...) sont déterminantes dans le jugement de la nature d’un comportement violent abusif observé. Ces perceptions sont construites à la base d’un système de valeurs communes, au sein d’un groupe donné, et dans un milieu donné. L’auteur rappelle, à ce niveau, que la notion de normes se rapporte à celle de « seuil de tolérance » et doit prendre en considération les différences propres aux milieux concernés par la situation de violence. Il est donc nécessaire de tenir compte des perceptions entre les soignants et les usagers de soins, afin de mieux saisir les affrontements engendrés par le décalage qui pourrait se produire entre deux cadres de valeurs différents. (Aurousseau, 2000).

Dans certains services de soins, notamment aux urgences, la conceptualisation de la violence, sa perception et sa catégorisation diffèrent énormément que l’on ait un statut de soignant, ou de bénéficiaire de soins (patient ou famille). De ce fait explorer ne serait-ce qu’à titre indicatif, ces perceptions chez les deux protagonistes de soins, nous aidera à mieux identifier le sens donné à la violence par chacun d’entre eux, et nous servira aussi de substrat pour décoder et analyser dans notre recherche leurs perceptions respectives.

Perron et al, ont démontré que la notion de violence, est une notion équivalente à l’agression, à l’agressivité, que ce soit pour les soignants, ou pour les patients. Et les auteurs considèrent, que malgré les réponses variées des participants (soignants ou patients), la conception de la violence repose sur les comportements, et les gestes exprimés, lors d’une interaction entre deux personnes. Les auteurs se rendent comptent que la violence, est souvent perçue comme visible et manifeste. Ils constatent aussi, qu’être témoin d’épisodes de violence peut provoquer un sentiment intense de vulnérabilité chez l’un et l’autre des protagonistes de soins. A ce titre, nous allons citer quelques exemples recensés dans la littérature, concernant les perceptions relatives au patient et au soignant, pour illustrer cette idée. (Perron et al., 2015)

4.1.1- Perception de la violence selon le patient ou sa famille

Secker et al. (2004) interprètent la violence, comme une forme d’impuissance qui incite le patient à passer à l’acte, après avoir vécu une souffrance intolérable, dans un environnement, qu’il considère comme « toxique ». Dans cette perspective, la violence devient alors une manière ou une stratégie de reprendre le contrôle de la situation. (Secker et al, 2004, p.173).

Pour les patients, la violence est aussi un « symptôme de mal-être ». « Les patients, deviennent violents parce qu’ils n’ont pas d’autres moyens pour exprimer toute la frustration qui les habite », disait un patient témoignant dans l’étude de Perron et al. (2015), dans le cadre de la violence perpétrée dans un service de soins en psychiatrie. Un autre patient ajoutait : « Ça peut arriver à n’importe qui (d’être violent), même à ceux qui ne l’ont jamais été, parce qu’ils se retrouvent là, on leur dit quoi faire et ils ont perdu certains de leurs droits. Et c’est la manière dont ils se font dire les choses ». (Perron et al., 2015). Pour faire le lien avec ce qu’avançaient, les patients ou pour convertir en langage scientifique leurs propos, le chercheur, Tartar-Goddet, explique cette situation conduisant à la violence comme : « l’expression d’une souffrance, individuelle et sociale, qui se dit en actes quand son auteur n’a pas les moyens de formuler autrement la violente douleur qu’il ressent ». (Falcy & Gsteiger, 2012). Et comme le disait De Gilles Deleuze : « La violence est ce qui ne parle pas ». (Deleuze, 1967, p.16).

4.1.2- Perception de la violence selon le soignant

Chez les infirmiers, les perceptions d’être exposés au risque de la violence, sont tributaires de plusieurs stratégies pour identifier et gérer cette violence. Leurs réponses, notamment psychologiques dépendent de leurs caractéristiques individuelles. (Tonneau, 1996).

D’après, Secker et al. (2004), a démontré que, parfois, les soignants considèrent les attitudes des patients comme un signe de transgression de l’autorité, ce qui peut engager une lutte de pouvoir. Et les soignants interprètent les épisodes de violence selon la dangerosité de la situation, qui diffère en fonction de leur évaluation subjective. Et c’est sur cette base qu’ils réagissent pour la gérer. (Cité dans, Falcy & Gsteiger, 2012).

Certains infirmiers, pensent que la violence est « légitime », car elle fait partie de leur métier. Dans le rapport final de la commission thématique « violence, travail, emploi et santé », Dejours, explique son point de vue, à ce sujet, en écrivant : « Lorsque le risque d'agression est présent dans le travail ordinaire de ces personnels, il devient, de fait, partie intégrante de la tâche. Ces personnels sont alors contraints de chercher et d'inventer des savoir-faire nouveaux permettant de désamorcer autant que faire se peut les provocations et la violence des usagers. A ce niveau existe, il faut bien le reconnaître, une grande confusion dans les directions d'entreprises et de services. » (Dejours, 2005, p.22).

Selon le même auteur, le travailleur exposé au risque de la violence, déploie des stratégies de défense, contre la peur et la violence, (qui sont étroitement liés), pour se protéger, et préserver sa santé mentale. Dans cette situation, certains travailleurs, recourent souvent à «la banalisation » de la violence, (Dejours, 2005, p.25), par la violence "coutumière". Dejours, suppose que ces travailleurs acceptent le mal subi, ou tolèrent « l’intolérable », car, en effet, c’est un moyen défensif, pour pouvoir continuer à travailler. Cependant ces travailleurs, risquent d’exporter la souffrance vécue par la violence et les autres contraintes du travail justement en dehors du travail ; (famille, enfant, amis …).

Les concepts de violence et d’agressivité souffrent de l’existence d’un amalgame entre eux, et les représentations sociales de l’agressivité et de la violence sont aussi confondues. « La terminologie adoptée témoigne de la variété des situations : il existe un véritable amalgame entre les notions d’impatience, d’agressivité, d’agitation et de violence. ». (Léglise, 2012, p.19)

En effet, et au cours d’entretiens de pré-enquête menés auprès de personnels soignants retrouve cet amalgame chez une population pourtant rompue à ces concepts en psychologie. Ila pu constater que tous les aides-soignants, médecins ou infirmiers, la totalité ne faisaient pas la différence entre agressivité et violence. Il a expliqué cela par un abus de langage qui ne fait pas la différence entre un comportement agressif et un comportement violent.

Il va, pourtant, falloir distinguer l’agressivité qui est un système d’attaque, de la violence qui est, elle, plutôt, un système de défense. (Jean, 2008, p.1)

Les perceptions des infirmiers sur le phénomène de la violence, leurs souffrances et leurs vécus au sein de l’hôpital, seront une base d’informations riche, pour analyser et comprendre leur vision, en abordant leur version des faits, dans la partie qualitative, notamment par le biais des entretiens.

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