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2.3- Profession infirmière : Définition, spécificités, formations et identité professionnelle

Aujourd’hui, l’infirmier est un professionnel de la santé, qui est défini comme : « une personne qui donne habituellement des soins infirmiers, sur prescription ou conseil médical, ou en application du rôle propre qui lui est dévolu. L'infirmière ou l'infirmier participe à différentes actions, notamment en matière de prévention, d'éducation de la santé et de formation ou d'encadrement. » (Code de la Santé Publique, en France).

Cette profession n’a été reconnue par la société française que depuis 1902, et, rendue obligatoire qu'en 1946. Aujourd’hui, l’infirmier est doté d’un rôle prescrit, et un rôle autonome, en interaction permanente, sanctionné par un diplôme d’état obligatoire selon la loi.

Les soins infirmiers, selon le Conseil International des Infirmiers les soins infirmiers sont définis comme étant : « Les soins prodigués, de manière autonome ou en collaboration, aux individus de tous âges, aux familles, aux groupes et aux communautés – malades ou bien-portants – quel que soit le cadre. Les soins infirmiers englobent la promotion de la santé, la prévention de la maladie, ainsi que les soins dispensés aux personnes malades, handicapées et mourantes. Parmi les rôles essentiels relevant du personnel infirmier citons encore la défense, la promotion d'un environnement sain, la recherche, la participation à l'élaboration de la politique de santé et à la gestion des systèmes de santé et des patients, ainsi que l’éducation ». (ICN, 2010).

2.3.1- Un rappel historique de la profession

2.3.1.1- La profession infirmière : Un héritage dynamique à travers le temps Ces bribes d’histoire, nous permettent de connaitre les principaux repères qu’a connu la profession, ailleurs et en Tunisie, et qu’il nous semble pertinent d’évoquer succinctement : Le métier d’infirmier est régi par un statut social et un rôle, qui tire son origine d’un héritage à la fois religieux et médical.

- Un héritage religieux ; depuis, le XIXème siècle, ou « l’appellation officielle d'infirmière a été adoptée » (Habib & Nassar, 2007). C’est à cette époque, où la religion accorde à l’infirmière un rôle et des pratiques de soins empreintes de charité, de dévouement et d'amour de Dieu. L'infirmière est dès lors, considérée, comme une « sainte laïque ». L’infirmière possédait donc une seule fonction qui est : «de pur instrument au service du médecin, (…) et un instrument ne pense pas » (Poisson, 2000, p.57).

- Un héritage médical, qui est la résultante des progrès des sciences du XXeme siècle et qui ont permis l’évolution des techniques et gestes en soins infirmiers. De ce fait, l'infirmière assistait le médecin, et elle acquièrt donc le titre d’auxiliaire technique du médecin, une piqueuse. Ensuite, et lors de la seconde guerre mondiale, une image de l'infirmière de la « Croix Rouge » a été édifiée, avec la reconnaissance de ses qualités ; (courage, dévouement, discipline militaire, …). (Habib & Nassar, 2007).

Après de nombreux changement lors du XXeme siècle, les théories en soins infirmiers (Virginia Handerson...), ont vu le jour, et en 1970, apparaitra, le terme de, « diagnostic infirmier » ainsi qu'en 1972, l'expression « soins infirmiers ». Aujourd’hui une nouvelle image de l'infirmière, se construit : une bonne infirmière, ce n’est plus comme dans les années 1934, où dans le manuel destiné aux infirmières indiquait : « Une bonne infirmière qui agit, qui ne parle point,

qui s’oublie elle-même pour ne penser qu’à ses malades ». Selon les écrits de B. Charlot. Aujourd’hui l’objet des sciences infirmières serait « de construire ses finalités, ses pratiques et ses savoirs ». (Jeanguiot, 2006, p. 117).

Les infirmiers deviennent de ce fait, des soignants indépendants, avec une « tête pensante », et « une main agissante ». (Ammouri et Sawefi, 2016).

2.3.1.2- L’histoire de la profession infirmière en Tunisie selon Rouis (2010) Nous allons, maintenant, aborder un bref rappel historique de l’évolution du métier, mais surtout, de la formation des infirmières, en Tunisie :

❖ Avant l’indépendance

La Naissance du métier a été marquée en Tunisie précoloniale par l’apparition, non pas d’un infirmier, mais d’un « intermédiaire » entre le médecin étranger et son malade. Il s’acquittait du rôle d’interprète et guidait le médecin à travers les ruelles des villes et villages. Pour seule science, il devait connaitre tant bien que mal la langue du médecin qui l’employait.

Les premières « soignantes » firent leur apparition, sous la colonisation, à la fin du 19ème siècle, C’était les sœurs relevant des congrégations religieuses, et elles n’avaient aucune formation en soins infirmiers.

Au début du 20ème siècle, les premières écoles d’auxiliaires médicaux virent le jour. Le Docteur Brunswick - Le - Bihan, médecin directeur de l’hôpital Sadiki, a créé un corps « d’auxiliaires médicaux » désignés sous le nom d’élèves stagiaires de l’hôpital Sadiki. Ils avaient une formation, essentiellement, pratique, prodiguée par les médecins, dans le but de former un personnel soignant qui puisse suppléer au manque de médecins dans le pays.

Cette première expérience a été suivie par celles de l’hôpital civil français en 1910, puis celle de Tunis, en 1942, qui vit l’instauration des premiers cours théoriques. Et où les études étaient sanctionnées par un brevet de capacité professionnelle. Plus tard, il y a eu la création des écoles de Sousse et de Sfax (1950).

❖ Après l’indépendance

a) Au début l’Etat, s’est trouvé dans l’obligation de combler le vide laissé par le départ des équipes étrangères, et former en une année des aides-soignantes, où seul le niveau de certificat d’étude était exigé. Puis cette formation a été ramenée à deux ans au lieu d’une année.

b) Au cours de cette période (1956 - 1960), on a commencé à voir les premières spécialisations dans le métier, avec la création des sections d’infirmière en obstétrique, infirmière anesthésiste, assistante sociale, préparateur en laboratoire et en pharmacie.

c) A partir de 1967, on commençait à former des profils professionnels inhérents à l’hygiène et à la prévention. Par la suite, d’autres spécialisations sont nées, comme la pédiatrie, la réanimation, le bloc opératoire, la psychiatrie...

d) Le personnel spécialisé est, désormais, formé en trois ans, mais le certificat du baccalauréat n’était pas requis pour intégrer ces écoles de santé.

e) Une réforme a été entamée en 1981 pour instaurer la formation de “l’infirmier polyvalent” capable de travailler aussi bien dans les structures hospitalières qu’extra hospitalières, suivie d’une deuxième réforme en 1991, à la lumière de laquelle le niveau de recrutement des futurs élèves infirmiers est passé de la 5ème année secondaire, à la 7ème année et la prolongation de la durée des études à 3 ans.

2.3.2- La formation infirmière en Tunisie

Le passage de la formation professionnelle aux études universitaires en Tunisie

L’universitarisation du cursus de formation infirmière est venue pour couronner cette évolution de la formation pour ce métier, en lui consacrant une dimension académique. On ne parle plus d’école professionnelle d’infirmiers, mais plutôt d’instituts supérieurs de sciences infirmières, ni d’élève infirmier mais d’étudiant. Parallèlement, le métier et les tâches de l’infirmière vont évoluer en reconnaissance de ses compétences spécifiques élargies.

Jeanguiot (2006), souligne, que la formation en soins infirmiers s'est universitarisée. Cette formation universitaire, s’est focalisée sur l'acquisition de nombreuses compétences infirmières, afin que l’étudiant en sciences infirmières puisse « évoluer vers une profession issue des sciences humaines, basée sur l’approche relationnelle, éducative, sociale. Ou pourra-t-elle concilier les deux en se situant à « la jonction du relationnel et de la technique. L’infirmière se trouve investie de rôles multiples liés à sa fonction pivot de l’équipe : médiatrice, coordinatrice, organisatrice ; infirmière compétente et polyvalente mais aussi infirmière dotée d’expertise clinique infirmière voire proche des domaines techniques suivant le modèle médical ». (Jeanguiot, 2006, p. 80). Cette universitarisation a été entamée en Tunisie, en 2009. Les écoles professionnelles d’infirmiers ont évolué en instituts supérieurs des sciences infirmières. La formation des infirmières est devenue universitaire, sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et celui de la santé. Cette mutation a donné naissance à des réformes, portant sur les compétences techniques et relationnelles et sur les activités assignées à l’infirmière, mais aussi un intérêt particulier alloué à la recherche dans la formation qui était jusque-là, exclusivement technique.

Force est de constater que cette évolution dans la profession infirmière, et dans la formation, a contribué à l’émergence de plusieurs profils d’infirmières, particulièrement, en Tunisie et qui ont des rôles et des tâches, différents, et surtout très mal définis, mais évoluant tout de même, sous le toit d’un même statut, avec ce que ça peut générer comme tensions et frictions entre ces différents intervenants.

2.3.3- Conflit intergénérationnel

Cette formation, avec le nouveau référentiel de 2009, semble avoir créé un problème entre les « anciens », et les « nouveaux » infirmiers, en Tunisie. Une différence au niveau de la formation, au niveau du diplôme ; (professionnel, vs universitaire ou Licence », On ne parle plus d’élève mais plutôt d’étudiant en sciences infirmières. Ce n’est plus l’école professionnelle des infirmiers, mais plutôt « l’institut supérieur des sciences infirmières » …

A ce titre une infirmière travaillant en France, précise son point de vue sur la question en disant : «Ce sont des préjugés qu’il nous faut lever, notamment à l’occasion d’une prise de fonction dans un service, pour affirmer nos compétences et notre investissement sur le terrain, aux mêmes titres que les «anciennes» infirmières.».(Hamdouni & Billat, 2017). Cette infirmière ajoute, que ce conflit intergénérationnel, marqué, par un problème d’appartenance à un groupe social, à un corps de métier, et à plusieurs cultures, ne doit en aucun cas réduire le sens même de la pratique infirmière, ni son identité professionnelle, et ce, dans un esprit de partage de valeurs de coopération, et cohésion. Avec l’affirmation de ses capacités réflexives, et

relationnelles dans le « prendre soin » du patient » : « nous sommes des infirmiers qui ne « pansent » pas uniquement, mais qui pensent avant tout… ». (Hamdouni & Billat, 2017).

2.3.4- L’identité professionnelle chez l’infirmier

L'identité est un terme du langage courant, la définition du petit Larousse : « rapport que présentent entre eux deux ou plusieurs êtres ou choses qui ont une similitude parfaite. » D'un point de vue psychologique : « l’identité sociale sentiment ressenti par un individu d'appartenir à tel groupe social et qui le porte à adopter certains comportements spécifiques. »

Selon Dubar, l’identité se construit, autour de trois dimensions : le moi, le nous et les autres. Elle est le produit de l’interaction de ces trois élements, selon un processus triangulaire dynamique. (Dubar, 2000). Il convient de noter qu’un individu, ne peut construire et renforcer son identité au niveau social, qu’à travers « l’autre » ; (la famille, l’environnement, la profession, le contexte social, culturel…). Or cet « autre », n’est pas isolé, de ce qu’il pense, et comment il se représente les choses, à partir, justement, de son cadre de référence (histoire personnelle, normes sociales, aspects culturels…), ils’agit en effet, des représentations sociales. L’identité professionnelle, elle aussi, est fortement liée aux représentations sociales des uns et des autres, dans un domaine professionnel donné. (Et ce, à travers les expériences, les formations, les rencontres. Et comme disaient : Fray, et Picouleau : « L’identité professionnelle serait dans ce cas le sentiment d’appartenance à une profession issue d’une socialisation et dont le résultat est la conformité aux normes collectives. Cette dernière se caractérisant par l’usage de pratiques, de vocabulaire ou de gestes communs. (Fray, et Picouleau, 2010, p.76). Du point de vue de la psychodynamique du travail, (PDT), l’identité est « l’armature de la santé au travail ». Dejours, considère, en effet, l’identité comme le noyau central de la santé mentale. «La reconnaissance au travail est le pivot de la construction de l’identité et de la conquête de la santé mentale au travail. La dynamique de la reconnaissance attribue au travail son rôle privilégié dans le développement de la santé mentale.». (Dejours, 1993, 1995).

Dans le contexte de soins, et plus particulièrement, celui des infirmiers, ces derniers, partagent, donc, un même langage, une même tenue, «la blouse blanche », inspirée des vêtements des sœurs, constituant ainsi, une des facettes de cette identité professionnelle infirmière. Une image qui renseigne sur la culture du soin, et les valeurs à laquelle, elles s’associent. Et d’un autre côté, cette image, indique aux usagers de soins, le rôle attendu de ces professionnels ; (connaissances, capacités, éthique, valeurs déontologiques, professionnalisme …). (Andriolo, 2012, p.7).

Cette identité professionnelle, ne peut donc être pensée ou étudiée sans la lier à un ou plutôt à des contextes, dans lesquels, les professionnels travaillent. Rappelons dans notre cas, que l’identité des infirmiers, est « le produit », de ce qu’ils vivent dans un contexte large, à savoir la société, comme elle est influencée par un contexte plus restreint qui est celui de l’hôpital, et elle est aussi marquée par un contexte plus spécifique qui est le service de soins, et plus particulièrement le service d’urgence dans notre cas. A ce propos, et selon une analyse de la littérature, Cohen-Scali & Moliner, expliquent l’interdépendance, entre les représentations sociales, et l’identité. Cette articulation, constitue selon eux, le socle des processus du changement, à la fois individuel et collectif des individus. Cette idée, exprime la nécessité de s’adapter à de nouvelles situations, et où les individus et les groupes, doivent prendre en considération, les différents niveaux des contextes, dans lesquels ils se situent. « Pour

s’adapter, à de nouvelles situations, les individus et les groupes doivent prendre en compte les différents contextes avec lesquels ils se trouvent en relation : des macrocontextes que sont les environnements sociaux, au micro contextes que sont les groupes d’appartenance, en passant par les méso-contextes que sont les rapports entre les groupes sociaux (Cohen-Scali & Moliner, 2008). Ce point de vue, nous semble pertinent, dans la mesure où il est transposable dans notre étude à deux niveaux, d’abord, l’association des représentations sociales et de l’identité. Et nous allons vérifier ce postulat à travers les résultats de notre étude, et à un autre niveau, l’appréhension, systémique, selon le modèle écologique du développement humain, de Bronfenbrenner (1979), ce modèle qui nous a inspiré, dans notre recherche comme cadre général de référence.

2.3.5- L’interdisciplinarité

La pluridisciplinarité dans un domaine donné, obéit, quelque part, à la théorie de « Taylorisation ». Dans la mesure où plusieurs compétences mettent leurs contributions bout à bout, pour parachever le travail. Mais cette approche risque de minimiser le rôle de l’infirmier dans le processus de soin. Ce, à quoi répond Fourrez (2001) par, « le travail interdisciplinaire est tout sauf le rejet du travail disciplinaire. Ce qui caractérise l’approche interdisciplinaire, c’est au contraire, l’utilisation méthodique des apports de diverses disciplines en vue de conceptualiser des situations singulières. ». (Fourrez, 2001, p.3, cité dans cadre de la santé).

Cette interdisciplinarité valorise le travail en équipe soignante, dans la mesure où toutes les compétences s’ajoutent entre elles pour que le soin s’adresse à un être humain, à une personne souffrante, plutôt qu’à un organe ou une pathologie.

Autant cette interdisciplinarité est bénéfique pour les équipes de soins, autant la Transdisciplinarité, pourrait créer des oppositions entre les différents soignants, en termes de priorités de gestes, ou de résultats escomptés. La transdisciplinarité qui aboutit à une sorte de coopération, comme définie par la PDT, qui demeure difficile à obtenir. Car il y a, certes, une volonté de coordination institutionnelle, mais qui n’est pas forcément accompagnée d’une volonté de travailler ensemble, surtout quand il y a un écart entre l’objectif attendu par les uns, et celui recherché par les autres, concernant, par exemple le fait d’hospitaliser ou de traiter en externe un patient… Les priorités des objectifs diffèrent, en effet, d’un corps de métier à un autre. (Coupeau, 2014).

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