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2 CHAPITRE I : Vers une maîtrise des risques industriels axée sur la formation

2.1 Dangers, risques et maîtrise des risques

2.1.2 Typologie des risques industriels

2.1.2.4 Les risques de crises

La notion de crise est tous les jours manipulée par les médias mais il convient de se méfier de son utilisation impropre. C’est avant tout une notion polysémique qui peut être suivant les cultures porteuses d’éléments positifs9 ou négatifs. Cette notion ne peut cependant pas être séparée de la notion de dynamique (Jacques et Gatot, 1997).

Lagadec (1991, pp. 57-58) considère la crise comme le passage d’un état stable à un état instable par le biais d’un événement déclencheur. Pour l’auteur la crise représente un « triple

9 Pour la culture chinoise, le terme crise () est composé de deux idéogrammes (wei, qui veut dire danger)

défi ». Selon lui, elle est une situation d’urgence qui déborde les capacités (i.e., phase de

déferlement), une menace de désagrégation du système (i.e., phase de dérèglement) et une menace de désintégration de l’univers de référence (i.e., phase de rupture). Selon Lassagne (2005), les crises sont abordées par différents auteurs (Roux-Duffort, 2000 ; Godard, Henry, Lagadec, Michel-Kerjan, 2002 ; Fimbel, 2003) selon une approche processuelle ou événementielle, c’est-à-dire par une distinction de l’événement déclencheur, « pour

l’approche événementielle, l’événement déclencheur est vu comme un catalyseur, alors que l’approche processuelle le traite comme le révélateur de dysfonctionnements préexistants. A partir de là, l’approche événementielle se contente de traiter les symptômes de la crise, alors que l’approche processuelle s’intéresse à ses causes sous-jacentes, l’événement ne constituant finalement que la partie émergée de la crise. » Lassagne (2005, p. 101).

Pour les risques de dommages, il s’agit bien de risques identifiables, ce qui devient beaucoup moins évident dans ce cas. Ainsi, pour les risques de crises il n’est pas possible d’identifier toujours clairement notre événement redouté, c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles il est possible de basculer dans la crise si une phase d’anticipation n’a pas été réalisée.

Selon Wybo (2004b, p. 24) les risques de crises peuvent émerger lorsque « des incidents

d’origine externe ou interne affectent la situation, les personnes réagissent en premier lieu en identifiant la nouvelle situation et en appliquant des procédures ou des plans, s’il en existe. Si la situation sort de ce cadre, soit parce qu’il n’y a pas de procédure adaptée (l’incident n’a pas été envisagé et n’est jamais arrivé auparavant), soit parce que les défenses prévues n’ont pas fonctionné, alors l’organisation entre en crise. Elle s’oriente vers une gestion fondée sur l’expérience et l’innovation, dans laquelle les différents acteurs vont faire de leur mieux pour ramener le système dans un état connu et stable, tout en limitant les dommages et l’extension de l’accident. ». Wybo (2004b), illustre ici le glissement entre ce qui est prévu et ce qui va

« sortir du cadre » pour amener à la crise.

Il n’existe pas de définition commune de ce qu’est une crise. Roux-Dufort (2003) présente à partir d’entretiens personnels avec des entreprises et issus de la littérature du domaine un certain nombre de définitions présentées dans le tableau 1.

Tableau 1 : Définitions de la crise (Adapté de Roux-Dufort, 2003, p. 16-17)

Définition de la crise d’après l’entreprise Définition de la crise d’après les auteurs

ƒ Tout événement non prévu.

ƒ Evénement ayant un impact technique

négatif, un impact sur l’image ou sur les employés.

ƒ Evénements imprévus ayant des

conséquences négatives ou positives sur les biens de l’entreprise.

ƒ Evénement non contrôlé.

ƒ Interruption extrême des affaires, pertes financières importantes, perte de confiance du public.

ƒ Couverture médiatique d’un événement. Ce sont les médias qui créent la crise.

ƒ Evénement ayant des conséquences

sévères sur les employés, le public, l’environnement, la survie de l’entreprise.

ƒ Menace ou événement entraînant le chaos ou la souffrance.

ƒ Situation anormale ayant pour

conséquence une interruption du service aux clients ou une menace pour la vie des individus.

ƒ On se trouve dans une situation de crise dans la mesure où un événement se produit qui n’est pas enregistré dans le catalogue des choses qui peuvent arriver.

ƒ C’est le dérèglement des comportements de l’entreprise.

ƒ C’est une rupture d’un système organisé.

ƒ Un événement surprenant les individus et restreignant leur temps de réponse, et menaçant leurs objectifs prioritaires (Hermann, 1963).

ƒ Une situation ambiguë où les causes et les effets sont inconnus (Dutton, 1986).

ƒ Une crise est une accumulation

d’événements probables au niveau d’une partie ou de l’organisation dans son ensemble, qui peut interrompre les opérations présentes ou futures de l’entreprise en affectant les individus et les communautés au niveau physique, psychologique et/ou existentiel (Pauchant, 1988).

ƒ Un événement à faible probabilité et à fort impact (Shrivastava, Mitroff, Miller et Migliani, 1988).

ƒ Une situation qui présente un dilemme et la nécessité d’un jugement et d’une décision qui déboucheront sur un changement pour le meilleur ou pour le pire (Slaikeu, 1990).

ƒ Une crise est un processus de

transformation induit par une rupture majeure qui force à la restructuration des systèmes sociaux, humains, technologiques et naturels (Shrivastava, 1993)

ƒ Une crise est une situation qui provoque ou peut provoquer des dommages importants (matériels et immatériels) et où de multiples acteurs sont impliqués (Forgues, 1996).

L’approche de la notion de crise va plutôt s’orienter en fonction de facteurs qui peuvent la caractériser. Lagadec (1991, p. 29) présente dix facteurs structurant des crises :

• L’ampleur des conséquences de la défaillance. • La déstabilisation.

• L’urgence.

• L’inadéquation des procédures prescrites.

• La plongée dans l’inconnu et le manque d’informations. • La difficulté à gérer la temporalité.

• La multiplication des intervenants. • Les problèmes de communication. • L’importance des enjeux.

• Les différences de perception des acteurs.

Ainsi, plutôt que de donner une définition de la crise, nous préférons nous référer à la synthèse des critères définis par Wybo (2004b). Selon l’auteur, le qualificatif de « risques de crises » peut être attribué lorsque les situations dangereuses ont le potentiel de déborder l’organisation. Il définit le débordement d’une organisation comme la combinaison de plusieurs facteurs :

• Surprise, vitesse de développement.

• Extension sur le terrain et en nombre d’intervenants.

• Incertitude et dissonances10 entre intervenants, avec le public et avec les médias.

• Manque de flexibilité dans les processus de prise de décision. • Manque de ressources disponibles et d’options de réponse. • Perte des moyens de communication.

• Cascades d’événements et effets « domino ».

Nous verrons comment nous chercherons à maîtriser ces risques de crises mais il est déjà possible d’entrevoir le fait que par rapport à nos risques de dommages, une part peut être liée à « l’émergence » de comportements appropriés lors de la crise, ce qui, a priori, semble difficile à définir.