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4 CHAPITRE III : La formation « Culture de Sécurité » : Concevoir, mettre en place et

4.1 Vers une formation « Culture de Sécurité »

4.1.1 Recherche Action

Notre approche se situe dans le paradigme de «Recherche Action » initié par Kurt Lewin dans les années 40. Le concept de la «Recherche Action» peut se représenter comme une juxtaposition d’action et de recherche. Ainsi, on peut considérer la « Recherche Action » comme un glissement de la théorie vers la pratique. Selon Cherns, Clark et Jenkins (1973) la démarche proposée par Kurt Lewin (1947) constitue une véritable impulsion dans la recherche scientifique, principalement en se proposant comme une étude expérimentale hors laboratoire et portant sur les phénomènes sociaux avec une finalité dirigée vers la conduite et la dynamique de groupe. Cette recherche se définit comme une pratique d’intervention qui porte sur les différentes formes de l’action sociale pour établir une comparaison sur leurs conditions et leurs effets, et qui mène à l’action sociale (Lewin, 1947).

Lewin (1947) propose une vision « situationnelle » de l’intervention. Dans sa « théorie du

champ» l’auteur estime que les comportements humains sont fonction des individus mais

également de leur environnement. La théorie de Lewin (1947) se réfère à une analyse globale de la situation prenant en compte les faits et leurs relations à l’origine des événements. Les actions sociales se rapportent à la compréhension des comportements humains caractérisés par les dimensions internes des individus et l’influence de l’environnement.

Selon Barbier (1996) la « Recherche Action » renvoie à une intention délibérée de transformer la réalité et de produire des connaissances concernant cette transformation. La recherche et l’action se trouvent alors liées.

Pour Lewin (1947), la « Recherche Action » cherche à appréhender les perceptions qu’ont les groupes et les individus de la réalité en analysant les attitudes, normes et valeurs déterminantes du comportement humain. Selon David (2000), elle renvoie à une compréhension progressive des lois qui régissent « la perception sociale ». L’analyse des faits sociaux effectuée par Lewin prend en compte le système dans sa totalité ainsi que la complexité qui le caractérise.

Selon Koenig (1993), un des traits de l’originalité de cette méthode vient du fait qu’elle exige une coopération entre acteurs et chercheurs. Cette coopération ne sera réalisable que si une rencontre est possible entre le chercheur et le praticien. La « Recherche Action » doit pouvoir développer des connaissances pour l’action en apportant des solutions aux problèmes du praticien et en même temps apporter à la science des connaissances fondamentales (Liu, 1997).

Lewin (1947) apporte une attention toute particulière au changement en ayant recourt à l’expérimentation. Il propose un processus de changement qui suit un modèle planifié, composé de trois phases : « unfreeze-change-refreeze ». Ce modèle établi en coopération entre chercheurs et acteurs est une approche que l’on peut qualifier de démocratique et qui considère que le groupe est une source d’identification des forces positives et restrictives. Ces dernières constituant les résistances au changement. Lewin (1947) au travers de la « Recherche Action » cherche à connaître les acteurs pilotes du changement et ceux résistants. Selon lui, une fois les forces opposées identifiées, il convient d’agir sur elles afin de pouvoir mettre en œuvre le changement.

Ce processus de la « Recherche Action » peut être identifié par une série d’étapes (French, 1969) :

• Identification du problème : Cette étape est généralement initiée par une requête émanant d’un acteur d’une organisation sollicitant un chercheur pour une aide au

changement. C’est à ce niveau que se posent les bases de la collaboration, le chercheur devant accorder son cadre théorique avec les acteurs demandeurs et participants de la recherche. Il convient d’identifier les objectifs et postulats réciproques ainsi que de caractériser conjointement le problème.

• Collecte des données : Au cours de cette étape, le chercheur va collecter des informations par l’intermédiaire d’entretiens, d’observations et de questionnaires.

• Feedback : Après avoir effectuer une analyse des données collectées, le chercheur va effectuer un retour aux acteurs et aux demandeurs de cette recherche afin de leur présenter leurs forces et leurs faiblesses.

• Diagnostic : Cette étape est une analyse permettant d’identifier les problèmes organisationnels et de définir des actions correctives.

• Action : Il s’agit pour cette étape de définir un plan d’action et de le mettre en place in situ.

• Evaluation : Cette phase permet après la mise en œuvre de relancer le processus de « Recherche Action » afin de collecter les données concernant la situation et les conséquences des actions établies. Cela débouchera sur une nouvelle analyse de la situation.

En conclusion, la « Recherche Action » Lewinienne cherche à comprendre les déterminants des groupes et des individus en prenant en compte la situation afin d’agir sur une problématique sociale. Basée sur l’expérimentation d’actions de changement, elle va rechercher des solutions aux problèmes qu’elle aura définis avec les acteurs de l’organisation qu’elle étudie.

Selon Moingeon, Edmondson et Ramanantsoa (1997), de plus en plus d’acteurs industriels sollicitent des chercheurs afin d’utiliser leurs expertises au profit de leurs entreprises. On observe, une interaction entre praticiens et chercheurs « constitutive d’une ingénierie

gestionnaire fondée, qui incarne le projet général que l’on peut attribuer aux sciences de gestion » (David, 2000, p. 198).

Selon David (2000), qui définit les sciences de gestion comme « des sciences de l’action », on observe une disparition entre le champ théorique et pratique liée au fait que le chercheur s’applique à créer des connaissances pratiques utiles pour l’action mais également des connaissances théoriques plus générales.

Pour David (2000), la « Recherche Action » ainsi que d’autres pratiques de recherches en sciences de gestion peuvent être intégrées dans une méthode plus globale appelée « Recherche Intervention » (Moisdon, 1991; Hatchuel, 1993 ; David, 2000 ; Savall et Zardet, 2004). Selon l’auteur, le point fédérateur de ces démarches est l’interaction entre chercheurs et praticiens. Selon David (2000, p. 210), « la Recherche Intervention consiste à aider, sur le terrain, à

concevoir et à mettre en place des modèles, outils et procédures de gestion adéquats, à partir d’un projet de transformation plus ou moins complètement défini, avec comme objectif de produire à la fois des connaissances utiles pour l’action et des théories de différents niveaux de généralité en sciences de gestion ». Ainsi, selon David (2000), la « Recherche

Intervention » cherche à aider les praticiens par la mise en place d’un projet de changement tout en ayant pour objectif la production de connaissances théoriques et utiles pour l’action.

Cependant, nous ne nous situons pas intégralement dans le paradigme de la « Recherche Intervention » mais bien dans celui de la « Recherche Action ». En effet, nous verrons que notre objectif n’est pas uniquement le changement de l’organisation au travers de la mise en place d’une formation. Notre objectif se situe dans l’évaluation de notre dispositif de formation. Nous souhaitons au travers de l’expérimentation tester différentes conditions afin de trouver la plus appropriée pour répondre à nos objectifs. Ainsi, si les solutions produites par une « Recherche Intervention » ne sont pas définies a priori, « c’est la consultation qui

permet d’obtenir et de découvrir des résultats sous forme de connaissances nouvelles, élaborées au cours d’un processus rigoureux d’intention scientifique » (Savall et Zardet,

2004, p. 359). Dans le cadre de la « Recherche Action » il est possible de définir a priori une problématique précise ainsi que des hypothèses qui pourront être affirmées ou infirmées par une étape expérimentale (Lewin, 1947).

Notre démarche de « Recherche Action » s’intéressant à la « culture de sécurité », il est donc indispensable de définir plus précisément ce concept.