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Revitalisation et résurgence du droit au développement Pour une notion

§II Les buts de recherche

99. Revitalisation et résurgence du droit au développement Pour une notion

prétendument en déclin, le droit au développement fait ainsi preuve d’une belle vitalité et de nouvelles perspectives se dessinent. Pour la première fois en trente ans, l'Assemblée générale a demandé en 2012 que le Groupe de travail sur le droit au développement oriente ses travaux vers un instrument obligatoire377. Elle souhaite aboutir, sous l’impulsion du MNA et du G77, à une convention internationale, sinon à des principes directeurs378. En sortant le droit au développement du stade déclaratoire, l’Assemblée a pris le risque de faire voler en éclats le consensus qui s’est formé sur la question dans les années 1990, en témoignent les dissensions récentes qui se sont fait jour au sein de la Troisième Commission379.

Le droit au développement resurgit avec une force étonnante pour une norme jugée faible et fatiguée. L’ancienne Haut-Commissaire aux droits de l’homme a d’emblée prévenu les intéressés : parler de droit au développement, c’est prendre le risque de la polémique380.

100. Lignes de force de ce travail. Elles peuvent se résumer à quatre orientations

cardinales : le constat de l’instabilité de l’objet « développement », la volonté d’une appréhension globale de la norme subjective, la prise en compte de la métamorphose de cette prérogative et de son contexte, et la nécessité d’un recul idéologique.

Le développement n’a pas de définition aboutie dans le monde du droit. La thèse est de considérer que seule en est valable une définition située, par rapport aux personnes, ses acteurs et bénéficiaires. C’est un processus en construction permanente, en fonction de la situation de ses ayants droits et des obligations assumées par les autorités. Le contenu du développement (et donc du droit au) évolue selon des critères liés à la nature et à la situation des titulaires dans leur environnement juridique.

De quoi le développement est-il le nom ? Fugacement, chacun en perçoit le sens. Il représente l’espoir du mieux-vivre, autrefois assimilé au progrès général, et qui devient de plus en plus la réalisation du potentiel des personnes humaines, aussi bien comme individus que comme membres d’une communauté, locale ou nationale. C’est une dynamique, et non un état, ce qui le rend complexe. Ceci dit, on peut encore s’interroger sur la « substantifique

moelle », pour reprendre RABELAIS, du développement qui est poursuivi par le droit au

développement.

377 AGNU, Le droit au développement, A/RES/67/171, 20 déc. 2012. 378 AGNU, Le droit au développement, A/RES/69/181, 18 déc. 2014.

379 ONU, « La Troisième Commission divisée sur les droits économiques pour la première fois », communiqué

de presse, AG/SHC/4125, 24 nov. 2014 ; ONU, « Troisième Commission : le droit au développement et sa délicate mise en œuvre au cœur du débat sur les droits de l’homme », AG/SHC/4206, communiqué de presse, 17 oct. 2017.

380 PILLAY, N., « Foreword », in HCDH, Realizing the Right to Development – Essays in Commemoration of 25

L’objet de cette thèse n’est pas de poser une définition globale du développement. Il porte sur l’effectivité d’un droit personnel qui, dans des situations concrètes, génère des significations opérationnelles du développement. Le plus souvent, ce qu’est le développement n’est pas circonscrit, ni même approché, par les textes qui l’intègrent dans le droit positif. Tout au plus définit-on des concepts du développement, tel le développement durable.

Car c’est un processus polymorphe que le développement, mais animé dans ses différentes facettes par la même finalité humaine : un progrès éthique, personnalisé, moralisé. Seule la Déclaration sur le droit au développement de 1986 en a énoncé une définition – c’est l’un de ses grands mérites. Il s’agit d’un « processus global, économique, social, culturel et

politique, qui vise à améliorer sans cesse le bien-être de l'ensemble de la population et de tous les individus, sur la base de leur participation active, libre et significative au

développement et au partage équitable des bienfaits qui en découlent »381. Cette définition est

fonctionnelle et est une base de travail.

Hormis la Déclaration de 1986, l’étude des textes montre que le droit au développement a été formulé comme un principe dynamique, en faveur des personnes humaines, mais dont la substance est mal identifiée. Cela est l’objet de critiques, notamment sur la confusion longtemps entretenue entre le progrès et le développement. Elle est à l’origine de la « crise du développement », taxé de mythe occidental par ses détracteurs. Malgré cela, le développement n’a cessé d’occuper le droit. Le rapport introductif au Colloque de la SFDI en 2014 l’a rappelé, le développement est le fantôme du droit international : il le hante, et jamais on ne parvient à le saisir pleinement382.

Ce n’est qu’avec l’avènement du développement durable, humain, qu’une définition du « bon » développement se précise. C’est ainsi que se distingue un droit naturel au développement, et un droit positif au développement durable, distinction abordée plus loin dans cette thèse383. Ce ne sont pas des droits différents dans leur essence, mais bien l’affinement d’une même norme par la détermination accrue de son objet. Le principe dynamique se construit un contenu, lequel permet son maniement par les sujets de droit. C’est le droit au développement, en se renforçant, qui précise une définition du développement centrée sur l’humain.

Toutes les manifestations du droit au développement se retrouvent dans une norme simple. L’approche retenue conçoit le droit au développement dans sa globalité, c’est-à-dire une prérogative attachée à une personne pour faire valoir ses intérêts à l’accroissement de ses 381 AGNU, Déclaration sur le droit au développement, préc. note 3, préambule, al. 2.

382 DOUMBÉ-BILLÉ, S., « Rapport introductif » in SFDI, Droit international et développement, préc. note 4, p. 10. 383 Cf. chap. IV, sect. 2.

capacités. Peu importe l’intitulé formel de l’instrument (objectif de développement, programme, obligation de coopération, etc.), tant qu’il permet un usage subjectif de la norme. C’est « the right », et non « the law », qui est poursuivi.

Ce droit subjectif est recherché au sein des branches du droit international économique, des droits de l’homme, de l’environnement, des espaces, etc. Un tel panorama est nécessaire pour établir l’universalité et la fondamentalité de ce droit dont la contestation est récurrente. Car le droit au développement s’est émancipé du droit international du développement, et il ne se limite plus à en être l’accessoire : il a sa trajectoire propre.

Le droit au développement reparaît en effet sur la scène internationale. Disparu dans sa rhétorique « révolutionnaire » des années 1970, il réapparaît comme un droit intégré, souvent effectif : il se « normalise ». « Passé à la trappe », le voilà qui revient avec des habits neufs, qui sont peut-être ceux d’Arlequin, mais qui lui donnent une tournure bien juridique. Ce phénomène est une résurgence. Le terme est sans doute plus littéraire que juridique : il semble néanmoins adéquat. La même idée resurgit en des lieux différents ; ses attributs peuvent varier, mais il demeure une unité d’origine et de but. Cette résurgence appelle des comparaisons et des retours d’analyse, entre le droit au développement « originel » et le droit au développement « actuel ». De plus, quant à son effectivité, la résurgence d’une idée peut être multiple, mais elle n’aura pas la même force partout.

Sur un sujet politiquement connoté, il faut tenter une approche sinon objective, du moins espérant exprimer une subjectivité de bonne foi et une rigoureuse honnêteté intellectuelle. Une étude réaliste commande de s’éloigner des approches partisanes du droit international, du moins tant que celles-ci n’ont qu’une fonction tribunicienne ou critique. Le droit au développement s’inscrit dans une interprétation communément admissible du droit international, tel qu’il est, et son exercice est possible sans modifier le droit existant.

Prenant le parti de la neutralité vis-à-vis des écoles qui assignent une certaine orientation au droit international, une certaine distance est maintenue vis-à-vis des approches tiers-mondistes, de l’analyse féministe, ou encore du « droit de la reconnaissance ». Cette recherche ne s’interdit cependant pas de les consulter et de s’en inspirer, tout en se maintenant dans une philosophie du juste milieu, celle de l’effectivité.

La recherche du juste milieu motive un certain éclectisme méthodologique. Aucune école théorique – jusnaturalisme, volontarisme, objectivisme – n’expliquant à elle seule la formation des normes en droit international, il convient d’en adopter une vision relative. Il faut procéder à un métissage des méthodes en fonction de l’objet étudié et de son contexte.

101. Ainsi averti, l’analyse se poursuit dans une première partie consacrée à l’intégration

du principe de droit au développement dans l’ordre positif, corollaire d’une véritable normativité, et dans une seconde partie traitant de son affermissement comme droit subjectif, résultat d’une juridicisation grandissante.

PARTIE 1 : UNE INTÉGRATION PROGRESSIVE DANS

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