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L'assimilation du droit au développement par les droits de l'homme et des peuples 219 Le droit au développement est la réponse adéquate à cette dichotomie droits de

– Conclusion de section –

Section 2 : Du rattachement du droit au développement aux catégories existantes de normes

1) L'assimilation du droit au développement par les droits de l'homme et des peuples 219 Le droit au développement est la réponse adéquate à cette dichotomie droits de

l’homme / droits des peuples, devenue largement artificielle. Il permet l'adaptation de la théorie classique des droits fondamentaux à un environnement international élargi, où se jouent des interactions directes – et désormais courantes – impliquant à divers degrés les personnes publiques et les personnes privées en tant qu'acteurs internationaux, transnationaux et internes (a).

Associer la personne publique à la réalisation des droits de l'homme n'est guère nouveau : la triple obligation qui pèse sur les États parties aux deux Pactes sur les droits de

l'homme (respecter, protéger, promouvoir)762 dépasse d'ailleurs de loin la seule abstention, et

suppose une implication active de la personne publique (en ses divers démembrements) dans le développement des droits de l'homme et leur application. Il y a dès lors une convergence d'intérêts des différents titulaires de droits dans le processus de développement, que la notion de droit au développement souligne explicitement (b).

a) Non-exclusivité de la titularité formelle du droit au développement et imprécision générale des droits subjectifs à ce sujet

220. Délégation à l’État de prérogatives pour satisfaire les droits des populations. Il

s'agit, non pas de créer de « faux droits de l'homme »763 exercés par des collectivités oppressant les individus, mais de constater que droits de l’État et droits de l'homme peuvent se rejoindre, notamment lorsque les besoins fondamentaux d'une population sont en jeu. 762 Triptyque d'obligations rappelé par le Comité des droits de l'homme (Observation générale n°3, article 2 –

Mise en œuvre du Pacte au niveau national, UN Doc. HRI/GEN/1/Rev.1(1994), 1981) et le Comité des droits

économiques, sociaux et culturels (Observation générale n°3, article 2 §1 – La nature des obligations des États

parties, 1990, E/1991/23).

763 A cet égard, le Professeur RIVERO, a établi un modèle de défense classique de la « pureté catégorielle » des

droits de l'homme face à une prolifération et une extension jugée au final nuisibles au concept (« Déclarations parallèles et nouveaux droits de l'homme », RTDH, 1990, n°4, pp. 323-329) ; l'argumentation ne tient plus depuis longtemps concernant le droit à l'environnement ; quant au traitement du droit au développement, caricaturé comme un droit à la fois absolu et contingent, portant sur tout et n'importe quoi (p. 326), il se fonde sur le refus d'un droit incitatif, et de la possibilité d'une obligation de moyen, d'une obligation progressive en somme, au sein des droits de l'homme, en considérant que le caractère opérationnel d'un droit s'étudie à l'aune de ses résultats circonscrits à un individu vu comme l'Homme indifférencié et quelque peu éternel. Cette conception est de nos jours abusivement restrictive et correspond à une utopique société où les relations se joueraient entre des individus atomisés et un État vu comme un bloc de puissance. Des réalités telles que l'effet horizontal des droits (entre personnes privées) ou le renforcement de certains droits collectifs ne peuvent amener qu'à relativiser cette conception désormais partielle. A titre d'exemple, la Constitution suisse (Constitution du 18 avr. 1999) rend fort bien cette nouvelle perception des effets des droits fondamentaux dans son article 35 :

« 1) Les droits fondamentaux doivent être réalisés dans l’ensemble de l’ordre juridique.

2) Quiconque assume une tâche de l’État est tenu de respecter les droits fondamentaux et de contribuer à leur réalisation.

3) Les autorités veillent à ce que les droits fondamentaux, dans la mesure où ils s’y prêtent, soient aussi réalisés dans les relations qui lient les particuliers entre eux. »

Le Professeur DUPUY a par exemple brossé le tableau d'une telle jonction concernant le

droit à l'eau :

« dans la mesure où le droit de l’eau entre États comprend l’obligation (mais aussi le

droit opposable aux autres États) de veiller à la satisfaction des besoins fondamentaux (« basic needs ») de sa population et, notamment, le besoin proprement vital de celle population, que l’on peut aussi considérer comme un « peuple » au sens de la Charte, d’accéder à suffisance à l’eau potable, on peut poser la question de savoir s’il ne s’agit pas là d’un « droit fondamental » de l’État [...]. Un droit d’un tel caractère rencontrerait ainsi son caractère opposable « erga omnes » lorsqu’il est envisagé par référence au « peuple » de l’État considéré. »764

Concernant le développement, il paraît à première vue malaisé de pousser le raisonnement à l'instar de celui de l'auteur, qui avance que ce droit fondamental à l'eau est un « intérêt essentiel » pouvant exonérer l’État de sa responsabilité pour fait illicite s'il devait agir à l'encontre de ses obligations internationales pour satisfaire ce besoin de sa population. Néanmoins, la survie et le développement d'une population étant liés, alors la violation du droit au développement pourrait être associée, en toute hypothèse, aux éléments composant l'état de nécessité énoncés par les Articles sur la responsabilité de l’État pour fait

internationalement illicite765. C'est par ailleurs sur ce type de raisonnement que le Professeur

DUPUY a défendu devant la CIJ, mutatis mutandis, dans l'affaire du Projet de barrage de

Gabcikovo-Nagymaros (Hongrie c. Slovaquie). La Cour en a validé le principe, tout en

considérant que l'état de nécessité n'était pas établi en l'espèce766.

221. Indétermination des titulaires humains de droits (homme et peuples).

Insensiblement, le débat s'oriente alors vers un positionnement du droit au développement en tant que droit des peuples. L’expression retranscrit le caractère collectif, et communément admis, du développement. C’est la relique d'une perception centrée sur le macro-économique qui dominait dans les premières décennies où ce phénomène fut appréhendé par le droit international. Cependant, à nouveau l'accusation d'imprécision surgit : qu'est-ce donc qu'un peuple ?

Déjà, en son temps, le Chevalier DE JAUCOURT commençait prudemment l'article

consacré au « Peuple » dans l'Encyclopédie par ces quelques mots : « nom collectif difficile à

définir, parce qu'on s'en forme des idées différentes dans les divers lieux, dans les divers

764 DUPUY, P.-M., « Le droit à l'eau, un droit international ? », EUI Working Paper Law, 2006/6, p. 9. 765 AGNU, Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, A/RES/56/83, 12 déc. 2001, art. 25. 766 CIJ, Projet Gabcikovo-Nagymaros, préc. note 492, pp. 39-45, §§49-57.

temps, et selon la nature des gouvernements ».767 Il est vrai que dans toutes les proclamations ou conventions concernant les droits des peuples, les négociateurs et rédacteurs se sont bien gardés d'en hasarder une véritable définition. Mais, après tout, le même reproche peut être fait à « l'Homme » des déclarations de droits : il n'y est jamais précisé que celui-ci s'entend uniquement comme une personne physique, ce qui a permis l'extension de l'application de ces dispositions aux personnes morales de droit privé, voire à certaines personnes morales de droit public lorsque celles-ci sont réellement indépendantes de l'autorité étatique768. En somme, il n'y a pas de définition conventionnelle ou déclarative de l'homme, des peuples ni des États, titulaires de droits subjectifs.

Tout au plus des avis d'experts ont-ils circonscrit une approche synthétique, plutôt matérielle – et parfois fluctuante769 –, de l’État770. Pour l'homme, la juridiction régionale la plus « individualiste » (tradition européenne oblige), la Cour EDH, s'est gardée de définir précisément le titulaire des droits garantis par la Convention EDH de 1950771. La juridiction de Strasbourg a fait cette économie, en se contentant d'un tri de recevabilité des requêtes déposées devant elle selon l'article 34 de la Convention : cette recevabilité des requêtes n’exclut de son prétoire que les organisations gouvernementales772. Quant aux peuples, si leurs droits ont parfois pu être considérés comme faisant partie des normes impératives du droit international773, la nature des réalités placées sous ce vocable est très variée : principe des

nationalités, dans un sens originel, conception française ancrée dans le XIXe siècle ; mais

aussi peuples coloniaux selon la résolution 1514 (XV) de l'AGNU774 ; communautés 767 JAUCOURT (DE), L., « Peuple (gouvern. politiq.) », in DIDEROT, D. & ALEMBERT (D'), J., Encyclopédie, Paris, Le

Breton, 1751-1772, 1ère éd., vol. XII, p. 476.

768 Cour EDH, Les saints monastères c. Grèce, arrêt, 9 déc. 1994, reqs. nn°13092/87 & 13984/88, série A n°301-

A, §§48-49 : c'est typiquement le cas de la République monastique du Mont Athos, en Grèce, complètement autonome depuis l'empire byzantin et dont une certaine proportion de monastères, par ailleurs, représente les nationalités autres que grecque du monde orthodoxe (russe, serbe, etc.).

769 FORTEAU, M., « L'État selon le droit international : une figure à géométrie variable ? », RGDIP, 2007, n°4, pp.

737-770.

770 Commission d'arbitrage de la conférence pour la paix en Yougoslavie, Avis n°1, 29 nov. 1991 ; la question de

la complétude de cette définition se pose, non pas du point de vue de la reconnaissance de l’État par ses pairs, qui reste une déclaration discrétionnaire et politique, mais au regard de la licéité des actes commis pour former ladite personne publique ; la question a été abordée récemment concernant l'organisation terroriste au Levant et en Irak, v. CHAUMETTE, A.-L., « Daech, un « État » islamique ? », AFDI, 2014, pp. 71-89.

771 Cons. Eur., Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Rome, 4 nov.

1950, STCE, n°005.

772 V. Cour EDH, Les saints monastères c. Grèce, 1994, préc. note 768 ; et, entre autres, CEDH, Gouvernement

de la Communauté autonome du Pays Basque c. Espagne, décision sur la recevabilité, 3 fév. 2004, req.

n°29134/03. Il est à noter que la juridiction régionale ne présume que de la recevabilité des recours devant elle, pas de l'application de la convention à d'autres personnes dans les ordres internes de chaque État partie ; ainsi le droit français reconnaît la possibilité pour les personnes publiques d'invoquer la protection de la Conv. EDH, v. : RF, CE, Aéroport de Bâle-Mulhouse, 3 sept. 2008, req. n°284016.

773 Commission d'arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie, avis n°1, préc. note 770.

774 AGNU, Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, rés. 1514 (XV), 14 déc.

minoritaires au sens de la Déclaration de 1992775 ; et peuples autochtones selon la Déclaration de 2007776. Cette variété les fait échapper à une approche uniforme.

L'imprécision de la définition de certains postulats et sujets n'est donc pas l'apanage exclusif du droit au développement : c'est le lot de toute construction abstraite d'un droit subjectif777.

222. Ambiguïté de l’autonomie du sujet « peuple » par rapport à l’État. Concrètement,

l'appartenance du droit au développement à la catégorie des droits des peuples porte une certaine ambivalence. Les droits des peuples détiennent une place à part dans le droit international contemporain, puisqu'ils figurent au frontispice de ses textes fondateurs :

- la Charte de l'Atlantique du 14 août 1941, à valeur politique et historique, associe ainsi les droits des peuples et les droits souverains des États, pour l'essentiel en garantissant le droit à l'existence et le droit à l'autodétermination778 ;

- la Charte de l'ONU, en vigueur, leur réserve également une place notable, dans le préambule, et aux articles 2 et 55 ; le préambule de la Charte de 1945, par ses premiers mots mêmes779, fait de la volonté des peuples, à travers leurs gouvernements, l’origine légitime du droit international contemporain.

Pour autant, le principal organe judiciaire des Nations Unies, dans son avis consultatif de 1975 sur le Sahara occidental780, est resté laconique sur la définition d'un « peuple » au sens de la Charte, malgré les soumissions de certains États concernés pour « définir » l’entité sahraouie781. Finalement, il faut se reporter à l'avis n°2 de la Commission d'arbitrage de la 775 AGNU, Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses

et linguistiques, A/RES/47/135, 18 déc. 1992.

776 AGNU, Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, A/RES/61/295, 13 sept. 2007. 777 En ce sens, la critique d'E. BURKE concernant la conception française des droits de l'homme reste d'actualité :

l'Homme, tout comme le Peuple, ou l’État, sont des modèles variables et leur appliquer une définition rigide revient à « monter des idées sur des échasses » (Réflexions sur les révolutions de France, 1790, préc. note 192).

778 Pour reprendre les termes de ce texte signé en mer sur le USS Augusta : « 3. Ils respectent le droit qu'a chaque

peuple de choisir la forme de gouvernement sous laquelle il doit vivre ; ils désirent que soient rendus les droits souverains et le libre exercice du gouvernement à ceux qui en ont été privés par la force. »

779 Cette accroche bien connue : « Nous, les peuples [...] ».

780 CIJ, Sahara occidental, avis consultatif, 16 oct. 1975, CIJ Rec. 1975, p. 12 ; la question de la définition du

peuple, en particulier celui qui serait apte à disposer de lui-même, est effleurée aux paragraphes 59 (p. 25) et 80 (p. 39), pour écarter l'hypothèse de la terra nullius. A la décharge de la Cour, il faut reconnaître qu'elle n'est pas la seule dans ce cas et que dans un tout autre contexte, le Gouvernement français s'est bien gardé de tenter une définition desdits « peuples » ayant le droit à l'autodétermination : « Compte tenu de l'universalité du principe,

de la variété des situations qui peuvent se présenter et des solutions qui peuvent leur être apportées, ainsi que de la nécessité de respecter, dans chaque cas particulier, l'ensemble des principes fondamentaux du droit international, le Gouvernement ne croit pas qu'il soit possible, ni opportun, de fixer des critères tendant à définir les " peuples " qui auraient droit à disposer d'eux-mêmes. » (Sénat, Xe législature, Question écrite n°05434 de

M. J. ROCCA SERRA, « Interprétation par rapport au droit international public de la notion de droit des peuples à

disposer d'eux-mêmes », JO Sénat, 24 mars 1994, p. 622).

781 Ibid. ; soit pour soutenir l'appartenance du Sahara espagnol à l'ensemble mauritanien (§138, p. 60) : « Si l'on

croyait devoir recourir à une classification, la Mauritanie suggère que les concepts de nation et de peuple seraient les plus adéquats pour expliquer la situation du peuple chinguittien au moment de la colonisation. A son avis, ce sont ces termes qui décriraient le mieux un ensemble présentant, malgré sa diversité politique, les caractères d'une nation indépendante, d'un peuple formé de tribus, confédérations de tribus, émirats qui,

Conférence pour la paix en Yougoslavie pour trouver un début de réponse à cette question.

Celle-ci va au-delà de l'assimilation simpliste du peuple à l’État :

« Si, au sein d'un État, il existe un ou plusieurs groupes constituant une ou des

communautés ethniques, religieuses ou linguistiques, ces groupes ont, en vertu du droit

international, le droit de voir leur identité reconnue. »782

223. Anthropomorphise d’une identité commune. Ceci peut aussi bien définir la

population de l’État dans son ensemble, qu’une minorité sub-étatique. C'est donc la notion d'identité commune qui définit un peuple juridiquement parlant : ce n'est pas un simple amalgame de personnes physiques, ni forcément le calque de l'organisation étatique. Cette approche de droit international est indifférente à la qualification de peuple par le droit interne783, et englobe largement tous les groupes et communautés dont les membres ont une conscience propre de leur existence collective.

De cette conscience naît un droit légitime de préservation et de développement, qui constitue une forme d'autodétermination interne selon le fameux Avis de la Cour suprême du Canada relatif à la sécession du Québec784. Le lien peut être fait de nouveau avec l'ancienne doctrine des droits fondamentaux des États, le vocabulaire désignant lesdits droits étant voisin. Cela n'a rien d'étonnant. Par certains aspects, les droits des peuples constituent une actualisation, sous un vernis démocratique, de ces droits des États qui trahissent une conception anthropomorphique des personnes de droit public, comme l'a souligné le Professeur D'ASPREMONT785.

b) Convergences et similarités matérielles des intérêts humains protégés par le droit au développement

224. Le paravent étatique, mandataire des sujets de droits « humains ». Cela est

particulièrement vrai concernant le droit au développement. Ce droit n'est revendiqué par

conjointement, exerçaient une co-souveraineté sur le pays chinguittien. » ; soit, concernant l'Espagne, pour

affirmer l'identité propre des Sahraouis (§145, p. 62) : « l'actuel territoire du Sahara occidental constituait

l'assise d'un peuple saharien au caractère propre et bien défini, composé de tribus autonomes et indépendantes de toute autorité extérieure, que ce peuple habitait une région assez bien délimitée et qu'il avait élaboré une organisation et un système de vie en commun fondés sur une conscience collective et une solidarité mutuelle ».

782 Commission d'arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie, Populations serbes de Croatie et de

Bosnie-Herzégovine, avis n°2, 11 jan. 1992, §2.

783 Tout comme le fait le droit constitutionnel français en garantissant l'unicité du peuple français (Conseil

constitutionnel, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, décision n°91-290 DC, 9 mai 1991, §§10-11); cela n'empêche pas la reconnaissance par la Constitution des « populations d'Outre-mer » avec leurs besoins propres au sein de la République (art. 72-3 : « La République reconnaît, au sein du peuple français, les

populations d'outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité »).

784 Cour suprême du Canada, Renvoi relatif à la sécession du Québec, 20 août 1998, [1998] 2 RCS 217, req.

n°25506, question n°2.

785 ASPREMONT (D'), J., « The Doctrine of Fundamental Rights of States and the Functions of Anthropomorphic

l’État sur le plan international qu'en tant que représentant des intérêts de sa population. C'est le développement économique, social et culturel du peuple786 et non le développement de la puissance publique en elle-même, qui est recherché. Si la coopération au développement œuvre au renforcement des capacités de l’État, c'est toujours dans l'optique plus ou moins directe de l'amélioration des conditions de vie de la population.

Ainsi, même si la doctrine a déjà admis l'existence de droits fondamentaux « personnels » des collectivités publiques, leur appartenant en propre787, il est plus cohérent avec une certaine tradition internationaliste d'admettre la possibilité d'un État mandataire, sur le plan international, de sa population pour réaliser et défendre son droit au développement. C’est là un objectivisme sociologique tel qu’il fut postulé par le Professeur SCELLE788.

La difficulté à catégoriser le droit au développement ne traduit pas une faiblesse intrinsèque, mais plutôt son adaptabilité à une société internationale où les États, personnes juridiques ayant la primeur, transcrivent sur cette scène les intérêts et aspirations de leur population. Parallèlement, une nette ouverture du forum mondial se pratique vers d'autres acteurs : individus, ONG, etc. Le « paravent » étatique789 est d'ailleurs érodé depuis longtemps en matière de développement, la multiplicité et l'interdépendance des acteurs en ayant même fait un terrain d'expérimentation pour la formation du droit international790. Un exemple récent s’en trouve dans la négociation des Objectifs de développement durable, à laquelle des ONG considérées comme représentatives de la société civile ont été invitées par le SGNU791.

225. Caractère transcatégoriel, dynamique et ouvert de la titularité du droit au

développement. La pluralité des problèmes et des moyens d'agir invite donc à concevoir une

classification dynamique du droit au développement parmi les normes juridiques, au cas par cas des situations factuelles qui se présentent à l'analyse du juriste. Droit « situé » par 786 Ce recentrage du droit international autour des peuples est particulièrement souligné dans l’œuvre du

Professeur Ch. CHAUMONT.

787 MAETZ, O., Les droits fondamentaux des personnes publiques, Clermont-Ferrand, Institut universitaire

Varenne, coll. « Thèses », 2011, 442 p.

788 Les liens entre le solidarisme français apparu chez les radicaux de la IIIe République, la doctrine du service

public développée en droit administratif par le Doyen L. DUGUIT et l'objectivisme sociologique du Professeur G.

SCELLE constituent une remarquable convergence de pensées autour de la socialisation du droit ; ce courant

global, en rencontrant la théorie des droits de l'homme, permet l'incorporation aux droits subjectifs d'une notion d'intérêt général, au service des personnes et des populations.

789 FROUVILLE (DE), O., « Une conception démocratique du droit international », RESS, vol. 39, n°120, 2001, p. 101

et s., §§46, 47 & 48.

790 FLORY, M. (éd), La formation des normes en droit international du développement, préc. note 2, 1985 ; v. aussi

PELLET, A., « Le « bon droit » et l'ivraie – Plaidoyer pour l'ivraie (Remarques sur quelques problèmes de méthode

en droit international du développement) », Mélanges Chaumont, préc. note 53 ; pour une actualisation, cf. GESLIN, A., « Propositions intempestives sur l'élaboration des normes de développement », in SFDI, Droit

international et développement, préc. note 4, 2015, pp. 473-488.

791 Et au-delà, leur rôle actif dans l'exécution des normes et objectifs de développement est de plus en plus mis en

valeur par les Nations Unies ; v. Centre d'actualités de l'ONU, « Ban Ki-moon appelle les États à ne pas faire obstacle à la société civile, dans l'intérêt du développement durable », communiqué de presse, 30 mai 2016.

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