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Le retour de l’Europe Occidentale à l’évolution naturelle du capitalisme

Chapitre II : La mondialisation en tant que généralisation des institutions formelles du capitalisme à l’échelle planétaire

2.2. La mondialisation en tant que généralisation des institutions formelles du capitalisme à l’échelle de la planète

2.2.3. L’universalisation planétaire des institutions formelles du capitalisme

2.2.3.2. Le retour de l’Europe Occidentale à l’évolution naturelle du capitalisme

Les organisations internationales, étant un attribut important de la marche rapide de la mondialisation institutionnelle au XXe siècle, ne sont pourtant pas à elles seules la source du processus de l’universalisation du capitalisme libéral.

Après la Seconde guerre mondiale l’histoire du monde aurait pu prendre une autre direction. Les pays de l’Europe Occidentale fragilisés par la guerre ont vu leurs institutions capitalistes s’atténuer considérablement par rapport au début du siècle. En outre, l’essor du communisme dans les pays de l’Europe centrale et le voisinage proche de l’Union soviétique étaient propices pour l’intrusion d’institutions opposées à celles du capitalisme.

Cependant, les pays de l’Europe occidentale ont gardé une organisation capitaliste en reconstruisant et en pérennisant progressivement ses institutions. Deux conditions complémentaires semblent responsables d’un tel résultat : d’une part le rôle actif des Etats-Unis dans la reconstruction de l’Europe à travers le plan Marshall et d’autre part, le facteur humain de l’Europe occidentale formé par une longue tradition capitaliste de ces pays.

Ainsi, en 1947 les Etats-Unis ont annoncé leur intension de contribuer au rétablissement de l’Europe en proposant le plan Marshall à tous les pays dévastés par la guerre. Or, ce « programme de rétablissement européen » accepté par 16 pays, a été rejeté par l’Union Soviétique dont le système économique et politique était incompatible avec les exigences américaines de la libéralisation :

« Dans les débuts du plan Marshall, le Congrès et l’Administration américains n’avaient cessés d’exiger que les Etats européens s’alignent sur le modèle américain de gestion de l’économie. »164

Il est évident qu’avec le plan Marshall, l’administration états-unienne cherchait d’abord à élargir sa zone d’influence contre l’Union Soviétique. L’extension du communisme en Europe n’était certainement pas dans leurs intérêts. Ainsi, la meilleure façon de rendre l’Europe moins sensible à l’influence communiste était de reconstruire son économie. Or, en même temps, le plan Marshall était très avantageux pour l’économie américaine qui, en temps de paix risquait de se retrouver en surproduction sans exportations massives vers le continent Européen.

Néanmoins, quelles que soient les raisons de l’administration américaine, l’impact réel de ce programme pour l’Europe occidentale était le retour de ces pays à l’évolution naturelle de leur capitalisme et la « stabilisation de leurs démocraties fragiles »165.

164 Bossuat Gérard, l’Europe Occidentale à l’heure américaine. 1945-1952, Bruxelles : Ed. Complexe, 1992, p. 294.

165 Lincoln Gordon : « L’aide économique avait stabilisé les démocraties fragiles », cité par Bossuat Gérard, l’Europe Occidentale à l’heure américaine. 1945-1952, Ed. Complexe, Bruxelles, 1992, p. 314.

La stratégie des Etats-Unis de promouvoir le modèle américain de l’économie et de la société basé sur la libre entreprise, la concurrence, l’efficacité et la productivité a rencontré l’enthousiasme général des ouvriers, des managers, des commerçants et des ingénieurs européens. Ces derniers après avoir participé aux stages organisés dans les entreprises américains « parlèrent de surprise voire d’émerveillement devant l’esprit productiviste des Américains »166. (voir aussi Chapitre III)

En réalité, les recettes que les Etats-Unis cherchaient à reproduire en Europe n’étaient pas nouvelles pour les Européens. Les Anglais étaient convaincus que les cultures des deux cotés de l’Atlantique se ressemblaient et le plan Marshall a seulement catalysé les anciennes institutions. Les Américains, eux aussi, en exposant les conditions du plan en 1947 insistaient sur les similitudes en soulignant l’objectif de « défendreune certaine forme de civilisation qui nous est commune ».167

Les institutions de l’économie libérale et de la démocratie telles que le marché libre, la concurrence, le droit de propriété, les libertés individuelles, l’esprit d’entreprise, le comportement de la recherche des richesses étaient déjà développées en Europe occidentale. Les échanges entre les représentants européens et américains dans le cadre du plan Marshall ont certainement accéléré la généralisation des valeurs capitalistes dans toutes les couches de la société européenne. Cependant, déjà au début du XXe siècle, les anglais, les français, les italiens « étaient réceptifs à la réussite matérielle et à l’abondance de la société américaine ».168

Le programme de rétablissement européen « n’a pas inventé la société de consommation en Europe, elle a favorisé sa généralisation et (…) elle a légitimé le culte du bien-être matériel ».169

Ainsi, sans sous-estimer le rôle des 13 milliards de dollars d’aide américaine à l’économie européenne de l’après-guerre, il est difficile de ne pas conclure que l’impact de ce programme ne serait probablement pas aussi tangible sans le facteur humain occidental créé par une longue culture capitaliste. Cette même culture a permis aux pays européens de ne pas aveuglément copier le système américain mais de prendre de ce dernier le meilleur à travers le contact direct entre les représentants des pays et

166 Bossuat Gérard, l’Europe Occidentale à l’heure américaine. 1945-1952, Ed. Complexe, Bruxelles, 1992, p. 291.

167 Harriman, 1967 cité par Bossuat, 1992, p. 315

168 Bossuat Gérard, l’Europe Occidentale à l’heure américaine. 1945-1952, Ed. Complexe, Bruxelles, 1992, p. 287

d’adapter des institutions de productivité, d’efficacité, d’entreprise à leurs propres systèmes, souvent beaucoup moins libéraux que le système américain.

Deux ingénieurs français qui ont visité les Etats-Unis pendant la campagne de productivité entre 1950 et 1951, écrivaient dans leur rapport :

« Il ne nous semble pas qu’il faille adopter toutes les méthodes d’enseignement seulement parce qu’elles sont américaines »170

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Les pays européens voulaient revenir au marché et le plan Marshall leurs a permis de faire revivre les marchés en Europe. Cependant, les exigences de l’administration américaine concernant la libéralisation rapide de l’économie n’étaient pas souhaitables pour les pays de l’Europe occidentale qui « ont maintenu les économies mixtes même si les Américains avaient critiqué cette intervention de l’Etat »171

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L’adaptation des institutions et non l’imitation de la structure, l’apprentissage par le bas et non l’imposition pas le haut, la libéralisation et la démocratisation mais en cohérence avec les particularités de la culture interne ont permis aux pays européens de construire leurs propres modèles du capitalisme qui fonctionnent. Ainsi, les études empiriques récentes ont montré que les différences des formes institutionnelles des pays de l’OCDE172

n’avaient pas d’effet significatif sur leur efficacité173.

2.2.3.3. L’exportation des institutions formelles du capitalisme mûr dans les pays

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