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L’économie globale en tant que stade ultime du processus de l’extension du capitalisme

Chapitre II : La mondialisation en tant que généralisation des institutions formelles du capitalisme à l’échelle planétaire

2.1. Le contexte actuel de la mondialisation

2.1.1. L’économie globale en tant que stade ultime du processus de l’extension du capitalisme

2.1.1. L’économie globale en tant que stade ultime du processus de l’extension du capitalisme

Selon Alexandre Zinoviev, à l’origine du processus de la formation d’une économie mondiale qui casse les frontières des Etats-nations et influence de manière décisive leur économie,se trouve l’Occident pour qui la mondialisation économique est une nécessité vitale.105

Ce constat reflète la nature extensionnelle de l’économie de marché. Cette dernière a évolué d’une manière importante dans les pays d’Europe occidentale et aux Etats-Unis. Ce groupe de pays appelé l’Occident est considéré depuis longtemps comme le berceau du capitalisme.

Ainsi, l’initiative des pays occidentaux pour la mondialisation devient compréhensible si cette dernière est analysée comme le résultat de l’évolution naturelle de l’économie de marché ou comme « la mondialisation du capitalisme »,106 comme la définit Philippe Hugon.

Dans cette optique, la mondialisation représente une étape logique dans l’évolution historique du capitalisme.

En utilisant la méthode des stades de développement, Bucher107 et Schmoller108 au début du 20ème siècle et des économistes contemporains Reich109 et Michalet110

105 Zinoviev Alexandre, L’Occidentisme. Essaie sur le triomphe d’une idéologie, traduction française, Plon, 1995, p. 279

106 Hugon Philippe, Economie politique et mondialisation, Paris : Economica, 1997, p.6

107 Bucher Karl, 1901. Etudes d'histoire et d'économie politique, première édition, trad. par Alfred Hansay, Paris.

interprètent l’histoire économique des pays capitalistes comme le changement de la taille des marchés en intégrant la mondialisation dans cette logique évolutionniste.

Ainsi, l’évolution de l’économie est passée par sept étapes de plus en plus complexes : 1) économie domestique ou familiale, 2) économie urbaine, 3) économie nationale, 4) économie régionale, 5) économie internationale, 6) économie multinationale et enfin 7) économie globale. De ce fait, avec l’évolution, l’espace géographique d’échanges s’élargit progressivement.

Bucher et Schmoller n’ont distingué que les premières étapes en s’arrêtant à l’étape de l’économie nationale qui était en pleine extension dans le contexte du XIXe siècle. Schmoller suppose l’existence d’une étape de l’économie mondiale mais ne la développe pas. En revanche, Reich111 et Michalet continuent cette classification.

Les éléments spécifiques d’une étape précédente ne disparaissent pas mais la nouvelle étape apporte les catégories plus complexes qui se rajoutent aux précédentes et deviennentprédominantes.

L’économie domestique est autosuffisante et elle ne travaille pas pour le marché, mais seulement pour ses besoins propres. Le système institutionnalisé des échanges sur le marché n’existe pas dans cette société mais seulement certains éléments du commerce peuvent exister. L’économie urbaine est caractérisée par l’échange du producteur au consommateur et elle est basée sur les institutions qui se développent telles que le marché local, le gouvernement des villes, les règles définissant les frontières économiques où l’échange se produit librement. Au stade de l’économie nationale les biens sont produits pour le marché national et les institutions d’Etat permettent leur circulation. Le marché intérieur est caractérisé par la liberté de circulation pour les marchandises et les services et par la liberté d’établissement ; les économies individuelles sont reliées par la division nationale du travail et par les moyens de transport.

L’économie internationale est caractérisée par Michalet comme une étape initiale de la mondialisation suivie par les étapes multinationale et globale. Pendant la période de

108

Schmoller Gustav, 1902. Politique sociale et économie politique (Questions fondamentales), Libraires-Éditeurs, Paris.

109 Reich Robert, L’économie mondialisée, Paris : DUNOD, 1993

110 Michalet Charles-Albert, Mondialisation, la grande rupture, Paris : La Découverte, 2007

111 R. Reich distingue l’économie de production de masse (économie internationale de Michalet) et l’économie de production personnalisée (économie globale)

l’économie internationale, les échanges entre les nations sont en pleine expansion et sont basés sur la spécialisation intersectorielle. Pour cette économie, le débat traditionnel entre le libre-échange et le protectionnisme mené entre les défenseurs de la théorie libérale du commerce international et les protectionnistes défendant l’industrialisation des économies nationales, est pertinent. A ce stade, les frontières entre les Etats-nations sont bien dessinées malgré l’interdépendance commerciale importante.

Les stratégies du développement sont axées sur le critère sectoriel en défendant tantôt la spécialisation tantôt l’industrialisation. Ainsi, d’une part les opposants du protectionnisme citent D. Ricardo (1772 - 1823) en misant sur la participation dans la division internationale du travail selon les avantages comparatifs et sans barrières au commerce international. Si chaque pays se spécialise sur la production relativement plus avantageuse en important les autres produits dans les conditions du libre-échange, la richesse globale augmentera.

De leur coté, les défenseurs du protectionnisme reviennent aux arguments de F. List selon lesquels la création des industries nationales est indispensable pour le développement économique car « les nations purement agricoles sont dépendantes en leur prospérité des autres nations si elles les communiquent librement. Elles ne développent pas leur propre culture manufacturière et le commerce sans avoir les garanties de ne pas être troublées pas les mesures étrangères ».112

Poussée par les besoins expansionnistes du capitalisme, l’économie mondiale penche vers le développement « à la Ricardo ».

L’économie internationale passe à un stade de l’économie multinationale avec l’accroissement du rôle des investissements directs à l’étranger (IDE) et avec les créations de firmes multinationales qui deviennent les moteurs de la croissance économique. Cette période caractérise les économies capitalistes des années 60 – 80 du 20ème siècle ainsi que le décollage des nouveaux pays industrialisés. Ces derniers ont utilisé les investissements des compagnies multinationales pour mettre en place la nouvelle structure productive et adopter les technologies des pays développés.

Pour cette étape, le débat traditionnel des théoriciens de l’économie internationale et surtout le rôle du protectionnisme commercial perd de son importance. Les firmes multinationales, en absorbant une part considérable des échanges internationaux,

cherchent des sites de localisation dans des Etats qui proposent les conditions avantageuses pour le commerce extérieur. Ainsi, le projet libéral globaliste prend le pas sur les stratégies protectionnistes visant la création des industries nationales. Désormais, la production industrielle est partagée entre plusieurs sites ; elle n’a plus de nationalité.

Enfin après les années 1980, la circulation accrue des capitaux au niveau mondial et l’apparition des firmes globales construisent le nouveau stade de la mondialisation économique : « l’économie globale ». A ce stade, les pays sont devenus des « espaces nationaux » plus ou moins attirants pour l’implantation des productions par les firmes globales et pour les capitaux spéculatifs. Etant les moteurs du développement, les firmes globales apportent avec les IDE des emplois, des technologies, des connaissances en mobilisant les ressources locales. En revanche, les capitaux spéculatifs sont dangereux pour la stabilité économique des pays.

Ainsi, dans cet environnement, l’objectif de la politique extérieure des Etats s’élargit en visant l’augmentation de l’attractivité des territoires nationaux pour les investissements productifs des compagnies multinationales qui, à partir des années 1980 commencent à localiser massivement les différentes étapes de leur production dans les diverses régions du monde. Ce stade est décisif pour la formation du caractère actuel de la mondialisation. Vers 1990 le nombre d’entreprises multinationales a atteint 35 000 et parmi les 100 premières, 26% étaient d’origine des Etats-Unis, 55% des pays de l’Europe occidentale, 12% du Japon, 3% du Canada et 4 % d’Australie et de la Nouvelle Zélande. Même si vers 2010 la part des compagnies d’origine occidentale a diminué, leur rôle reste prépondérant dans l’économie globale. (Annexe 2).

L’attractivité des pays pour les investissements étrangers a été en bonne partie déterminée par les structures institutionnelles des pays d’accueil. De ce fait, afin d’attirer les investissements des compagnies multinationales les autres pays du monde ont commencé à transformer et à reconfigurer leurs institutions formelles en ouvrant par cela la porte au système du capitalisme occidental. Ainsi, l’économie globale a été atteinte par la mondialisation commerciale, par la mondialisation financière mais aussi par la mondialisation institutionnelle qui a supprimé les obstacles de la marche naturelle du capitalisme et qui a permis son extension au niveau mondial.

La mondialisation est donc le processus de changement d’échelle dans des domaines différents. Comme souligne J-F. Bayart, « la mondialisation d’aujourd’hui et la formation des Etats-nations d’hier consistent en des expériences historiques de

changement d’échelle des sociétés, sans qu’elles donnent pour autant lieu à la complète unification des ces dernières »113.

Ce processus a créé un environnement mondial dans lequel « un pays isolé ne peut pas répondre à toutes les questions de dimension globale »114et dans lequel les pays ont atteint un niveau très important d’interdépendance.

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