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Le changement des structures institutionnelles internes : un nouveau regard sur les effets de la mondialisation

3.1. L’apparition, le changement et le fonctionnement des structures institutionnelles

3.1.3. Les composantes de la structure institutionnelle et leur cohérence

3.1.3.1. Les institutions formelles

L’analyse des institutions doit tenir compte de leur diversité. « Les institutions ne sont pas les entités monolithiques, elles sont composées d’éléments distincts mais interconnectés – règles, croyances, normes… »224

Les composantes du dispositif institutionnel fournissent les modèles du comportement prescrits aux individus par la société. Or, elles ne fonctionnent pas toutes de la même façon. D’abord, certaines sont plus facilement observables que les autres, puis elles ne se transforment pas au même rythme et enfin elles ont des sources d’apparition différentes. Cependant, les différentes composantes construisent l’ensemble intégré, la structure institutionnelle, qui remplit ses fonctions de coordination sociale et de réduction d’incertitude seulement si ses éléments sont cohérents. Ainsi, une double question se pose : comment les éléments de la structure institutionnelle fonctionnent et se connectent, et comment s’établit l’ensemble cohérent ?

3.1.3.1. Les institutions formelles

La première composante de la structure institutionnelle est l’ensemble des institutions formelles. Les institutions formelles sont les règles sociales qui contrôlent d’une manière normative les relations humaines225

. Elles comprennent les règles

223 North D., Wallis J.J. et Weingast B.R. (2009), Violence et ordres sociaux, traduit en français par Myriam Dennehy, Paris : Gallimard, 2010 p.38

224 Greif Avner et al., « Qu'est-ce que l'analyse institutionnelle ? », Tracés, 2009/2 n° 17, p. 194

225 Cette définition provient de l’approche institutionnaliste qualifiée par Greif A. comme « institutions-comme-règles », Ibid, p. 188

politiques, les règles économiques et les contrats. Les règles politiques définissent la structure hiérarchique de la politique, la structure de sa décision et les caractéristiques explicites du contrôle. Les règles économiques déterminent les droits de propriété, leur utilisation et leur transfert ; les contrats incluent les dispositions spécifiques et les accords particuliers des échanges226. Dans cet ensemble des règles les décisions politiques déterminent en général les autres domaines de la structure. Elles conduisent vers les règles économiques alors que ces dernières fournissent la structure incitative reflétée par les contrats et complétée par les caractéristiques d’application. Donc, les droits de propriété et les contrats individuels sont appliqués en résultat des décisions politiques.

Dans le système de type constitutionnel au sommet de la hiérarchie des institutions formelles se trouve la Constitution. Elle définit la base légale du fonctionnement de la société et guide le comportement politique, économique et social des citoyens. Ensuite viennent les lois nationales et communales, puis les arrêtés municipaux et les contrats individuels qui définissent les contraintes spécifiques.

Pour caractériser les institutions formelles W.H. Redmond s’adresse à l’Oxford English Dictionary selon lequel formel signifie « ce qui est fait avec des formes reconnues comme garantissant la validité ; ce qui est explicite et claire, comme opposé à ce qui est considéré comme la compréhension implicite ». 227

Ainsi, les institutions formelles doivent être claires, valides et explicites. Ces caractéristiques sont assurées par des supports tangibles tels que les chartes, les proclamations, les règlements et autres. De ce fait les institutions formelles sont souvent appelées les règles écrites.

Elles sont créées par les humains pour contrôler et orienter le comportement de tout le monde en augmentant par cela la prévisibilité des actions. Ainsi, deux types de comportements sont observables dans la société : celui de création des règles et celui de leur suivi. C’est donc le produit de la conscience des dirigeants qui créent des lois et veillent à leur application. Représentant généralement les intérêts différents, les législateurs cherchent le compromis par le processus de négociations. Les règles formelles naissent par le processus de recherche de la réconciliation des multiples

226 North, D., Institutions, Institutional change and Economic Performance, Cambridge: University Presse, 1990, p 47

227 Redmond W.H., « A framework for the analysis of Stability and Change in Formal Institutions », Journal of economic Issues, Vol. XXXIX N°3 September 2005, p. 665, traduit par l’auteur de cette thèse

intérêts mais aussi par l’ajustement des intérêts propres des dirigeants et des intérêts généraux de la société.

Donc, les institutions formelles sont des règles normatives qui définissent explicitement les moyens que les acteurs peuvent utiliser pour résoudre leurs problèmes. En tant que condition et base de l’ordre social, elles sont valides pour tous les membres de la communauté et « elles remplissent la fonction de la confiance ou de la crédibilité des engagements et procurent la paix de la société et entre les sociétés »228.

En intégrant les choix individuels dans le cadre général des contraintes, les institutions formelles réduisent l’incertitude des interactions humaines et assurent la stabilité de la structure incitative. Par la hausse de la prévisibilité elles baissent les coûts d’échanges liés à la recherche d’information, d’application et de contrôle et facilitent ainsi les échanges plus complexes. Or, les institutions formelles ont aussi la fonction de limite des échanges quand il s’agit des privilèges des intérêts des groupes particuliers devant l’intérêt général. Par exemple, les lois sur les brevets et sur le secret commercial ont pour objectif d’augmenter les coûts des échanges qui réduisent l’incitation à innover. Ainsi, les règles légales sont considérées comme les principaux catalyseurs des efforts productifs de la population.

Etant donné leur caractère obligatoire, l’application des règles formelles est contrôlée par l’Etat. En utilisant le dispositif législatif et politique l’Etat garantit à la population la protection de leurs droits de propriété comprenant les biens matériels mais aussi la sécurité et la liberté. En échange de la protection l’Etat taxe la population. En tant que principaux régulateurs des conflits et assureurs de l’ordre social, les institutions formelles ont donc les fonctions universelles d’établissement de la confiance, de réduction de l’incertitude et d’orientation des comportements individuels.

Hart appelle cet ensemble des lois « le guide de conduite de la vie sociale »229 dont le non-respect emmène les sanctions imposées par l’Etat. Cette organisation oblige les individus à agir dans le cadre des limites établies par les lois. Pour assurer l’ordre «il faut dès règles qui permettent à tout moment de constater les frontières du domaine protégé de chacun, est ainsi de distinguer entre le mien et le tien »230

228 Mantzavinos Ch., Individus, institutions et marchés, trad. par Laurent Baechler, Paris : PUF, 2008, p. 152

229 Hart H.L.A. (1961), The Concept of Law, Oxford: Clarendon Press, 1994, p. 89

La violation de ces règles doit provoquer les sanctions imposées par l’Etat. Le respect des règles n’est pas automatique et total. Dans certaines sociétés le degré de respect des lois est inférieur à ce qu’il est dans d’autres. Cette différence dépend en grande partie de la réalisation des sanctions. C’est ce que nous pouvons appeler l’apprentissage par l’expérience.

Les conséquences négatives pour l’individu réduisent sa motivation à ne pas respecter les lois. Ainsi, les institutions formelles représentent la solution la plus sûre pour réduire l’incertitude liée à la non-conformité des sujets à la loi.

Les individus apprennent que le respect ou le non-respect des lois peut leur apporter des bénéfices et des coûts. L’application des règles par les citoyens dépend de la réponse qu’ils reçoivent en retour de leurs actions. Par exemple, si les sanctions pour la violation des règles ne sont pas toujours appliquées ou ne sont pas très pénalisantes le respect des ces lois ne sera pas garanti. L’Etat doit donc sanctionner d’une manière efficace les violations pour assurer le respect des normes et la protection des citoyens.

Cependant, si les règles ne sont pas largement internalisées les mesures de punition peuvent provoquer l’opposition. Pour le fonctionnement efficace, les règles doivent être adoptées par les acteurs locaux, et ce processus prévoit la modification des règles informelles.

Ainsi, si d’une part, la violation des règles n’est pas suivie par les sanctions importantes, et si d’autre part, les règles ne sont pas adoptées et internalisées par la population, les institutions formelles ne fonctionnent pas comme elles doivent fonctionner et restent juste « les formalités vides » 231.

« La loi peut être « dans les livres » mais échouer en tant que guide ou contrainte du comportement. »232.

Destiné à atteindre des objectifs généraux et universels, l’ensemble des règles formelles prend des formes différentes dans les différents pays en fonction de leur parcours historique, leur stade de développement, leur spécificité culturelle. Ainsi, la distinction des caractéristiques propres à chaque dispositif institutionnel est nécessaire pour comprendre sa capacité de réalisation des ses fonctions.

231 Redmond W.H., « A framework for the analysis of Stability and Change in Formal Institutions », Journal of economic Issues, Vol. XXXIX N°3 September 2005, p. 667

Ces particularités peuvent être recherchées dans les institutions informelles qui règnent dans la société donnée et dans les modes établis de faire appliquer les règles légales.

Donc, en plus des règles légales les individus sont soumis aux règles informelles de la société qu’ils apprennent dès l’enfance. De ce fait, la confusion est possible pour les individus qui peuvent prendre pour règles formelles les principes moraux établis par la société.

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