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Le rôle des investissements directs étrangers (IDE) entrants pour la modification des structures institutionnelles internes

Le changement des structures institutionnelles internes : un nouveau regard sur les effets de la mondialisation

3.3. Un nouveau regard sur le rôle de l’ouverture économique dans le changement des structures institutionnelles internes

3.3.2.3. Le rôle des investissements directs étrangers (IDE) entrants pour la modification des structures institutionnelles internes

La relation entre les IDE et les institutions internes a été souvent analysée du point de vue de l’impact positif ou négatif des institutions formelles et informelles du pays d’accueil sur le niveau des flux des investissements productifs. Les études récentes (Habib & Zurawicki 2002; Globerman and Shapiro 2003 ; Park 2003; Zhao, Kim & Du 2003) ont montré les effets négatifs de l’organisation clientéliste et de la corruption sur le choix des investisseurs étrangers. En même temps, les institutions formelles efficaces influencent positivement les flux des IDE (Brouthers 2002 ;Seyoum 2009286). En outre, l’assouplissement du cadre réglementant les IDE oriente les choix des investisseurs en les attirant d’avantage sur le territoire du pays concerné.

Cependant, le rapport inverse, c'est-à-dire, l’impact des IDE sur le changement des institutions du pays d’accueil n’a pas été étudié. Pourtant, compte tenu de l’ampleur de ces flux au niveau mondial dans le contexte actuel, leur rôle ne peut pas être ignoré.

D’une part, comme la mondialisation a créé les nouveaux objectifs pour les pays, notamment l’attraction des IDE, l’influence de ces derniers est déjà sensible en amont. Ce nouveau type de compétition internationale pousse les gouvernements, qui visent l’augmentation des flux d’investissements productifs dans leur pays, à modifier l’environnement institutionnel formel. De ce fait, en affectant les intérêts des élites politiques, l’objectif d’attraction des IDE pousse ces derniers à reformer leur système législatif. Comme la concurrence entre les pays européens dans le commerce colonial entre le XVIIe et le XIXe siècle a contribué à l’adoption de nouvelles lois favorables à la liberté d’entreprise et l’Etat de droit, la compétition des pays contemporains pour attirer les IDE déclenche l’évolution de leurs législations. Ainsi, les institutions formelles se modifient sous l’influence de la nouvelle conjoncture mondiale qui, dans le contexte moderne de la mondialisation, est marquée par le rôle important des IDE.

286 Seyoum Belay, “Formal Institutions and Foreign Direct Investment”, Thunderbird International Business Review Vol. 51, No. 2 March/April 2009

D’autre part, les investissements productifs en provenance de pays étrangers plus développés doivent avoir un impact sur les institutions informelles.

La définition de « l’investissement direct à l’étranger287

», faite par les organisations internationales indique que ce sont les investissements internationaux par lesquels « des entités résidentes d’une économie acquièrent un intérêt durable dans une entité résidente d’une économie autre que celle de l’investisseur. La notion d’intérêt durable implique l’existence d’une relation à long terme entre l’investisseur direct et la société investie et l’exercice d’une influence notable du premier sur la gestion de la seconde »288.

Cette définition met l’accent sur la relation durable entre deux ou plusieurs entreprises et quelle que soit une forme des IDE, la création d’une nouvelle filiale ou la fusion-acquisition, ce transfert de fonds est accompagné généralement d’un transfert de technologies et d’expatriation du personnel. Ce dernier participe activement à la production, la gestion et l’organisation de l’entreprise investie mais aussi à la formation du personnel local. Ainsi, les contacts multipliés entre les représentants de structures institutionnelles différentes doivent conduire au rapprochement des croyances, des modes de comportement et des façons de travailler. Les investisseurs étrangers introduisent le changement dans l’environnement réel d’une partie de la population locale qui est susceptible d’être en contact avec l’entreprise investie. Cet environnement modifié influence la structure institutionnelle héritée du passé et change les modèles mentaux des acteurs du pays d’accueil. Peu à peu, les modèles mentaux individuels modifient le système de croyances partagées de la société entière qui détermine son nouvel dispositif institutionnel.

La question est donc de savoir quelle influence institutionnelle est apportée par les investisseurs étrangers. Sans prétendre répondre de manière définitive à cette question, nous supposons néanmoins que les représentants du pays plus avancé dont les structures institutionnelles sont plus proches de « l’ordre social d’accès ouvert » apporteront dans « l’Etat naturel », par le biais des interactions humaines, des valeurs qui contribuent à la transition institutionnelle, et notamment celles de liberté, d’égalité, de justice, de respect

287

D’un point de vue statistique, conformément aux recommandations du FMI et de l’OCDE, dès lors qu’une entité non-résidente détient au moins 10 % du capital social d’une entreprise résidente, on considère qu’il y a ID. Toute participation au capital d’une entreprise résidente par une entité non résidente inférieure à 10 % sera comptabilisée, dans la balance des paiements, comme un investissement de portefeuille (IP). (Levasseur Sandrine, « Investissements directs à l'étranger et stratégies des entreprises multinationales », Revue de l'OFCE, 2002/5 n° 83 bis, pp. 103-152)

de loi, de comportement productif, d’esprit créatif et de priorité de la qualité et des compétences devant l’appartenance aux réseaux, aux castes, aux couches sociales ou éthiques.

Comme nous l’avons noté dans le deuxième chapitre, plus de 80% des firmes multinationales sont issues des pays possédant une longue histoire du capitalisme et donc, dans lesquels les pratiques, les valeurs et les comportements capitalistes sont largement internalisés. De ce fait, les contacts directs entre les spécialistes de ces pays avec leurs correspondants des pays avec le capitalisme émergent doivent influencer les croyances de ces derniers en favorisant les institutions d’efficacité économique, de productivité, de concurrence mais aussi l’ouverture d’esprit vers les nouvelles formes d’organisation politique et les nouveaux types de comportement.

Par exemple en Chine, les IDE ont apporté les nouvelles valeurs capitalistes liées à la productivité, l’efficacité économique, l’esprit d’entreprise, la valorisation des innovations. Néanmoins, ce pays n’a pas adopté le système politique démocratique et le rôle des réseaux informels y est très important dans les interactions entre les acteurs locaux. Il semble donc, que les institutions démocratiques, le comportement de droit, les libertés civiles ne sont pas éveillés en Chine par la présence des acteurs étrangers.

Malgré le changement plus lent des institutions politiques et sociales par rapport à celui des institutions économiques en Chine, l’impact des IDE y est toutefois indéniable.

Pour mieux comprendre cette influence étrangère, Gregory Chow289, en utilisant l’approche historique, analyse les particularités culturelles de la structure institutionnelle en Chine. La tradition chinoise est fondée sur l’éthique de Confucius. Dans l’histoire de la Chine l’étude de Confucius était toujours plus importante que celle de l’école légale de Han Fei. Les enfants apprenaient à l’école à obéir d’abord aux règles éthiques, puis aux lois du gouvernement. Ainsi, s’il y a le conflit entre les lois et les étiques, le comportement correct pour le Chinois est de suivre l’étique de Confucius.

Quand la Chine a choisi l’intégration dans l’espace économique mondial à partir du 1978, le gouvernement a décidé de moderniser le système légal. Vers 2001, l’année de l’adhésion à l’OMC, plusieurs nouvelles lois ont été adoptées. Pourtant, les relations économiques, politiques et sociales entre les chinois sont encore souvent réglées par le

289 Chow Gregory, “Impact of joining the WTO on China’s economic, legal and political institutions” Pacific Economic Review, 8: 2 (2003) p. 105–115

biais de « réseaux sociaux informels »290 qui nourrissent l’ordre personnel et le comportement illégal.

Toutefois, l’apport de la culture légale et impersonnelle des étrangers, notamment des investisseurs nord-américains, japonais et européens est très important. La différence des cultures ne permet pas d’utiliser les institutions informelles pour régler les relations entre les partenaires étrangers et nationaux. Ainsi, le nombre d’interactions régulées par les institutions formelles augmente en introduisant la culture de loi dans les habitudes comportementales des acteurs locaux.

En même temps, le système chinois du parti unique n’a pas été un terrain propice pour cultiver dans la population chinoise les valeurs de participation politique et d’autonomie de la société civile. Néanmoins, l’ouverture sur l’extérieur a contribué à la promotion des valeurs démocratiques parmi la population locale qui, à son tour, a poussé le gouvernement à rechercher « un équilibre entre les droits des individus, d’une part, et la nécessité et l’efficacité d’un État d’autre part. »291

Ainsi, les réformes démocratiques sont prévues par le gouvernement chinois qui a résumé ses nouveaux objectifs dans son XIIe Plan quinquennal (voir Chapitre II).

Il est donc possible de conclure qu’avec l’apport de valeurs capitalistes développées, les IDE déstabilisent indirectement la corruption, le comportement illégal et le mode personnel de l’organisation sociale. Les études empiriques récentes (Lavallée 2002-2004292) montrent qu’un pays est d’autant moins corrompu qu’il est libre, que sa population est instruite, et que son revenu par tête est élevé. Les IDE en contribuant à la liberté et l’apprentissage de la population ainsi qu’au transfert de nouvelles pratiques et habitudes à travers les contacts directs, doivent donc déstabiliser la convention de la corruption en diminuant son efficacité, c'est-à-dire son utilisation généralisée.

290 Ibid, p. 111

291 Wang Alex, « Redéfinir la démocratie et les droits de l'homme ? », Revue internationale et stratégique, 2011/1 n° 81, p. 96

3.3.2.4. Les technologies d’information de communication (TIC) et les institutions

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