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Les modes de mise en application des institutions

Le changement des structures institutionnelles internes : un nouveau regard sur les effets de la mondialisation

3.1. L’apparition, le changement et le fonctionnement des structures institutionnelles

3.1.3. Les composantes de la structure institutionnelle et leur cohérence

3.1.3.3 Les modes de mise en application des institutions

L’application des institutions est cruciale pour le développement économique car les règles qui ne sont pas appliquées restent des formes vides qui ne remplissent pas leurs fonctions de garantie de la coordination sociale, de réduction d’incertitude et d’établissement de l’environnement de confiance.

L’application des règles formelles est assurée par la tierce partie qui est l’Etat. Dans le cas des règles informelles, c’est la société entière qui contrôle leur application. Les conventions sont autocontrôlées, l’application des règles morales est contrôlée par les individus, et les normes sociales sont contrôlées par la communauté. Or, les ensembles institutionnels des sociétés modernes représentent des systèmes mixtes composés des institutions formelles et informelles qui sont en relations permanente. Ainsi, le mode de mise en application des règles dans chaque société dépend du rapport entre les deux types d’institutions. Cette relation détermine finalement le modèle organisationnel choisi par chaque société.

La distinction des relations entre les institutions formelles et informelles, faite par

Helmke et Levitsky (2003, 2004)243 vise à capter plus précisément la fonction des règles informelles. D’une part, les institutions informelles ont la fonction de « solution à un problème » en améliorant la performance des institutions formelles et d’autre part les contraintes informelles ont le rôle de « création de problème » en affaiblissant l’efficacité des règles formelles. Ainsi, ils construisent la typologie des relations qui révèle quatre possibilités : 1) relations complémentaires, 2) relations accommodantes, 3) relations de concurrence et 4) relations de substitution.

Les combinaisons différentes des règles formelles et informelles sont basées sur deux caractéristiques essentielles : i) l’existence des institutions formelles efficaces, autrement dit, strictement appliquées et ii) la convergence des objectifs des deux types d’institutions, ce qui signifie que les résultats de suivi des règles informelles est similaire à celui attendu des règles légales. (Tableau 3.1.)

243

Helmke, G., & Levitsky, S. (2003). “Informal institutions and comparative politics”, research agenda. Working paper no. 307, Kellogg Institute for International Studies, University of Notre Dame, Notre Dame, Indiana.

Tableau 3.1. : Typologie des relations entre les institutions formelles et informelles de Helmke et Levitsky244

Institutions formelles efficaces

Institutions formelles inefficaces

Les objectifs convergents Complémentaires De substitution

Les objectifs divergents Accommodantes De concurrence

Les relations complémentaires correspondent à une situation quand les institutions informelles remplissent la fonction de « décision relativement à un problème ». Ainsi, lorsque l’appareil institutionnel légal est efficace, les institutions informelles facilitent la prise de décision et la coordination. Ce sont les croyances partagées, les valeurs et les normes qui tiennent les institutions formelles en place. Une telle structure institutionnelle peut être considérée cohérente, efficace et pérenne.

Les relations accommodantes combinent les institutions formelles efficaces mais les objectifs divergents. Ce système organisationnel crée les motivations de comportement qui visent le changement des effets des règles légales mais sans leur violation directe. L’exemple des mécanismes de partage de pouvoir présidentiel au Chili, présenté ci-dessus est celui qui reflète le plus les relations accommodantes qui visent à réconcilier les intérêts des acteurs avec les institutions formelles existantes. De la même façon, les arrangements informels tels que les réseaux personnels entre les entreprises et les individus ont été créés dans l’économie et la politique soviétique pour obtenir les biens et services nécessaires sans violer les règles formelles d’attribution par l’Etat. Il est possible de conclure que la structure institutionnelle de ce type est efficace temporellement mais incohérente et donc, ne peut pas être pérenne. Elle doit évoluer vers la situation de cohérence des objectifs afin de survivre.

Les relations de concurrence supposent la combinaison des institutions formelles faiblement appliquées et leurs objectifs divergents avec les règles informelles. Ainsi, pour suivre les règles informelles les acteurs doivent violer les règles formelles et l’inverse. Cette opposition crée la situation de compétition entre les institutions. Les exemples cités par Helmke et Levitsky (2004) telles que la corruption, le clientélisme, la politique des clans sont très représentatives pour expliquer l’organisation de ce type.

Dans ce système le suivi des règles légales peut être puni alors que leur violation peut rester sans sanctions.

Les structures avec les institutions en concurrence ne sont pas efficaces car elles ne remplissent pas leurs fonctions fondamentales mais elles peuvent exister longtemps.

Enfin, les relations de substitution s’installent dans l’environnement des institutions formelles inefficaces. Or, compte tenu de l’existence de la cohérence des objectifs, les institutions informelles sont les substituts pour atteindre ce que les institutions formelles ont désigné. Cette relation est possible quand les structures de l’Etat sont faibles et qu’elles manquent d’autorité. Pas exemple, les alternatives informelles de protection peuvent être créées quand la police ou l’armée ne remplit pas la fonction de défense. Ces structures sont instables, elles ne procurent pas de confiance et de certitude nécessaires et donc, elles ne peuvent être considérées comme efficaces.

Ces quatre relations définies par Helmke et Levitsky soulignent l’importance de la prise en compte de la structure institutionnelle dans son ensemble pour analyser son influence sur le développement économique. La cohérence des institutions formelles et informelles détermine le degré et le mode de leur application et donc leur poids plus ou moins significatif dans la vie de la société. Cette classification des relations devient d’autant plus importante quand il s’agit du changement. Par exemple, la modification des institutions formelles sans adaptation des institutions informelles peut provoquer la baisse de la performance. Les situations de « complémentarité » ou « d’accommodage » qui assurent l’application des règles légales et le contrôle par l’Etat peuvent se transformer en situation « de compétition » ou « de substitution » qui détruit la stabilité, la légalité et la garantie des droits en contribuant en même temps à l’augmentation de la violence et à l’apparition des groupes de contrôle illégaux comme la mafia.

***

L’analyse des composantes des structures institutionnelles démontre que seuls les dispositifs avec les institutions formelles et informelles cohérentes peuvent être efficaces et durables. Quel que soit le système, capitalisme, communisme ou autre, la prospérité dépend de l’efficacité de la structure institutionnelle. Si cette dernière remplit ses fonctions fondamentales qui sont la coordination des comportements individuels, la réduction de l’incertitude et l’installation de la confiance générale, elle peut être considérée comme efficace. Or, l’efficacité du système capitaliste et, par exemple, celle

du système communiste, n’ont pas le même objectif. Le premier cherche la performance économique tandis que le deuxième vise l’efficacité sociale.

Compte tenu du fait, que dans le contexte actuel le capitalisme est devenu le système dominant (voir Chapitre II), il est nécessaire d’analyser en détails les institutions qui assurent l’efficacité capitaliste afin d’envisager le changement des structures inefficaces.

3.2. Les modèles d’organisation sociale incitant le comportement

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