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L’apparition des structures institutionnelles différentes et leur performance

Le changement des structures institutionnelles internes : un nouveau regard sur les effets de la mondialisation

3.1. L’apparition, le changement et le fonctionnement des structures institutionnelles

3.1.1. L’apparition des structures institutionnelles différentes et leur performance

Si l’on croit Douglass North (2005), les différences des développements économiques sont directement dépendantes des structures institutionnelles mises en places dans les sociétés.

De ce fait, l’ensemble socio-économique doit être analysé sous le prisme du cadre institutionnel dominant dans l’espace et dans le temps.

La question qui se pose est donc celle de la nature de la structure institutionnelle efficace, de son apparition et de son changement.

Douglass North étudie les institutions en tant que « règles du jeu d’une société qui structurent les incitations dans les échanges humains203 et qui visent à réduire l’incertitude ou à transformer l’incertitude en risque ».204

Ainsi, la fonction essentielle de la structure institutionnelle est d’abord, de « définir les modalités des relations entre les individus »205, puis d’accroître la prévisibilité de l’environnement dans lequel ils agissent et interagissent et donc de réduire l’incertitude du monde complexe.

203 North Douglass, Institutions, Institutional Change and Economic Performance, Cambridge : University Press, 1990, p. 3

204 North Douglass (2004), Le Processus du développement économique, trad. française Paris : éd. d’Organisation, 2005 p. 20

La structure institutionnelle est formée par des règles formelles, des contraintes informelles et leurs modes de mise en application (North, 1990). Ces institutions sont créées par les humains eux-mêmes afin de réduire leur incertitude. De ce fait, chaque structure institutionnelle reflète les représentations des individus qui l’ont créée.

Dans cette optique il faut reconnaître que les humains ont une connaissance très limitée de leur environnement. Leurs perceptions du monde sont basées sur leurs croyances. Ces dernières partagées par les hommes de la même société forment le facteur humain qui est à la base de la structure institutionnelle.

Ainsi, les croyances partagées dans une société déterminent le caractère de la structure institutionnelle qui favorise les différentes formes d’organisation humaine et qui induit les différents types de comportement.206 En contrepartie, les conséquences des comportements réels modifient ou confirment les croyances.

Pour mieux comprendre le fonctionnement des structures institutionnelles il faudra détailler ce schéma simplifié de la relation entre les croyances individuelles, les croyances partagées, les institutions, les comportements et l’environnement.

Rappelons que l’économie institutionnelle s’appuie sur l’individualisme méthodologique complexe (Dupuy 2004) qui « unit récursivement les niveaux individuel et collectif »207. Selon cette approche, les structures sociales influencent les idées et orientent les actions des individus, tandis que les individus modifient les structures sociales selon les résultats de leurs actions. Autrement dit, les actions individuelles et les structures sociales se trouvent en interaction permanente en se modifiant mutuellement. Ainsi est le principe de l’évolution sociale qui représente la base de l’explication de l’apparition et du changement des institutions.

Les institutions émergent dans la société d’une manière naturelle à partir de

« modèles mentaux » (North 1994, 2005) construits par les individus sur la base d’un ensemble des croyances héritées du passé et de l’expérience acquise.

Les modèles mentaux modifiés par la réalité répondent ainsi de la manière la plus adéquate à l’environnement, ce qui les emmène à devenir les croyances partagées de la société donnée. Les modèles mentaux partagés se matérialisent dans les artefacts en devenant les outils communs de représentation du monde. Ces derniers s’organisent en

206 North D., Wallis J.J. et Weingast B.R. (2009), Violence and social orders, Paris: Gallimard, 2010 p. 18

207 Dupuy Jean-Pierre, « Vers l'unité des sciences sociales autour de l'individualisme méthodologique complexe », Revue du MAUSS, 2004/2 n°24, p. 326

dispositif institutionnel, composé de règles formelles, de contraintes informelles et de modalités de leur mise en application. Cette structure institutionnelle oriente les actions des individus et des organisations dans leur confrontation avec l’environnement.

Ainsi, le modèle circulaire simplifié de la causalité entre le contexte, les modèles mentaux des individus, les croyances partagées de la société et les institutions, est présenté dans la figure 3.1.

Figure 3.1. Schéma de l’interaction sociale chez D. North208

Structure institutionnelle héritée des générations

précédentes Expériences accumulées

Expérience obtenue en résultat de la confrontation des acteurs

(individus et organisations) avec l’environnement et les

autres acteurs

Modèles mentaux des individus Système de croyances partagées dans la société donnée Institutions formelles Institutions informelles Modes de la mise en application des institutions Structure « artéfactuelle » Dispositif institutionnel

Cependant, la confrontation des acteurs avec l’environnement est une expérience qui est en permanente mutation due à l’incertitude perpétuelle du monde. Ainsi, les modèles mentaux changent au fur et à mesure du processus de recherche des solutions aux nouveaux problèmes rencontrés dans l’environnement instable et incertain.

En même temps, la réalité ne doit pas être considérée comme absolue. C’est une perception de la réalité par les acteurs à travers le prisme du système existant des croyances. L’information provenant de l’expérience est filtrée par les croyances partagées avant de modifier ou consolider les modèles mentaux des acteurs. Les croyances que les acteurs portent sur la réalité reflètent leur stock de connaissances sur

celle-ci. Les croyances se matérialisent dans la structure institutionnelle et donc, cette dernière représente le résultat du savoir accumulé. Ainsi, plus la structure « artéfactuelle » est large, plus elle permet aux acteurs de trouver des solutions aux nouveaux problèmes, ce qui représente selon North l’atout pour le développement :

« Il y aura développement économique fructueux quand le système de croyances qui s’est instauré a créé une structure artéfactuelle « favorable », capable d’affronter les expériences nouvelles auxquelles les individus et la société font face et de résoudre positivement les dilemmes nouveaux. Il y aura échec quand les expériences nouvelles sont si éloignées de la structure artéfactuelle du système de croyance que les individus et la société ne disposent pas des « briques » mentales et de la structure artéfactuelle nécessaire pour résoudre des problèmes nouveaux»209.

De ce fait, les différentes performances économiques des sociétés peuvent être recherchées dans la richesse plus ou moins importante de la structure institutionnelle permettant l’affrontement productif des nouveaux problèmes.

Comment donc la structure institutionnelle diversifiée, favorise-t-elle le développement économique ?

Les acteurs économiques et politiques sont confrontés en permanence à l’incertitude liée à l’environnement humain complexe. Ainsi, ils sont poussés par les coûts de transaction élevés dans les conditions incertaines d’entretenir les échanges personnels qui « limitent l’éventail des activités humaines au clientélisme et aux relations interpersonnelles répétées »210. La matrice institutionnelle riche et sûre fournit la base essentielle pour donner aux acteurs la motivation à organiser leurs échanges d’une manière impersonnelle. Le passage des échanges personnels aux échanges impersonnels conditionne l’efficacité économique. En assurant l’organisation impersonnelle des échanges le dispositif institutionnel efficace diminue les incitations des acteurs à garder les organisations improductives à la base de clientélisme. En outre, les échanges impersonnels baissent le risque de propagation du comportement corrompu et réduit les chances de création des monopoles.

La structure institutionnelle est capable de modifier le comportement des acteurs par la baisse des coûts de transaction provenant de l’incertitude hors structure. Par exemple,

209 North Douglass (2004), Le Processus du développement économique, trad. française Paris : éd. d’Organisation, 2005, p. 100

dans le système capitaliste, les coûts liés à la protection des contrats et des droits de propriété, à la résolution des conflits et à la recherche de l’information sont réduits pour les acteurs séparés si ces opérations sont organisées institutionnellement. Ainsi, la réduction de l’incertitude représente une des fonctions fondamentales de tout dispositif institutionnel visant la performance économique.

Cependant, la recette universelle des structures institutionnelles efficientes n’existe pas car elles dépendent des croyances propres à la société donnée, formées par l’environnement présent et le contexte passé. Ainsi, la prise en compte de la société dans son ensemble mais aussi dans son évolution historique est nécessaire pour définir le dispositif institutionnel cohérent et efficace.

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