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Au cours des années 1990, la production des entreprises privées augmente régulièrement, d’abord en comblant la capacité résiduelle de transport du SOTE, puis en profitant de la baisse de production de l’entreprise nationale. Entre 1992 et 2000, la production d’origine privée passe de 2 à 60 millions de barils annuels, soit de 5 000 à 160 000 barils par jour. Parallèlement, Petroecuador atteint son pic de production en 1994 avec presque 120 millions de barils, soit plus de 320 000 barils par jour, dont plus d’un quart proviennent de champs découverts puis opérés directement par CEPE et PEC. Par la suite, l’arrivée à maturité du champ Libertador alliée à l’incapacité de l’entreprise à investir pour maintenir la production conduisent à une crise de la production publique qui, entre 1994 et 2000, passe de presque 120 à 85 millions de barils annuels (Petroecuador, 2012).

Au début des années 2000, PEC voit sa contribution à la production nationale, réelle et relative, se contracter encore, alors que la production des entreprises privées augmente fortement : suite à la mise en service de l’OCP en 2003, elle dépasse ainsi celle de PEC entre 2003 et 2012. En 2005, la production publique tombe à 72 millions de barils annuels, tandis que la production privée double pour dépasser les 120 millions de barils annuels. En 10 ans, PEC voit ainsi sa production baisser de 40% et sa contribution à la production nationale passer de 98 à moins de 40%.

Si cette chute de l’entreprise pétrolière publique est largement due à l’épuisement de ses réserves, l’épuisement des réserves lui-même relève d’un sabordage de l’entreprise publique par les dirigeants politiques, entrepris en 1982 avec la réouverture du secteur pétrolier aux entreprises privées, et intensifié à partir de 1993. En effet, les nouveaux projets pétroliers sont confiés à des entreprises privées, ce qui empêche l’entreprise d’augmenter ses réserves. Puis PEC se voit retirer progressivement la souveraineté sur la production, le transport, la commercialisation de pétrole, mais également sur les investissements (Loi 44 de 1993, Art. 3 réformé, 58, 62, 63, 70). En outre, le budget réservé à l’entretien et à la maintenance est largement réduit, occasionnant de nombreux problèmes opérationnels comme la multiplication des fuites liées à la corrosion (OSA, 2003). Durant la crise de la dette, l’entreprise publique est progressivement convertie en « caisse automatique » :

« Il apparait ainsi que le problème est politique, social et aussi entrepreneurial. Tant que le pétrole constitue la base de l’économie nationale, l’Etat dispose de ces ressources pour financer les différents besoins en santé, éducation, sécurité nationale etc. Mais si l’Etat assigne des ressources à Petroecuador pour financer ses budgets opérationnels et d’investissement, et inclut les coûts environnementaux aux coûts de production, alors la rente pétrolière diminue et l’Etat dispose de moins de ressources économiques pour financer les autres besoins. Et c’est là que les différents gouvernements convertissent Petroecuador en fonds de caisse ou en « caisse automatique », sortant des ressources de son budget sans lui transférer ses assignations. » (Narvaez, 2000 : 44) 41

Cette citation résume bien les raisons souvent invoquées pour expliquer que l’Etat est le pire des entrepreneurs : sa capacité d’investissement est constamment affaiblie par les gouvernements successifs, qui conçoivent la gestion des entreprises publiques à très court terme, comme de l’argent frais que leurs successeurs (et potentiels opposants) n’auront pas. En outre, le pétrole est une ressource doublement stratégique pour les gouvernements, en cela qu’elle permet d’obtenir des devises directement par la rente et indirectement par la dette, qu’ils laissent à leurs successeurs.

Entre 2003 et 2005, le passage au pouvoir de Lucio Gutierrez est marqué par la trahison de son électorat. Colonel dans l’armée et originaire d’Amazonie, il joue un rôle important dans la destitution de Jamil Mahuad en 2000, après laquelle il tente, sans succès, d’établir un triumvirat avec le président de l’organisation indigène nationale et le chef de la cour suprême. D’abord emprisonné puis rapidement amnistié, il crée le parti Sociedad Patriotica et forme une alliance avec le mouvement indigène durant la campagne de 2003 et parvient à remporter l’élection présidentielle. Les organisations indigènes représentent un allié important : ils jouent un rôle central dans les mouvements sociaux des années 1990 et parviennent, suite à la création du parti politique Pachakutik en 1996, à prendre une place importante dans la politique nationale.

41 “De aquí se desprende que el problema es político, social y también empresarial. Toda vez que el petróleo

constituye la base de la economía nacional, el Estado dispone de esos recursos para cubrir las diversas necesidades de salud, educación, seguridad nacional, etc. Pero, si el Estado le asigna recursos a PETROECUADOR para cubrir sus presupuestos operativos y de inversiones, e incluye los costos ambientales en los costos de producción, entonces la renta petrolera es menor y el Estado dispone de menos recursos económicos para cubrir las otras necesidades. Ahí es cuando los gobiernos de turno convierten a PETROECUADOR en caja chica o "cajero automático" al sacarle recursos de su presupuesto y no transferirle sus asignaciones.”

L’alliance avec Lucio Gutierrez leur donne accès à 4 ministères, dans le cadre d’un gouvernement hétéroclite dit « pluraliste et de concertation nationale », intégrant des représentants des partis classiques de droite, et des représentants des mouvements sociaux. Mais lors d’une visite aux Etats-Unis, il s’auto proclame « meilleur ami des Etats-Unis », alors sous la présidence de Georges Bush. Puis, après avoir signé une lettre d’intention avec le Fonds Monétaire International, il en fait son programme politique, ce qui entérine la rupture avec l’aile gauche de son mouvement.

Par la suite, son gouvernement est régulièrement renouvelé, tandis qu’il place des personnes proches, notamment des militaires, à des postes clef de ministres, présidents des entreprises publiques ou gouverneurs de provinces. Fin 2003, un scandale révèle la disparition de grandes quantités d’armes des stocks de l’armée, qui auraient probablement été procurées aux Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC). Par la suite, les accusations de corruption se multiplient, mais Gutierrez parvient à consolider son pouvoir en renforçant ses alliances avec la droite, notamment avec les alliés de l’ancien président Bucaram, exilé au Panama depuis sa destitution. Puis il cherche à mettre en place un régime de plus en plus autoritaire jusqu’à se considérer comme un « dictacrate », expression qui fera date. Les maires des plus grandes villes du pays appellent alors à des manifestations, qui atteignent un point tel que, le 15 avril 2005, Gutierrez déclare l’Etat d’urgence et met en place des mesures autoritaires : il ordonne la dissolution de la cour suprême de justice, fait de Quito une zone de sécurité et suspend plusieurs droits civils comme la liberté d’expression et de réunion à des fins pacifiques ou le droit de circuler librement dans le pays. Considérant que Gutierrez devient réellement un dictateur, les mouvements sociaux s’intensifient et le 20 avril, la mobilisation est telle que les forces armées lui retirent leur soutien et permettent sa destitution. Le vice- président Alfredo Palacio le remplace alors à la présidence jusqu’à la fin du mandat.

Parallèlement aux réformes structurelles, les IFI incitent à la création de plusieurs fonds souverains, dont le Fonds de stabilisation pétrolière (FEP) en 1998 et le Fonds de Stabilisation, Investissement social et Productif et Réduction de l’Endettement Public (FEIREP) en 2002. Le premier est censé permettre de faire face aux variations des recettes pétrolières : il reçoit les bénéfices « exceptionnels » générés par le secteur pétrolier, qui servent à financer une stabilisation de celui-ci.

Dans les faits, il contribue à compenser les dépenses générées par l’importation de produits dérivés du pétrole, la capacité de raffinage nationale ne suffisant plus à répondre à la demande. Le second reçoit les bénéfices obtenus de l’exportation des bruts lourds produits par les compagnies privées (autour de 500 millions par an, soit 16% de la rente pétrolière), qu’il pré-assigne à différents secteurs : 70% vont au service de la dette, 20% à la stabilisation des revenus pétroliers, et 10% à l’investissement dans la santé et l’éducation. Ce fonds symbolise alors l’emprise des IFI sur la rente pétrolière et l’Etat.

2.4 La politique pétrolière sous Rafael Correa : de l’effervescence

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