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La réforme des contrats pétroliers : un pillage des ressources soutenu par les institutions financières internationales

L’économie équatorienne redémarre à la faveur d’un pétrole qui atteint des cours historiquement hauts entre 2005 et 2014 et permet l’augmentation presque constante des revenus de l’Etat ainsi qu’un redressement des taux de pauvreté (Labarthe, 2017). Néanmoins, l’accès de l’Etat équatorien à ce nouveau boom pétrolier reste limité. En effet, durant les deux « décennies perdues », alors que la production nationale a presque constamment augmenté (voir figure ci-dessous), les conditions d’accès à la rente pétrolière de l’Etat équatorien se sont largement dégradées, dans le cadre d’une réouverture du secteur pétrolier aux investissements privés.

Figure 16 Production nationale totale de pétrole brut entre 1972 et 2016. Source : réalisation propre d’après BCE, 2018)

Notes : (1) La forte baisse de 1987 correspond aux tremblements de terre en lien avec le volcan Reventador ; (2) La stagnation des années 1990 correspond à l’atteinte des limites des capacité de transport du SOTE ; (3) Le pic en 2003-2004 fait suite à la construction de l’OCP ; (4) Le ralentissement de la production dès 2005 fait suite à l’expropriation d’OXY et à la loi42-2006 (voir plus loin).

Dans un contexte où l’Etat se trouve en position de faiblesse pour négocier la répartition de la rente, différentes réformes conduisent d’une part à l’affaiblissement de l’entreprise publique Petroecuador, d’autre part à une réforme des modalités contractuelles largement en défaveur de l’Etat (voir plus haut).

L’évolution des modalités contractuelles vers la diminution de la participation de l’Etat aux activités pétrolières

La réouverture du secteur pétrolier aux investissements privés en Equateur donne lieu à huit « rondes de licitation » entre 1983 et 1995. La région amazonienne d’Equateur est alors divisée en « blocs » d’environ 200 000 hectares, dont 18 trouvent preneurs. Les compagnies privées sont invitées à investir selon deux modalités contractuelles principales : la prestation de services, durant les 6 premières rondes (1983-1990), et la participation à la production durant les deux dernières (1994-1995).

Les six premières rondes de licitation se déroulent entre 1983 et 1990, et proposent des modalités contractuelles de « prestation de services pour l’exploration et la production » de pétrole, selon lesquelles les compagnies privées exploitent le pétrole qu’elles livrent directement à l’entreprise publique équatorienne.

Cette dernière leur rembourse les investissements et coûts de production, en plus d’un paiement pour les services (Baby et al., 2014).

Petroecuador perd alors une part de souveraineté sur la production, mais conserve une souveraineté sur le transport et l’exportation. D’après Arauz (2004), ces contrats donnent des résultats négatifs pour l’entreprise publique : jusqu’en 1999, Petroecuador récupère un peu moins de 12% des revenus générés par ces contrats, soit un montant inférieur aux royalties que l’entreprise publique doit reverser à l’Etat (18,5%). La gestion de l’exploitation pétrolière privée par Petroecuador est alors structurellement déficitaire. En outre, « dans la pratique, en raison du fait que la commercialité fût déclarée pour des champs marginaux et que le paiement aux entreprises fût privilégié, l’Etat – qui se retrouvait au bout de la chaîne de répartition – reçût des montants bien inférieurs à ceux qui furent initialement établis. » (Baby et al., 2014 : 251).

La loi 44 de 1993 introduit la figure des contrats de participation39, où la répartition de la rente se fait directement en pétrole, dont l’Etat reçoit une partie, tandis que les entreprises privées peuvent de nouveau exporter directement une part du pétrole qu’elles produisent, sans passer par l’entreprise publique. Les contrats signés à l’occasion des 7ème et 8ème rondes de licitation se font selon cette modalité.

Parallèlement, la plupart des contrats de prestation de services sont transformés en contrats de participation, à l’exception du contrat d’AGIP concernant le bloc 10. La seule entreprise privée à produire en prestation de services après 1999 est AGIP, dont les activités donnent lieu à la perception par Petroecuador de 28% des recettes brutes (Arauz, 2004).

Ainsi, en 1999, toutes les entreprises privées sauf AGIP, au lieu de recevoir un paiement pour sa production et le remboursement des investissements, se contentent de reverser une part du pétrole qu’elles produisent à l’Etat. Les entreprises ne paient plus de royalties, et l’impôt à la rente est baissé à 25% (Art. 54 et 57), tandis qu’elles obtiennent le droit de participer à toutes les activités pétrolières, du transport à la commercialisation (Art. 3). Selon les différents

39 Deux modalités contractuelles de moindre importance apparaissent également : les contrats de services spécifiques, dont le fonctionnement n’est pas clairement encadré par la loi, et les contrats de champs marginaux. Ces derniers sont les plus intéressants pour l’Etat, mais ne concernent que des champs représentant moins de 1% de la production nationale : l’Etat obtient entre 55 et 75% de la production dans les 6 champs concernés (Arauz, 2004).

contrats, l’Etat se voit attribuer entre 10 et 32% de la production des champs opérés par des entreprises privées (Arauz, 2004). En outre, plus d’un milliard de $ disparaissent dans l’opération :

« La modification des contrats de prestation de services pour passer au contrat de concession nommé de participation, on ne procéda pas aux liquidations du cas, et les soldes que devait Petroecuador passèrent aux nouveaux contrats pour une somme d’environ 1,1089 milliard de dollars et les remboursements et taux de services pour une somme semblable disparurent des actifs de Petroecuador au préjudice de toute la nation. » (Arauz, 2004 : 61)40.

Petroecuador contrôle encore le transport via le système oléoduc transéquatorien (SOTE), mais celui-ci arrive à saturation dans le courant des années 1990, ce qui contraint l’Equateur à limiter sa production en deçà de 400 000 barils par jour.

La construction d’un second oléoduc, l’« oléoduc de bruts lourds », s’opère entre 2001 et 2003 sur la base d’investissements privés, réunis dans le consortium OCP : un groupe composé des principales entreprises privées présentes en RAE se retrouve en charge du transport du pétrole qu’elles produisent jusqu’à la côte. Ces réformes permettent alors aux entreprises privées de reprendre un contrôle direct sur une partie de la production d’Amazonie équatorienne, en se chargeant directement du transport et de l’exportation de la part de la production qui leur revient.

Au tournant des années 2000, les principaux contrats pétroliers avec des entreprises privées attribuent, ainsi, une part des richesses produites à l’Etat équatorien qui contraste fortement par rapport aux conditions obtenues par association avec Texaco et City. En outre, bien que l’impôt à la rente diminue de 87 à 25%, Arauz (2004) montre que beaucoup d’entreprises privées ne le paient pas à la faveur de résultats déclarés négatifs : en 2002 son total s’élève ainsi à seulement 24 millions de $.

40 « Al modificar los contratos de prestación de servicios para pasar al de concesión denominado de

participación, no se hicieron las liquidaciones del caso, los saldos que debía Petroecuador pasaron a los nuevos contratos por una suma de alrededor de los 1.108,9 billones de dólares y los reembolsos y tasas de servicio por una suma parecida desaparecieron de los activos de Petroecuador en perjuicio de toda la nación.”

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