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CHAPITRE I LES PAYS DE L’UEMOA : UNE SITUATION

3. Le retour des Etats-Unis d’Amérique

Jusqu’à ces dernières années, l’Afrique n’a occupé qu’une place restreinte dans la politique extérieure des Etats-Unis. Ce continent, dont la sécurité était laissée à la charge des anciennes puissances coloniales, était considéré comme périphérique.

Avec l’effondrement de l’influence soviétique, l’Afrique a cessé, à la fin des années quatre-vingts, d’être un enjeu de la rivalité des deux superpuissances et on a pu constater un certain désengagement des Etats-Unis qui ont notamment fermé les deux tiers des bureaux de l’USAID. La dégradation continue des économies africaines et les risques de conflits les ont néanmoins amené à renforcer leur présence, essentiellement par le biais des institutions de Bretton Woods et des conditionnalités économiques et politiques liées à leurs interventions.

Un tournant a été observé récemment, avec l’annonce de l’African Act et la visite du Président Clinton.

Le Président Bill Clinton a en effet effectué un grand périple de douze jours en mars 1998, rendant visite à six pays africains, dont un seul de la zone Franc : le Sénégal.

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Ce voyage avait non seulement pour but de soutenir les relations commerciales entre les Etats-Unis et l’Afrique, mais également d’exposer la stratégie de développement américaine dans ces pays. Ce voyage a revêtu un caractère exceptionnel dans la mesure où, depuis la création des Etats-Unis, seuls deux présidents américains s’étaient déplacés en Afrique.

Cette initiative faisait suite à celle prise en juin 1997 par l’« African Growth and Opportunity Act » (loi sur la croissance et les débouchés en Afrique), doté de deux fonds d’investissement pour un total de 650 millions de dollars, le premier, destiné à créer des infrastructures en matière de transports et de télécommunications, le second, spécialisé dans le capital-risque et la création d’entreprises.

Ce texte a pour objet d’éliminer la plupart des droits de douane pour les produits africains importés aux Etats-Unis, et vise à instaurer un sommet américano-africain, sur le modèle de l’APEC (forum de coopération économique Asie-Pacifique), où devra être discuté le projet d’une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Afrique.

Les Américains s’adressent en priorité aux milieux d’affaires, invités à s’intéresser à un marché inexploité de quelque 700 millions de consommateurs potentiels et que la globalisation des échanges rend incontournable.

Le nouveau partenariat entre l’Amérique et l’Afrique concerne le commerce et les investissements privés, et beaucoup moins l’assistance économique au développement, laquelle s’est considérablement réduite au cours des cinq dernières années, puisqu’elle est passée de 1,2 milliard de dollars en 1992 à 0,96 milliard de dollars en 19971. Pour la seule Afrique subsaharienne, elle a été de 782 millions de dollars en 1997 alors que celle de la France s’est élevée à 2 450 millions de dollars soit près de quatre fois plus.

Le commerce bilatéral, tout en progressant substantiellement, reste marginal : en 1997, l’Afrique représente 2,3 % des importations américaines et 1,7 % de leurs exportations. Les Etats-Unis sont néanmoins devenus le deuxième partenaire commercial de l’Afrique, avec des importations de produits africains qui ont atteint 21,4 milliards de dollars en 1997, tandis que leurs exportations vers l’Afrique -qui ont augmenté de 7,7 % en 1995 par rapport à 1994, et de 7 % en 1996 par rapport à 1995- atteignaient 11,4 milliards de dollars en 19972. Les flux d’investissements étrangers représentaient 1,3 milliards de dollars en 1996.

La volonté américaine d’implantation en Afrique est donc réelle, comme le montre l’importance donnée aux programmes gouvernementaux d’investissement : ces derniers marquent une progression de plus de 54 % entre 1995 et 1997, et leurs financements ont augmenté de 25 % sur cette période3.

L’intérêt nouveau marqué par les Etats-Unis pour l’Afrique ne semble pas traduire chez eux l’émergence d’une priorité nouvelle dans leur politique extérieure. La diplomatie reste essentiellement pragmatique et orientée par des

1 Zecchini Laurent - Le Monde des 22-23 mars 1998.

2 Source : Organisation mondiale du Commerce - Rapport annuel 1998.

3 Ministère de l'Economie et des finances - DREE ; L'Afrique subsaharienne : quelles stratégies pour quelle croissance ? ; novembre 1998.

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considérations économiques et commerciales. Il n’en reste pas moins que cette nouvelle diplomatie américaine vers l’Afrique apparaît aujourd’hui plus volontariste que par le passé, tant sur le plan politique que sur le plan économique et financier. Les Etats-Unis entendent, en effet, se servir de l’aide aux pays africains comme d’un levier pour y déployer leur influence.

Les Américains reconnaissent aujourd’hui que le processus de développement a été trop longtemps compliqué par la compétition entre l’Est et l’Ouest. Pour eux, tourner la page de la guerre froide, c’est abolir pour l’essentiel une aide aux pays en développement, qui n’était qu’un moyen de les tenir en dehors de l’emprise soviétique. Pour le Président américain, l’aide devrait aller aux plus démunis et non aux « castes dirigeantes »1. Dans cet esprit, les interventions américaines s’exercent soit bilatéralement, soit au travers du FMI et de la Banque Mondiale, dans le sens d’un soutien explicite à la démocratisation et à l’instauration d’Etats de droit (au Togo, par exemple).

Enfin, si les Etats-Unis veulent intégrer plus étroitement l’Afrique dans l’économie mondiale, c’est aussi pour éviter d’avoir à y intervenir en cas de crise. De la criminalité transnationale au terrorisme, du trafic de drogue à la dégradation de l’environnement et à la préservation des sources d’énergie (20 % du pétrole consommé aux Unis provient d’Afrique), la sécurité des Etats-Unis passe par la stabilisation économique et démocratique subsaharienne, notamment par le développement des relations bilatérales avec un certain nombre de pays avec lesquels ils entretiennent une politique de présence militaire, tels que le Sénégal2.

Mais la signification du voyage du Président américain en Afrique tient surtout dans le fait qu’au credo traditionnel « Trade not aid », il tient à substituer un nouvel objectif : « Trade and aid » (du commerce mais aussi de l’aide).

Pour les Américains, les Africains doivent cesser de tendre la main à leurs partenaires au développement ; ils doivent se prendre en charge eux-mêmes. Une opinion que partage le Ministre sénégalais de l’énergie, des mines et de l’industrie qui déclarait récemment que « l’initiative du Président Clinton, qui vise à promouvoir les échanges avec l’Afrique et les partenariats commerciaux plutôt que la dépendance à l’égard de l’aide, est la clé du développement en Afrique »3.

Parallèlement à ces évolutions, l’Afrique et notamment les pays de l’UEMOA ont connu de profondes mutations.

B - DES PROGRÈS RÉCENTS SE SONT FAIT JOUR DANS LES DOMAINES ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES

Depuis ces dernières années et surtout après la dévaluation du CFA en 1994, l’Afrique a renoué avec la croissance.

1 Jeune Afrique Economie, 4-17 mai 1998.

2 Cf. chapitre II « Une coopération militaire réorientée ».

3 Interview donnée à Washington le 12 février 1998 à l’Agence d’information des Etats-Unis, citée in Jeune Afrique Economique du 16 mars 1998.

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