• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I LES PAYS DE L’UEMOA : UNE SITUATION

7. Le défi démographique et ses conséquences socio-économiques

II - 55

Les pays développés sont conscients du problème au point que différentes initiatives ont vu récemment le jour.

Le 12 mars 1999, la France a proposé de suspendre pendant trente ans les remboursements du service de la dette pour les pays bénéficiant de l’initiative PPTE et d’offrir un traitement plus avantageux, notamment à travers un encouragement aux mesures de conversion de dette en investissement aux autres pays en développement. L’initiative française repose également sur un principe de responsabilité. Les mesures exceptionnelles d’allégement de la dette bénéficieront aux pays menant des politiques transparentes et progressant vers une meilleure « gouvernance » dont les règles contraignantes ne sont pas toujours les mieux adaptées à la réalité africaine. Les ressources dégagées par les annulations seront affectées à des projets de développement au profit des populations.

Pour sa part, le 16 mars, le Président des Etats-Unis a proposé à la communauté internationale un allégement de 70 milliards de dollars, allant plus loin que le Royaume-Uni dont la proposition s’élevait à 50 milliards de dollars.

La question sera examinée au cours de la prochaine réunion du G 7, le 19 juin 1999, à Cologne.

7. Le défi démographique et ses conséquences socio-économiques

II - 56

Cet accroissement démographique s’est accompagné d’une urbanisation accélérée. En 1960, l’urbanisation en Afrique de l’Ouest était très ponctuelle, la région restait majoritairement rurale. Simple village au début du siècle, Abidjan héberge aujourd’hui deux millions et demi de citadins. L’urbanisation a été le résultat d’un phénomène d’attraction. Ainsi en Côte d’Ivoire où la réussite agricole s’est traduite par une rapide croissance urbaine. Elle peut être imputable au contraire à des difficultés locales : au Mali, des villes comme Tombouctou, Mopti ou Gao se sont développées en raison des deux sécheresses qui ont chassé les populations rurales de leurs terres. On estime ainsi que les sécheresses qu’ont connu les pays du Sahel ont poussé plus de 1,6 million d’habitants à émigrer vers les zones urbaines. Ce phénomène a, semble-t-il, dépassé son paroxysme en Afrique de l’Ouest et l’on observe un réel ralentissement actuellement.

D’ailleurs malgré les sérieux problèmes d’aménagement de l’espace urbain, d’équipements de sécurité ou d’emploi, l’économie s’est adaptée à la croissance urbaine. Les villes ont donc multiplié les emplois pour accueillir les migrants, elles ont créé du capital immobilier : logement, infrastructures publiques etc.

Comme l’a souligné M. Michel Levallois « la ville devient le théâtre du développement. L’urbanisation devient le défi de l’Afrique et le moteur du développement car elle génère des marchés et de nouveaux services ».

Cette région se caractérise par une forte mobilité intra zone.

Indépendamment du phénomène général d’exode rural, on observe d’importants flux migratoires à motivations essentiellement économiques.

Ces flux se dirigent principalement des pays enclavés vers les pays côtiers.

Une complémentarité s’est instaurée entre les pays réservoirs de main-d’oeuvre - Burkina Faso et Mali - et les pays d’accueil où le développement des cultures d’exportation et l’exploitation forestière demandent une main-d’oeuvre importante. La Côte d’Ivoire est ainsi le premier pays d’immigration. 40 % de sa population est étrangère, ce taux atteint 60 % à Abidjan. Le « miracle ivoirien » a été en partie fondé sur l’arrivée massive de main-d’oeuvre étrangère. Les migrations vers ce pays proviennent essentiellement des pays avoisinants - Burkina Faso, Mali, Ghana, Liberia et Guinée. Le Burkina Faso (42 %) et le Mali (21 %) arrivent nettement en tête.

Comme en Côte d’Ivoire, les migrations vers le Sénégal remontent à l’ère coloniale. Elles ont pour principale destination le Sud du bassin arachidier. Elles proviennent en grande partie de Guinée Bissau, de Guinée, Gambie, Mauritanie et Mali.

La crise qui a frappé la région dans les années quatre-vingts s’est toutefois traduite par un changement d’attitude des pays d’accueil. La Côte d’Ivoire en particulier a connu certaines tensions qui se sont exprimées à travers la notion

« d’ivoirité ».

Les difficultés économiques face à une population en expansion posent en effet le problème de l’emploi. Lorsque l’on sait que près de la moitié de la population est âgée de moins de quinze ans - cette proportion varie de 42 à 49 % selon les pays - on peut prendre la mesure du problème de la formation et de la scolarisation en même temps que celui des emplois futurs.

II - 57

La situation en matière scolaire est peu brillante. Le taux brut de scolarisation primaire est de 72 % en Afrique de l’Ouest mais elle varie considérablement d’un pays à l’autre. Les pays sahéliens, fortement islamisés, de tradition pastorale et faiblement peuplés ont des taux de scolarisation encore faibles (25 % au Mali, 31 % au Burkina Faso) alors que les pays côtiers ont une tradition scolaire plus ancienne. Ce taux atteignait en 1995, 54 % au Sénégal, 59 % au Bénin et 85 % au Togo.

La crise et les dysfonctionnement du système éducatif, tant sur le plan institutionnel que pédagogique sont antérieurs à la mise en oeuvre des programmes d’ajustement structurel souvent mis en cause en raison de leur impact sur les budgets sociaux (santé, éducation). Compte tenu de l’expansion du système scolaire - la proportion d’enfants en âge d’aller à l’école est dans les pays africains 2,5 fois plus élevée que dans les pays industriels - les finances publiques de ces pays sont en tout état de cause dans l’impossibilité de faire face à un tel développement. Les dépenses publiques par tête (en dollars) ont baissé de moitié entre 1980 et 1986, le niveau des dépenses budgétaire d’éducation par tête, à prix constant s’est fortement dégradé dans les pays ACP durant cette période (- 10 % en moyenne) alors qu’ils ont augmenté dans les autres pays en développement1. Un tel contexte impose des choix en matière éducative. Il est prioritaire d’agir sur les services éducatifs ayant une influence immédiate sur la pauvreté : éducation de base primaire, apprentissage et enseignement alterné technique et professionnel, alphabétisation des adultes, amélioration de la formation en cours d’emploi dans l’informel, scolarisation des femmes, formation alternée dans le secondaire.

La problématique n’est pas tout à fait comparable en matière de santé.

Au cours des quinze années qui ont suivi leur accession à l’indépendance, les pays africains ont réalisé des progrès remarquables en matière de santé publique.

On a observé une baisse importante de la mortalité infantile et juvénile.

Néanmoins, les pays continuent à avoir des taux bien supérieurs à ceux constatés dans d’autres pays en voie de développement. Ainsi le taux de mortalité des moins de cinq ans même s’il est en forte réduction atteint encore en 1996, 220 ‰ au Mali, 223 ‰ en Guinée Bissau, 158 ‰ au Burkina Faso, 150 ‰ en Côte d’Ivoire, 140 ‰ au Bénin, 138 ‰ au Togo, 88 ‰ au Sénégal alors qu’il est de 39

‰ en Chine ou de 19 ‰ au Sri Lanka2.

L’Afrique connaît aussi quelques uns des problèmes généraux de santé les plus graves - et les plus persistants - notamment les maladies tropicales endémiques : paludisme, onchocercose sans parler du sida.

Parmi les pays de l’UEMOA, ce fléau frappe tout particulièrement la Côte d’Ivoire. D’après ONUSIDA, 10 % de la population serait séropositive à Abidjan, 9 % en milieu rural. La contamination des pays avoisinants se ferait notamment par le biais des travailleurs saisonniers immigrés, en majorité burkinabés.

1 Philippe Hugon ; Crise et population en Afrique ; Les études du CEPED - 1996.

2 Ce taux est de 6 ‰ en France comme dans la plupart des pays développés.

II - 58

Le traitement rétroviral couplé aux méthodes de prévention, qui permet de réduire le risque de maladie étant trop coûteux pour ces pays, la lutte contre le sida a d’abord porté sur des actions de prévention et de sensibilisation.

Encadré 5 : La lutte contre le sida Les actions entreprises en Côte d’Ivoire face au sida sont de plusieurs types :

- avant tout, un programme national de lutte contre le sida, a été mis en place dès 1987. Il a intégré les MST et la tuberculose depuis 1995. Ce programme a basé ses actions sur la sensibilisation et la promotion du préservatif dont le nombre vendu est passé de 500 000 en 1991 à 15 millions en 1997 ;

- dans le domaine de la prise en charge, des centres de prises en charge et de conseils ont été créés ;

- un forfait mensuel de 8 dollars US (5 000 francs CFA) pour le traitement des maladies opportunistes a été institué ;

- l’accessibilité et la disponibilité sur tout le territoire national des médicaments essentiels pour le traitement des maladies opportunistes est assurée ;

- un réseau de prise en charge des malades du sida a été créé et l’implication des personnes vivant avec le VIH dans la définition et la mise en oeuvre des politiques de lutte contre le sida est effective ;

- enfin, la Côte d’Ivoire assure la gratuité du traitement de la tuberculose depuis 1962, la tuberculose étant la première cause de morbidité et de mortalité liée au sida.

Source : ONUSIDA - ministère de la santé en Côte d’Ivoire.

La Côte d’Ivoire fait partie des quatre pays pauvres (avec le Vietnam, l’Ouganda et le Chili) qui bénéficient de l’initiative lancée en août 1998 par le programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), destiné à améliorer l’accès aux médicaments.

En Côte d’Ivoire, cinq centres sur les huit prévus sont en fonctionnement. Il est cependant illusoire de croire que les 840 000 séropositifs de Côte d’Ivoire vont pouvoir bénéficier de l’usage des bithérapies de base, qui offrent une espérance de vie plus longue aux personnes atteintes. Dans un pays où le SMIC est fixé à 45 000 francs CFA par mois, ce traitement ne sera accessible qu’aux plus fortunés.

Par ailleurs, le programme devrait se clore dans deux à trois ans alors que pour être efficace, il doit être suivi « ad vitam eternam ». Le gouvernement ivoirien étudie l’idée d’un fonds de pérennisation qui pourrait être financé par des taxes sur l’alcool et le tabac.

*

* *

Ainsi que l’indiquait M. Michel Levallois « les difficultés de l’Afrique de l’Ouest sont l’expression d’une transition plus que d’une crise »1. Aussi, les problèmes que connaît cette région, bien moindres d’ailleurs que ceux d’autres parties du continent ne doivent pas occulter les progrès qu’ont connus les pays de

1 M. Michel Levallois, président du Comité de Coordination pour l’Afrique de demain, au cours de son audition devant la section des Relations extérieures le 7 avril 1998.

II - 59

l’UEMOA au cours de ces dernières années tant au plan politique qu’économique. Ceci est d’autant plus vrai que cette zone dispose d’un certain nombre d’atouts qu’il lui appartient de valoriser.

II - DES ATOUTS À VALORISER

Ces atouts sont nombreux. Certains sont d’ailleurs propres à cette région d’Afrique. Tel est le cas notamment du processus d’intégration mis en oeuvre dans le cadre de l’UEMOA et de l’Union monétaire que constitue la zone franc.

Par son existence même, l’UEMOA est déjà une réussite. Elle prépare les huit pays de la zone à intégrer l’économie mondiale, même si les difficultés pour y parvenir sont nombreuses. Enfin, sa réussite à terme ne peut qu’être un exemple pour d’autres zones d’Afrique tentées à leur tour par cette expérience.

L’accélération des évolutions de l’économie internationale et sa complexité croissante ont montré que seuls des ensembles organisés, structurés et constituant en eux-mêmes des marchés dynamiques pouvaient faire face à la concurrence externe et participer à la mondialisation des échanges.

Devant une mondialisation croissante de l’économie, la part de l’Afrique dans le commerce international - déjà faible depuis longtemps - risque de diminuer encore davantage, tandis que d’autres continents, particulièrement l’Europe et l’Amérique, se dotent de grands ensembles économiques et politiques. Si l’Afrique veut éviter d’être définitivement marginalisée, elle ne peut trouver la voie du progrès que dans une dynamique d’intégration régionale sans cesse renforcée et organisée.

Conscients de l’impérieuse nécessité de s’unir autour d’objectifs clairement définis, sept pays d’Afrique de l’Ouest ont signé le 10 janvier 1994 à Dakar le Traité instituant l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA)1, rejoints par la Guinée Bissau en mars 1997.

Largement inspirée des principes de l’Union européenne, l’UEMOA, selon la volonté exprimée par les chefs d’Etats fondateurs, doit être un nouveau cadre destiné « à faciliter la réalisation des objectifs de croissance et de développement » des pays membres.

Le rôle des institutions dans l’intégration économique apparaît capital.

Dans cet esprit, les Etats francophones d’Afrique de l’ouest se sont dotés de structures institutionnelles à la mesure de leurs ambitions économiques et politiques.

Depuis la signature du Traité, un immense progrès a été accompli dans la mise en place et le fonctionnement de l’UEMOA, aidée par l’Union européenne qui a toujours montré un grand intérêt et une réelle solidarité en apportant son appui aux actions de développement menée par les pays d’Afrique.

Il n’en demeure pas moins qu’avec la réalisation d’un marché unique, la baisse des recettes douanières qui représentent une part importante des ressources budgétaires, laisse planer une incertitude sur les économies de la zone.

1 Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Togo, Sénégal.

II - 60

En outre, il conviendra de veiller à aménager des transitions qui permettent à des économies encore fragiles d’absorber le choc de l’ouverture et que celle-ci se fasse au bénéfice des populations.

Bien que la création de ce marché de 67 millions de personnes constitue un progrès, on ne peut ignorer de plus que le grand voisin nigérian (120 millions d’habitants) continuera de peser sur les économies de la zone. « En Afrique de l’Ouest, le Nigeria reste un partenaire incontournable à la fois attractif et effrayant1 ».

C’est d’ailleurs à son initiative que fut créée la CEDEAO en 1975, dans le but de développer les échanges entre les seize pays signataires et d’assurer leur sécurité.

Très vite, la CEDEAO a été paralysée pour diverses raisons : hétérogénéité de la zone, absence de politique commune, poids du Nigeria, différences de langues2.

A - VERS LINTÉGRATION ÉCONOMIQUE DE LUEMOA

L’intégration économique et régionale en Afrique de l’Ouest n’est pas nouvelle.