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CHAPITRE II QUELLE COOPÉRATION AVEC LES PAYS DE

2. La colonisation

Sur le plan économique1, jusqu’en 1900, l’Afrique Occidentale vit essentiellement d’économie de subsistance sauf quelques régions limitées, proches des côtes tel l’Ouest du Sénégal gagné peu à peu par la culture de l’arachide.

Les pouvoirs publics vont s’engager tardivement dans la mise en valeur des territoires d’outre mer, en réalité à partir des années vingt. Jusque là, les rapports économiques relèvent de ce que l’on a appelé le « pacte colonial »2.

En 1901, une loi instituait l’autonomie financière des territoires qui, grâce à des impôts de capitation et des taxes douanières devaient se suffire à eux-mêmes.

L’Etat n’apparaissait que dans son rôle législatif ou réglementaire et garantissait au secteur privé sollicité d’investir, des services à finalité économique (infrastructures : ports, réseaux routier et ferroviaire, communications, santé, éducation...) et des tarifications douanières qui assuraient débouchés et monopole d’accès à des matières premières.

2.1. 2.1. La mise en valeur de l’Afrique Occidentale

C’est à cette époque qu’est élaboré le programme Sarraut du nom du ministre des colonies de 1920, qui fera date puisqu’il va inspirer les interventions françaises dans l’outre mer jusqu’à une période récente.

La doctrine Sarraut constituait une innovation, elle reposait non sur « le droit du plus fort » mais sur « le droit du fort à aider le faible ». C’est la politique d’association qui veut « à mesure de leur capacité, associer ses protégés, les appeler progressivement à la gestion de leur pays, les habiliter par l’éducation à cette collaboration ».

Ce programme prévoit, entre autres, la création et l’aménagement d’installations de transport et d’infrastructures, l’amélioration des méthodes de culture, l’introduction de nouveaux systèmes de production à l’aide de l’irrigation, l’extension des zones de culture, l’exploitation des ressources minières. Toute cette mise en valeur est programmée, territoire par territoire, sur un terme de quinze à vingt ans. Cette innovation s’accompagne d’une autre : tout doit se faire en association étroite avec les populations que l’on doit gagner à l’économie de marché afin qu’elles ne soient plus seulement productrices pour l’exportation vers la France mais aussi consommatrices d’importation (de France).

Cependant, faute de capitaux, requis par la reconstruction de la France après la guerre, les financements nécessaires à la mise en oeuvre de ces programmes ne purent être trouvés et il faudra attendre les effets de la crise de 1929 pour que l’Etat intervienne.

La grande dépression se traduit en effet par un effondrement du cours des matières et une chute brutale des exportations qui entraînera du même coup la baisse des importations venant de France1.

1 Claude Freud ; L'Afrique au XXe siècle, quelle coopération ? ; Karthala 1988.

2 Ce système imposait aux colonies de développer des productions dont la métropole avait besoin et de recevoir en retour ce que cette dernière produisait.

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Aussi, le 6 août 1933, le Parlement établit des droits de douanes sur les oléagineux et une taxe sur les arachides en cosse importées de l’étranger. Le produit de ces prélèvements est affecté sous forme de subvention aux paysans sénégalais.

Par ailleurs, compte tenu de la réduction drastique des débouchés à l’étranger pour les productions françaises, une union douanière avec les Territoires d’outre mer est créée. Un bloc franco-colonial, en rupture avec les circuits mondiaux, se met ainsi en place, ce qui va accentuer l’interdépendance entre la France et ses colonies.

2.2. 2.2. Une interdépendance croissante, l’implication de l’Etat

Désormais, la mise en valeur des colonies allait devenir l’affaire de l’Etat qui allait assumer pour l’essentiel le financement de leur développement. En 1931, André Maginot, ministre des colonies, fait adopter un plan de grands travaux. Ceux-ci vont pouvoir être entrepris grâce à des emprunts coloniaux garantis par l’Etat et alimentés par des capitaux privés qui ne trouvent pas à se placer ailleurs.

Alors que l’Etat développe les infrastructures et administre, les particuliers investissent des capitaux surtout dans les affaires commerciales (CFAO, SCOA), beaucoup moins dans les plantations.

Les chemins de fer arrachent l’intérieur à son isolement. Les voies de pénétration : de Dakar au Soudan, d’Abidjan à Bobo Dioulasso, de Cotonou au Nord du Dahomey représentent 3 800 kms en 1940.

Les routes commencent à concurrencer le rail avec l’apparition de l’automobile. En 1931, l’AOF possède 50 000 kms, en 1945, 76 000 kms mais de condition médiocre. Mille à peine sont empierrées et bitumées.

L’avion rapproche Afrique et Europe. Vers 1940, il suffit de quatre jours pour aller de Paris à Abidjan alors qu’il en faut quinze par voie maritime.

Les ports - Dakar - Conakry - se développent avec l’accroissement des échanges. L’arachide passe de 123 000 tonnes exportées en 1901 à 640 000 en 1939.

Les liens commerciaux se resserrent entre la France et l’Empire, d’une part parce que l’économie métropolitaine manque de débouchés, d’autre part parce que les colonies ne peuvent trouver une assistance économique qu’auprès de la métropole.

Tableau 20 : Commerce entre la France et l’Afrique Occidentale

1932 1938 Exportations Importations Exportations Importations

1 Le quintal d’arachide passe de 250 francs en 1927 à 70 francs en 1933, les exportations de 521 000 tonnes en 1930 à 203 000 tonnes en 1932. La perte de recettes est estimée à 285 millions de francs en 1931. La chute des importations dépasse 50 %. Les recettes budgétaires diminuent, les investissements s’arrêtent.

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66 % 45,5 % 82 % 61 %

Source : Claude Freud Op. Cit.

C’est dans le même esprit - celui du rôle de l’Etat dans le développement des colonies - que le gouvernement de Vichy élabore en 1941 un plan décennal qui ne verra évidemment pas le jour.

A la fin de la seconde guerre mondiale, il s’agit de mettre en pratique le grand principe énoncé à la Conférence de Brazzaville (janvier 1944) et d’associer les colonies à « la gestion de leurs affaires » sans pour autant accepter un affaiblissement de la souveraineté française. La priorité fut en effet accordée aux questions économiques et sociales et les recommandations portèrent sur l’amélioration des services sociaux, la suppression des pratiques les plus oppressives (travail forcé, statut de l’indigène), l’association des élites africaines aux échelons inférieurs de l’administration et une politique de croissance économique. Sur la question essentielle de l’avenir politique des colonies, la Conférence se prononça sans ambiguïté contre « toute perspective de self government, même lointaine ».

La IVe République prit des mesures allant dans ce sens. La loi du 30 avril 1946 met en forme un plan de développement économique et social des territoires d’outre mer dont le Fonds d’investissement et de développement économique et social des territoires d’outre mer (FIDES) et la Caisse Centrale de la France d’outre mer (CCFOM) sont les instruments.

Les infrastructures se développent (port d’Abidjan par exemple), des territoires sont désenclavés, des productions connaissent un essor remarquable : le coton avec la création en 1949 de la Compagnie française pour le développement des fibres textiles. On observe une forte croissance des exportations coloniales mais cette expansion se fait dans une stricte intégration à l’économie métropolitaine, grâce à un régime douanier qui garantit un monopole de transactions et grâce à un régime de surprix qui va préserver producteurs, importateurs et exportateurs des aléas du marché mondial.

Au plan politique, la Constitution de 1946 préserva l’unité de l’AOF mais une certaine autonomie était reconnue aux territoires. Les élections se faisaient selon deux collèges, l’un de statut métropolitain, l’autre de statut local.

Le suffrage universel fut instauré en 1956 par la loi cadre Deferre. Elle donna à chaque territoire un Conseil de gouvernement émanant de l’Assemblée territoriale mais elle priva la fédération d’un pouvoir exécutif, renforçant les tendances à l’éclatement de l’AOF.

Le débat fut relancé en 1958 avec le retour au pouvoir du général de Gaulle. Le référendum de septembre 1958 qui offrait le choix entre libre association et sécession recueillit 96 à 99,9 % de oui en faveur du maintien du lien avec la France, sauf au Niger (76 %) et une majorité de non en Guinée. La Communauté comprit outre la France, douze Etats dont ceux de l’UEMOA qui jouirent de l’autonomie interne. Cependant avant même que les institutions communes ne fonctionnent, il en était déjà qui se regroupaient - le Sénégal et le

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Soudan pour former la Fédération du Mali - et d’autres qui réclamaient l’indépendance. Celle-ci est accordée en 1960 sans effusion de sang.

2.3. 2.3. Les relations économiques après l’indépendance

Les premières années de l’indépendance perpétuent le système antérieur avec l’accès privilégié au marché français dans des conditions de surprix. Le FIDES devient le FAC, la CCFDM devient la Caisse Centrale de coopération économique.

La vraie mutation date des années 1965-1967 avec la signature de l’accord de Yaoundé, associant les ex-colonies à la Communauté économique européenne1.

Les principes de base de l’association entre les Etats africains et la CEE sont l’élimination des droits de douane des tarifs nationaux, ce qui entraînait l’alignement sur les cours mondiaux et l’octroi d’une aide pour atténuer les conséquences d’une baisse des cours mondiaux au-dessous d’un cours moyen à établir comme référence. Les surprix payés par la France concernaient en effet tous les produits tropicaux : l’arachide en premier lieu mais également le caoutchouc, le café, le sisal, le manioc (loi du 21 mars 1931), la banane (loi du 1er janvier 1932), l’ananas (loi du 28 avril 1932), l’huile de palme (décret du 12 janvier 1934) ; le coton qui bénéficiait de soutien pour chaque kilo exporté, est doté d’un régime particulier à la suite de l’accord de 1950 avec le syndicat général de l’industrie cotonnière française. A titre d’exemple, l’huile de palme se vendait 108 francs le quintal alors que les cours mondiaux étaient de 80 francs.

L’alignement sur les prix mondiaux (soit 25 % de réduction) devait être compensé par une augmentation des rendements de 25 %, qui serait obtenue grâce aux aides à la production.

Les politiques de soutien prévues par la CEE ont effectivement permis des gains de productivité mais elles n’ont pas suffi à compenser le choc de la baisse des prix. Grâce à la progression du cours des matières premières agricoles et minières durant la période 1974-1979 et à un endettement facile, le choc a été atténué jusqu’au début des années quatre-vingts.

Il n’en demeure pas moins que l’intégration et le recentrage des économies nationales n’avaient pas progressé.

1 Voir ci-après VI., A. « La France et la politique européenne : l’après Lomé IV ».

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Le deuxième choc pétrolier, la hausse du dollar, la chute des matières premières, la charge de la dette ont provoqué la crise de la décennie quatre-vingts à l’issue de laquelle les pays d’Afrique francophone ont dû faire appel au FMI et à la Banque Mondiale bien que la France ait maintenu un effort constant et qu’elle soit restée le premier bailleur de fonds dans la région et le premier partenaire économique.

B - LA FRANCE, PREMIER PARTENAIRE ÉCONOMIQUE DE LUEMOA

En 1999, la France reste le premier partenaire économique de cette région du monde même si l’UEMOA ne représente qu’une faible part de nos échanges commerciaux (0,6 % en 1998) et de nos investissements à l’étranger.