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CHAPITRE I LES PAYS DE L’UEMOA : UNE SITUATION

3. Un tissu industriel faible

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essentiellement ses échanges sur la Thaïlande (et seulement 0,8 % sur le Japon), tandis que les exportations du Togo vers l’Asie représentent 10,6 % de ses exportations totales.

Tableau 11 : Répartition des exportations du Mali et du Togo vers les différents pays de l’Asie de l’Est - 1995-1997 (en % des exportations mondiales

de ces deux pays africains)

Pays de destination Part des exportations du Mali du Togo

Japon 0,8 % 2,5 %

Thaïlande 20,5 % 1 %

Indonésie 1,6 % -

Malaisie 2,3 % 1,8 %

Philippines 0,5 % 2,9 %

Hong-Kong - 0,3 %

Singapour - 2,1 %

Total 25,7 % 10,6 %

Source : Marchés tropicaux n° 180, du 22 janvier 1999.

Au Sénégal, le secteur des conserveries de poisson a été durement touché par les dévaluations asiatiques, en particulier par la Thaïlande qui propose des conserves de poissons à des prix défiant toute concurrence. En octobre 1998, trois conserveries ont été obligées de mettre leur personnel au chômage technique, ce qui a concerné trois mille salariés. Ces arrêts forcés de production ont entraîné l’impossibilité pour les filières thonières d’absorber les pêches de thon quotidiennes, alors que ce secteur représente le premier poste d’exportation du Sénégal, avec 165 milliards de francs CFA de recettes en devises en 1998.

Globalement, on peut ainsi constater que les pays de l’UEMOA ont été relativement épargnés par la crise asiatique en 1998 ; c’est le cas notamment de la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao (40 % de la production mondiale) et sixième producteur de café, qui a bénéficié de cours favorables sur ces deux produits.

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- des industries de substitution aux importations : certaines industries alimentaires, industries textiles, transformation simple des métaux ou du plastique, industries de matériaux de construction ;

- des industries de transformation de ressources locales en particulier agricoles : huileries, sucreries, fabrication de beurre de cacao, valorisation des bois tropicaux, etc. ;

- des industries résolument tournées vers l’exportation : industrie textile ou sucrière de Côte d’Ivoire, conserveries de poisson au Sénégal et en Côte d’Ivoire, etc..

En revanche, il existait peu d’entreprises de fabrication de biens d’équipement. Les entreprises étaient orientées vers l’approvisionnement du marché local avec cependant une plus grande diversification en Côte d’Ivoire tenant probablement à sa situation de capitale régionale (moulins et biscuiterie, cimenterie, emballage).

En outre, l’industrie ivoirienne était davantage tournée vers la transformation des produits agricoles et forestiers pour l’exportation (décorticage de café et cacao, huileries de palme, industrie du bois) tandis que le Sénégal n’avait que quelques unités de trituration d’arachides.

Une nouvelle génération d’entreprises exportatrices est apparue en Côte d’Ivoire. Le rythme de croissance annuel du secteur manufacturier s’y est élevé à 9,3 % mais à 3,4 % seulement au Sénégal.

Plusieurs facteurs expliquent l’arrêt des investissements :

- l’étroitesse des marchés, la limite du développement de l’industrie de substitution aux importations1 ;

- le manque de compétitivité à l’exportation ;

- les difficultés financières des Etats, liées à la baisse des cours des produits de base, à l’endettement et à la croissance non maîtrisée des dépenses publiques, n’ont pas permis à l’Etat de continuer à jouer le rôle de promoteur de l’industrialisation qui avait été le sien au cours de la précédente décennie, en l’absence d’investisseurs locaux ; - la régression du pouvoir d’achat des ménages africains a pesé sur

leur consommation de produits manufacturés.

3.2. 3.2. La « nouvelle politique industrielle » des années 1980 Elle s’articule autour des points suivants :

1 La politique de substitution aux importations développée dans les années 60, repose sur le rôle clé joué par l’Etat. L’Etat prélève sur le secteur primaire les recettes pour financer l’industrie naissante protégée par des barrières douanières.

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- la refonte du système de protection aux frontières et l’abandon des protections non tarifaires. Le principe retenu a été celui de la suppression de toutes les restrictions quantitatives : licences d’importation et prohibitions d’importation sauf pour des raisons sanitaires ou d’ordre public. Au Sénégal ce démantèlement a été très brutal dans le secteur de la mécanique et du travail du métal, premier secteur touché (juillet 1986), les industriels locaux n’ayant eu que quelques semaines pour s’adapter, mais il a été plus progressif pour le secteur textile par exemple (janvier 1988). En Côte d’Ivoire, la suppression de la protection non tarifaire s’est accompagnée de la mise en place d’une surtaxe dégressive sur cinq ans, s’appliquant aux produits manufacturés des secteurs de l’agro-alimentaire, des engrais, du textile et de l’habillement et de la transformation du bois ;

- les incitations aux exportations : la protection de la production pour l’industrie d’import-substitution a eu pour contrepartie la mise en place d’un système de prime ou subvention pour encourager les exportations. Le champ d’application a concerné essentiellement : l’agro-alimentaire, les produits textiles, et la seconde transformation du bois ;

- le désengagement de l’Etat : il se manifeste par le remaniement du code des investissements, l’harmonisation du régime fiscal, la restructurations du secteur public et parapublic (privatisation des entreprises publiques) ;

- l’octroi des prêts internationaux : pour accompagner ces mesures et faciliter la restructuration des entreprises, la Banque mondiale a accordé des prêts (20 millions de dollars aux Sénégal et 29 millions de dollars en Côte d’Ivoire en 1998).

3.3. 3.3. Principales caractéristiques de l’industrie des pays de l’UEMOA, aujourd’hui

Aujourd’hui, la place du secteur industriel reste relativement réduite, d’autant que le secteur informel y joue un rôle important.

a) La place du secteur industriel est relativement réduite dans l’ensemble de l’UEMOA

L’industrie représente 12 % en moyenne de la valeur ajoutée totale1. Seule la Côte d’Ivoire possède une industrie diversifiée.

Toutefois même avec un poids économique limité, le rôle de l’industrie n’est pas négligeable par la dynamique qu’il donne à l’économie.

Par ailleurs, l’industrie constitue dans ces pays, avec la fonction publique et le secteur financier, l’un des rares débouchés pour les jeunes diplômés. Son influence politique et sociale est donc importante.

Le secteur manufacturier est plus important en Côte d’Ivoire (12,6 % de la valeur ajoutée) et au Sénégal (12,4 % de la valeur ajoutée). En revanche, le Mali

1 La valeur ajoutée est la différence entre la production et les consommations intermédiaires.

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et le Niger, sont peu industrialisés (7 % et 6,5 % respectivement de la valeur ajoutée).

Encadré 1 : Les ambitions de la Côte d’Ivoire La Côte d’Ivoire représente près de 50 % de la production industrielle de l’UEMOA.

Le secteur industriel est appelé à occuper une place de choix dans la stratégie de développement de la Côte d’Ivoire qui, depuis 1994 s’est enrichie de plus de 240 nouvelles industries de toutes tailles. Ce secteur a généré un chiffre d’affaires qui est passé de 1 419 milliards de francs CFA en 1994 à 2 281 milliards de francs CFA en 1997.

Non contentes de redynamiser l’économie nationale, les entreprises industrielles, au nombre de 1 573 et dont la production croît de 14 % par an, se sont lancées à la conquête du marché de 67 millions de personnes que constitue l’Union économique et monétaire Ouest-Africaine (UEMOA).

Avec un certain bonheur quand on sait que, de 14 % en 1985, les exportations ivoiriennes vers les pays africains sont passées à 23,3 % en 1996.

La nouvelle politique industrielle élaborée depuis 1995 repose sur : - la valorisation des ressources locales ;

- le renforcement de la compétitivité de l’industrie ; - la promotion des investissements et des exportations ; - la restructuration et la modernisation des entreprises existantes ;

- le développement du secteur privé. Un grand nombre de privatisations ont déjà eu lieu dans le secteur industriel.

L’industrie ivoirienne reste encore dominée par les activités de transformation des produits agricoles (cacao, café, fruits, sucre, brasseries...). Mais la Côte d’Ivoire possède également une industrie performante dans les filières du textile, du bois, de l’énergie (raffinage), des produits pharmaceutiques, du bâtiment et des travaux publics, des plastiques et des emballages...

Le pays affiche clairement son intention de devenir un « nouveau pays industrialisé », au même titre que les pays d’Asie. Pour financer son industrie, il compte attirer les capitaux privés étrangers par l’intermédiaire de la Bourse régionale des valeurs d’Abidjan.

La Côte d’Ivoire met en avant son rôle de leader de la zone, en soulignant la supériorité de ses infrastructures, de son industrie, par rapport à celles de ses voisins.

Source : CFCE, Jeune Afrique Economie (5-18 avril 1999).

Dans l’UEMOA l’investissement privé étranger reste faible. Il est principalement orienté vers le secteur minier et la valorisation des filières agricoles d’exportation.

Les potentialités du secteur industriel sont limités par la fragmentation et l’étroitesse des marchés nationaux. Les groupes industriels, étrangers pour la plupart, se sont implantés dans les différents pays de la zone avec pour contrepartie une forte protection de leurs marchés. Cette situation qui bénéficie aux premiers entrants dissuade ensuite tout nouvel investisseur.

Le secteur industriel a souffert de la crise économique des années quatre-vingts. Des pans entiers de ce secteur ont disparu ou se sont affaiblis (montage automobile, industries textiles, tanneries, cimenteries, transformation de l’aluminium, montage automobile...).

Depuis 1995, la plupart des entreprises connaissent un regain d’activité. Elles ont réussi pour la plupart d’entre elles à bien absorber le choc de

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la dévaluation et l’augmentation du coût des intrants importés par une maîtrise des coûts salariaux et un abaissement des marges.

L’activité a été soutenue au cours des trois dernières années en Côte d’Ivoire, au Mali et dans une moindre mesure au Sénégal, tirée en partie par un secteur dominé par l’agro-alimentaire.

L’industrie est cependant faiblement diversifiée, elle ne comporte qu’un nombre limité de produits et se répartit pour 40 % dans l’agro-alimentaire, 20 % dans le textile, 10 % dans la filière chimie et transformation des matières plastiques et les 30 % restants dans différentes industries telles que la transformation du bois, les matériaux de construction, les produits pétroliers, le travail des métaux.

Le tissu industriel formel des pays de l’UEMOA est marqué par une forte concentration financière. Différentes industries des pays de l’UEMOA sont dominées par un ou deux groupes. Par exemple dans l’industrie des boissons (Castel), l’industrie du tabac (Bolloré, Rothmans), la fabrication de cycles (CFAO), la fabrication de gaz industriels (Air Liquide), le travail des grains (Cargill).

Le tableau suivant donne une idée de la répartition des entreprises du secteur moderne et de l’emploi dans le pays le plus industrialisé (Côte d’Ivoire) et dans l’un des pays les moins industrialisés (Mali) de l’Union. Il fait apparaître le rôle moteur de la Côte d’Ivoire : le nombre des entreprises manufacturières y est trois fois plus élevé qu’au Mali.

Tableau 12 : Nombre d’entreprises et emplois dans le secteur moderne Côte d’Ivoire Mali Niger Nombre

d’entreprises Emplois Nombre

d’entreprises Emplois Nombre d’entreprises

Industries extractives 16 398 10 1 002 8

Industries

manufacturières 432 58 262 113 7 809 46

Electricité, gaz, eau 6 4 558 13 1 634 3

BTP 212 2 507 43 1 917 75

Commerce 906 14 171 337 2 945 172

Transport,

communication 119 18 785 90 6 322 30

Banques, Assurances 82 1 776

Services 577 11 488 215 4 480 97

ENSEMBLE 2 178 110 169 903 27 885 Sources : Centrale des Bilans - Côte d’Ivoire, 1995 ; Burkina Faso, INSD, 1995.

Les 235 entreprises1 les plus importantes en Côte d’Ivoire, réalisent à elles seules 12,7 % du PIB de la Côte d’Ivoire, et 5,1 % du PIB de l’UEMOA.

Parmi ces 235 entreprises, 139 appartiennent au secteur de l’industrie manufacturière. Elles réalisent 64 % de la valeur ajoutée industrielle de Côte

1 Données (chiffre d’affaires, valeur ajoutée, masse salariale) recensées par la Fédération Nationale des Industries de Côte d’Ivoire.

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d’Ivoire, soit encore 27,8 % de la valeur ajoutée industrielle de l’ensemble de l’UEMOA.

Enfin, ces 235 entreprises sont à l’origine de 80 % des importations des six pays de la région.

b) Un secteur informel1 important

Le secteur informel n’a représenté au départ qu’un moyen de survie pour les populations. Il s’est développé au point d’atteindre 90 % de la population active.

Tableau 13 : Nombre d’entreprises modernes du secteur informel et poids dans le secteur manufacturier*

% secteur informel Pays Nombre d’entreprises Emploi Valeur

ajoutée

Bénin 80 93,5

Burkina Faso 79 87,6 76,5

Côte d’Ivoire 432

Mali 113 91,7 35,5

Niger 46 Sénégal 430 Togo

* La part du secteur informel est également importante dans les autres pays, mais la couverture statistique de l’artisanat de production, c’est-à-dire de l’informel manufacturier, est sans doute meilleure au Burkina Faso, ce qui explique le poids apparemment important de l’industrie, formel et informel confondus, dans ce pays.

Source : BCEAO. 1995.

Les enquêtes menées auprès des industriels montrent qu’ils redoutent plus la concurrence du secteur informel que celle qu’ils affrontent à l’intérieur de leur propre secteur. Le secteur informel n’acquitte pas de taxes douanières ou de TVA. Aussi serait-il souhaitable que le secteur informel « organisé » intègre le plus rapidement possible le secteur formel tout en préservant le secteur informel

« de survie ».

1 Définition du secteur informel selon le BIT (Conférence internationale des statisticiens du Travail - 1993), le secteur informel se définit par :

- l’absence de comptabilité conforme au plan comptable ;

- l’absence d’inscription à la Caisse de retraite ou à l’Institut National de Prévoyance Sociale ; - l’emploi de moins de 10 personnes ;

- le non-respect de la durée légale de travail ; - le mode de rémunération, à la pièce ou à la tâche ;

- le type de local où s’exerce l’activité : domicile, marchés, ateliers.

On entend par secteur informel organisé : les petites entreprises directement concurrentes du secteur formel qui n’accèdent pas à celui-ci par exemple parce qu’elles sont incapables de présenter un bilan.

Le secteur informel de survie comprend toutes les activités de petit commerce assurées principalement par les femmes.

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c) Les faiblesses de l’industrie dans l’UEMOA

La crise des années 1980 a été le révélateur des erreurs et des faiblesses de l’industrialisation liées d’une part à la mauvaise gestion des entreprises et d’autre part à un environnement peu propice à l’investissement.

Parmi les faiblesses de l’industrie, les plus importantes, citons :

- les mauvais choix des investissements ont abouti à des projets non viables « les éléphants blancs » (programme sucrier en Côte d’Ivoire par exemple) ;

- les modalités de financement peu adaptées aux besoins des entreprises (recours excessif à l’endettement à court terme pour financer des actifs immobiliers) ont abouti à la sous-capitalisation et à leur endettement excessif ;

- le manque de personnels qualifiés ;

- un environnement institutionnel souvent dissuasif pour les investisseurs, du fait du mauvais fonctionnement et de la corruption des administrations. Les entreprises étrangères recherchent en particulier des règles du jeu économiques claires, non arbitraires, relativement stables et homogènes entre les différents pays de la région ;

- la nécessité d’importer la plupart des intrants faute d’industries de transformation. Les approvisionnements se font en dehors de la zone UEMOA et déséquilibrent les échanges ;

- les fortes barrières tarifaires nationales ont favorisé les industries nationales de substitution aux importations dans l’ensemble des pays de la région mais elles ont entraîné des effets négatifs importants. Par ailleurs, ces barrières encouragent la fraude et la contrebande. Outre le manque à gagner considérable que représente la fraude douanière et fiscale pour les budgets des Etats, ce qui les a amenés à accroître encore les ponctions sur les entreprises en situation régulière, la fraude entraîne la destruction des économies.

Enfin, l’état des infrastructures constitue un obstacle important au développement d’une industrie compétitive.