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CHAPITRE I LES PAYS DE L’UEMOA : UNE SITUATION

5. La stagnation de l’investissement

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D’ici 2020, les échanges intra-régionaux devraient être multipliés par 10.

La densification des réseaux urbains et l’intensification des échanges villes-campagnes entraînent également une forte croissance de la demande de transport à moyenne distance. Au-delà de l’entretien et de la réhabilitation des réseaux existants, l’enjeu est, à terme, de densifier ces réseaux, à la fois pour faire face au développement des flux villes-campagnes et des flux intra-régionaux.

b) Concurrence rail-ports

Le projet ferroviaire Abidjan-Dakar, s’il se concrétise, suscitera une vive concurrence entre deux modes de transport, le chemin de fer et les ports, et entre les deux grands ports ivoirien et sénégalais, Abidjan (numéro deux en Afrique, derrière Durban) et Dakar. Pour le moment, la métropole ivoirienne capte l’essentiel du trafic avec le Mali. La route la relie directement à Bamako et une partie de la ligne ferroviaire Abidjan-Ouagadagou peut être également utilisée en territoire ivoirien. En ce qui concerne la route, la Côte d’Ivoire est bien dotée, alors que l’Est et le Nord du Sénégal sont mal lotis. A tel point que les engrais, produits à partir du phosphate sénégalais, quittent Dakar pour le port d’Abidjan, d’où ils remontent jusqu’à Bamako.

Néanmoins, si des infrastructures performantes sont indispensables au développement de la région, elles s’avèrent insuffisantes tant que l’investissement, notamment étranger, stagnera1.

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Tableau 14 : Evolution du taux d’investissement1 en UEMOA

Investissement/PIB Moyenne

1970-1996 Moyenne

1990-1995 1995 1996 1997

Bénin 23,6 15,0 19,3 17,9 18,1 Burkina Faso 16,9 21,6 24,0 24,8 26,2

Côte d’Ivoire 13,2 10,2 12,8 13,8 16,1

Mali 22,4 23,9 26,0 25,8 25,0

Niger 12,4 8,0 7,2 9,7 9,7

Sénégal 13,3 14,1 15,6 17,4 18,7 Togo 20,6 15,6 13,5 14,0 13,9 UEMOA 15,0 13,4 15,8 16,8 18,0 1 Taux d’investissement = investissement/PIB.

Source : FMI 1996 - Base de données du département africain - Banque de France - 1997.

La faiblesse de l’épargne nationale de l’UEMOA (17 % du PIB en moyenne entre 1995 et 1997)1 explique largement cette situation imputable également à l’étroitesse des marchés (sauf en Côte d’Ivoire et au Sénégal) et à la faiblesse du pouvoir d’achat des populations locales. La poursuite des différents processus d’intégration régionale en cours devrait permettre d’avoir accès à un marché plus large et favoriser les économies d’échelle. Les économies africaines n’utilisent que très peu l’approche intégrée ou de filières de production. Le fonctionnement des marchés est également limité par la faiblesse et la mauvaise qualité des infrastructures qui pénalisent les investissements ; selon la Banque mondiale, ils auraient coûté plus de 1,2 milliard de dollars de « manque d’investissement » à l’Afrique subsaharienne au cours des vingt dernières années.

La Côte d’Ivoire est le premier investisseur de la zone avec 34 % des investissements réalisés en UEMOA, même si selon les données du FMI, le Mali, le Burkina-Faso et le Bénin sont les pays qui investissent le plus par rapport au PIB2.

La stratégie de développement mise en oeuvre par le gouvernement de la Côte d’Ivoire dans le cadre des douze grands travaux d’investissement s’appuie sur le secteur privé en améliorant l’environnement notamment légal et administratif et en désengageant l’Etat des activités productives. Ainsi une réforme fiscale, un nouveau code des investissements et une libéralisation de la politique des transports et des échanges ont été engagés.

Au Bénin, la reprise de la construction a eu un impact favorable sur les investissements dont le taux par rapport au PIB a légèrement augmenté.

Au Burkina-Faso, la croissance a été tirée notamment par un rythme plus rapide des investissements publics dans le cadre de la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN 98) et du sommet de l’OUA en juin 1998.

Au Mali, le taux d’investissement reste un des plus élevés de la zone.

1 L’épargne de la Côte d’Ivoire représente 72 % du total de l’épargne intérieure brute de l’UEMOA.

2 Il faut préciser que :

- le PIB du Bénin représente 6,3 % du PIB de l’UEMOA, celui du Burkina Faso 9,4 % ; - le PIB du Bénin représente 55 % du PIB de la Côte d’Ivoire, celui du Burkina Faso 23 %.

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5.2. 5.2. Les obstacles aux investissements étrangers

L’accroissement des flux d’investissement direct étranger en Afrique dépend, en effet, de plusieurs conditions : la stabilité économique et politique, la poursuite des programmes d’ajustement structurel, l’amélioration qualitative et quantitative de l’outil de production, la relance des programmes de privatisation, les réformes d’un code des investissements, l’harmonisation du droit des affaires.

a) Un environnement difficile

La réticence des entreprises étrangères à investir dans les pays de la zone franc est souvent due à un déficit d’information : les entreprises qui ont un courant d’affaires avec l’Afrique, et a fortiori celles qui n’ont pas d’activité dans cette zone géographique, ne connaissent pas toujours les conditions réelles dans lesquelles elles peuvent opérer.

Selon une étude réalisée par le CNPF International (Comité ACP1) auprès de 200 entreprises françaises - dont 50 % de l’échantillon ont une activité en Afrique - les principaux obstacles à l’investissement privé en Afrique en général et dans la zone franc en particulier proviennent :

- de l’environnement et notamment du manque de transparence du droit des affaires ;

- de l’imprévisibilité des politiques gouvernementales et du degré élevé de la corruption ;

- de la méconnaissance des instruments d’appui à l’initiative privée.

Pour les entreprises ayant répondu à l’enquête, les inconvénients à investir en Afrique par rapport à d’autres zones géographiques relèvent de la lourdeur et de la lenteur des formalités administratives, notamment pour l’obtention des visas et du manque de financements adaptés aux PME.

Sont particulièrement dénoncés : les droits de douane, considérés comme trop élevés, l’instabilité politique, l’insécurité et la corruption dans certains pays.

Les entreprises soulignent aussi la structure des marchés en Afrique et leur étroitesse, l’irrégularité des flux et des opportunités d’affaires, le petit nombre de banques de premier ordre, la faiblesse du tissu industriel notamment dans le domaine de la sous-traitance, l’absence de classe moyenne, l’existence d’un commerce informel important créant des distorsions de concurrence.

L’insuffisance et/ou le mauvais état des infrastructures et des voies de communication sont également cités.

Enfin l’étroitesse des marchés constitue un frein considérable. Chacun des pays pris séparément est en effet faiblement peuplé2.

Ces difficultés expliquent que les efforts aient porté en priorité sur l’environnement des affaires, dans un cadre régional plus vaste que celui d’un

1 Enquête de CNPF International sur les principaux obstacles au développement des entreprises en Afrique - Paris 1998.

2 Togo : 4 millions d’habitants, Bénin : 5,5 millions d’habitants, Sénégal : 8,5 millions d’habitants, Niger : 9,3 millions d’habitants, Mali : 9,8 millions d’habitants, Burkina Faso : 11,3 millions d’habitants, Côte d’Ivoire : 15,3 millions d’habitants.

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pays pris isolément, sur la « bonne gouvernance » et que les entreprises aient opté pour une approche plus pragmatique du marché.

b) Une amélioration sensible de l’environnement des affaires

L’OHADA et le processus d’intégration régionale

L’assainissement du cadre macro-économique et réglementaire des Etats membres apparaît comme un préalable à l’exploitation par les opérateurs économiques, des opportunités offertes par l’intégration régionale. Le Traité de l’UEMOA a, dans cette perspective, défini un mécanisme de surveillance multilatérale des politiques macro-économiques des Etats membres, assorti d’incitations et de sanctions ainsi qu’un cadre d’harmonisation de leurs législations.

L’instauration d’un véritable environnement favorable aux affaires dans un cadre régional, celui de UEMOA, se traduit par la simplification et l’harmonisation des textes, la transparence des procédures (OHADA, SYSCOA1), la mise en place d’un code des investissements, par la création d’un marché financier organisé autour d’une bourse des valeurs commune aux huit Etats membres, la promotion d’un Fonds de garantie régional des risques (GAR) et d’une société régionale de capital investissement (Cauris-Investissement). Ces initiatives sont déterminantes pour lutter contre les dysfonctionnements des systèmes judiciaires ou bancaires, qui affectent les démarches des investisseurs.

La stabilité et la sécurité de l’environnement des affaires (sécurité juridique essentiellement) de l’activité économique sont encore insuffisants, tant pour les investisseurs étrangers que locaux. La mise en place du Traité de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) signé par 16 Etats de la zone Franc en octobre 1993, constitue notamment un progrès substantiel en matière de sécurité juridique. En effet, les dispositifs spécifiques qui ont été créés (Cour régionale de justice et d’arbitrage, Ecole de la Magistrature, Secrétariat permanent de l’organisation), illustrent la volonté des Etats membres de créer un environnement favorable aux opérateurs privés.

Si la France a joué un rôle majeur dans la mise en place de l’OHADA, il ressort cependant que l’OHADA est très peu connue des entreprises françaises, même de celles qui sont présentes (26 % seulement des entreprises qui ont une activité en Afrique connaissent l’OHADA).

L’harmonisation du droit des affaires constitue en effet un volet essentiel de la réussite de la stratégie d’intégration économique, et accorde un rôle moteur au secteur privé.

L’une des leçons fondamentales à tirer des différents projets d’intégration économique en Afrique réside sans doute dans le fait que les difficultés résultent non seulement d’une faible volonté politique, mais également d’une insuffisante mobilisation du secteur privé. L’UEMOA se construira par et avec les opérateurs économiques ou ne sera pas. Pénétrés de cette vérité, les promoteurs de l’UEMOA se sont efforcés, dès l’origine, d’associer les acteurs de la société civile et de la vie économique à la conception du schéma d’intégration.

1 Système Comptable Ouest africain.

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Cette association a revêtu diverses formes: représentation au sein des Comités Nationaux d’intégration et du Comité de Pilotage, forum de discussions, séminaires, conférences, recours aux médias...

Au plan institutionnel des dispositions concourent à assurer l’implication du secteur privé à la conduite du processus d’intégration -institution d’une Chambre Consulaire Régionale, regroupant les Chambres Consulaires des Etats membres, création du Parlement de l’Union. En dernier lieu, la Cour de Justice de l’Union, chargée de veiller au respect du droit, à l’interprétation et à l’application du Traité. En particulier, toute personne (physique ou morale) peut déposer auprès de cette Cour un recours en appréciation de la légalité contre tout acte d’un organe de l’Union lui portant préjudice.

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Encadré 3 : L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des Affaires - OHADA

Le 17 octobre 1993, quinze Etats d’Afrique centrale et occidentale signaient à Port-Louis (Ile Maurice) le traité instituant l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) :

la République du Bénin ; le Burkina Faso ; la République du Cameroun ; la République Centrafricaine ; La République Fédérale Islamique des Comores ; la République du Congo ; la République de Côte d’Ivoire ; la République Gabonaise ; la République de Guinée ; la République de Guinée Equatoriale ; la République du Mali ; la République du Niger ; la République du Sénégal ; la République du Tchad ; la République Togolaise.

Tous ces Etats signataires (à l’exception de la République du Congo) ont ensuite ratifié le traité. La Guinée-Bissau a rejoint les membres signataires en décembre 1995.

L’OHADA est ouverte à tout Etat membre de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), ainsi qu’à tout Etat non-membre de l’OUA invité, d’un commun accord de tous les Etats parties, à y adhérer.

Les objectifs de l’OHADA :

- renforcer les normes juridiques nationales ; - moderniser les règles juridiques ;

- développer le niveau de formation des magistrats et des auxiliaires de justice.

Les dispositions des législations nationales demeurent applicables dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions adoptées par l’OHADA.

L’unification du droit des affaires se réalise par :

- la création d’un espace judiciaire commun, avec l’instauration d’une Cour commune de justice et d’arbitrage ;

- la création d’un espace juridique commun, par la promulgation d’« actes uniformes » applicables dans tous les Etats adhérant au traité.

Le Conseil des ministres est l’organe suprême de décision de l’OHADA. Composé des ministres chargés de la Justice et des Finances des Etats membres, le Conseil des ministres est chargé :

- d’adopter les normes juridiques supranationales, appelées « actes uniformes » ; - d’établir les règlements relatifs à l’application du traité.

La Cour commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) est installée à Abidjan (Côte d’Ivoire).

Composée de sept juges élus par le Conseil pour une durée de sept ans, la Cour commune de Justice et d’Arbitrage est chargée :

- d’appliquer le traité ;

- d’interpréter les « actes uniformes » ; - d’organiser les procédures d’arbitrage privées.

Une Ecole régionale supérieure de la magistrature est créée à Porto-Novo (Bénin).

Les « actes uniformes » Dès le 1er janvier 1998, le droit applicable dans les seize Etats signataires du traité de l’OHADA n’est plus le droit national de l’Etat, mais le droit résultant des « actes uniformes ». (Un « acte uniforme » est un ensemble de règles communes aux Etats ; il concerne : le droit commercial général ; le droit des sociétés et le droit des sûretés).

L’« acte uniforme » modernise le registre du commerce ce qui contribue à renforcer la sécurité des transactions entre les commerçants.

S’agissant du droit des sociétés commerciales, les principales formes prévues par l’« acte uniforme » sont :

- les sociétés en nom collectif (SNC) ; - les sociétés à responsabilité limitée (SARL) ; - les sociétés anonymes (SA).

La principale innovation réside dans la possibilité de créer des SA et SARL unipersonnelles (ce qui était déjà le cas au Mali). L’« acte uniforme » sur les sociétés commerciales renforce l’information et le contrôle des actionnaires ou associés, et des commissaires aux comptes.

Source : Crédit Lyonnais International : « L’harmonisation du droit des affaires en Afrique », décembre 1998.

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La « bonne gouvernance »

Les deux autres principaux obstacles évoqués par les entreprises interrogées sont la mauvaise lisibilité des politiques gouvernementales et la corruption.

Les entreprises qui ont une activité en Afrique estiment en effet que l’imprévisibilité des changements de politiques et de réglementations affectent sérieusement leurs activités. Elles soulignent ainsi la faiblesse du cadre étatique qui ne parvient pas à résister aux changements de gouvernement.

Pour les entreprises, la question de la compétitivité n’est plus seulement celle des entreprises mais aussi celle du système dans lequel elles se placent et qui englobe simultanément l’administration, les infrastructures, les réglementations, les moyens de communication... Elles posent donc la question de la place de l’Etat.

S’il n’existe pas un modèle type d’Etat applicable partout, l’Etat doit cependant améliorer sa capacité d’action et son efficacité afin d’offrir des services de qualité et faciliter les activités du secteur privé. Il ne s’agit pas seulement de réduire l’intervention des pouvoirs publics, mais de s’assurer qu’ils s’acquittent du rôle qui est le leur dans un système de marché. La réalisation de cet objectif repose sur trois missions essentielles :

• mettre en place un cadre légal et réglementaire simple, transparent et appliqué avec équité ;

• veiller au professionnalisme et à l’indépendance de l’autorité judiciaire ;

• arbitrer les dépenses publiques, c’est-à-dire réduire les dépenses improductives pour consacrer davantage de ressources à l’éducation et à la formation, ainsi qu’aux infrastructures de base.

c) Critiques des instruments européens actuels d’aide au secteur privé A l’heure actuelle, il n’existe, au niveau européen, qu’un seul organisme d’appui au secteur privé, le Centre pour le développement industriel (CDI). Or, deux tiers des entreprises qui ont une activité en Afrique ne connaissent pas le CDI.

Il semble donc exister un profond malentendu entre ce que le CDI est censé proposer aux entreprises européennes et la réponse qu’il est en mesure de leur donner.

d) Les nouvelles formes d’investissement : une stratégie plus pragmatique

L’ensemble des transformations intervenues ces dernières années dans les pays africains, ainsi que le bilan d’une décennie d’investissement en Afrique ont amené les entreprises à réviser leur stratégie en optant pour de nouvelles formes d’investissement (joint-ventures, flux de capitaux, ventes de brevets et cessions de licence, flux d’équipement et ventes de technologie, services techniques...)1.

1 Selon le FMI « les nouvelles formes d'investissement » recouvrent les flux de capitaux, les ventes de brevets et cessions de licences, les flux d'équipements et ventes de technologie, les services techniques, les investissements en joint-ventures.

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Ces types de flux ont connu une croissance exceptionnelle depuis la fin des années soixante-dix.

Les PME ont vu dans ces nouvelles formes d’investissement, un mode plus adéquat que l’investissement direct pour pénétrer les marchés étrangers. Certes, on ne saurait attendre de celles-ci une transformation radicale des économies africaines. Il faut reconnaître cependant la force d’impulsion que ces investissements peuvent avoir sur des pays qui présentent plusieurs conditions favorables : un tissu industriel plus ou moins étoffé, plus ou moins structuré, une maîtrise accrue par l’entreprise africaine des processus d’investissement et de formation du capital dans l’économie nationale.

L’ensemble de ces évolutions a, d’ores et déjà, introduit une nouvelle philosophie des relations économiques avec l’Afrique, pour laisser place à un plus grand pragmatisme oubliant les idéologies et leur caractère contraignant.

Les obstacles au développement de l’investissement privé en Afrique sont encore nombreux sur le plan réglementaire, financier ou commercial. Mais les pays de la zone souffrent avant tout d’un problème « d’image ».

6. Malgré des allégements, la charge de la dette demeure un frein au