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CHAPITRE I LES PAYS DE L’UEMOA : UNE SITUATION

1. Le retour de la croissance

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- le faible taux d’investissement orienté essentiellement vers l’industrie minière ;

- le poids de l’investissement dans le PIB qui est passé de 20 % à 15 % entre la décennie soixante-dix et la décennie quatre-vingt ; - les mauvais choix effectués dans les investissements principalement

orientés vers la construction ou vers des infrastructures indirectement productives ;

- le faible niveau de l’épargne qui a chuté de 15,3 % à 8,3 %, de 1973 à 1980 ;

- l’aggravation des déficits extérieurs : l’endettement croissant des Etats pour financer leurs déficits et ceux des entreprises publiques les ont amené à faire appel à l’aide publique extérieure, ce qui les a entraînés dans un processus d’endettement permanent.

1981-1993 : le déclin

Dans les années 80, ces pays ont connu une profonde crise économique due à des phénomènes naturels, mais aussi et surtout à l’application de politiques inappropriées recommandées par le FMI. L’effondrement des prix des matières premières, sources importantes de recettes d’exportation, l’appréciation réelle du franc CFA, sous l’effet combiné de la hausse du franc français par rapport au dollar et l’ajustement à la baisse des taux de change des pays voisins (Nigéria-Ghana) ont déstabilisé les économies de l’Union et fortement ralenti la croissance économique.

Les principaux indicateurs macro-économiques et financiers se sont détériorés rapidement, plongeant les pays de la zone franc dans une crise économique profonde qui s’est traduite par :

- un faible taux de croissance du PIB (1,9 % par an sur la période 1985 à 1993) ;

- des investissements insuffisants ;

- un déséquilibre des finances publiques : (déficit de l’ordre de 9,3 % du PIB en 1993) ;

- un déficit commercial (environ 5,6 % du PIB sur la période 1990-1993) aggravé par la concurrence des pays émergents d’Asie du Sud-Est sur certains produits traditionnellement exportés par les pays de la zone franc, tels que le cacao ou le riz ;

- un alourdissement du service de la dette ;

- une faible intégration des économies des Etats-membres, avec un commerce intrazone se situant aux environs de 7 % de l’ensemble du commerce extérieur de la zone.

La production agricole a progressé, en moyenne, de moins de 1,5 % par an de 1970 à 1992, rythme inférieur à celui de la population. Alors que l’industrie avait enregistré une croissance environ trois fois plus rapide que l’agriculture pendant les dix premières années après l’accession à l’indépendance, on a assisté

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à un renversement alarmant de la situation (désindustrialisation pour de nombreux pays).

La disparition d’un certain nombre d’entreprises du secteur formel a eu pour conséquence de concentrer les prélèvements fiscaux sur quelques entreprises et d’encourager le développement du secteur informel1 ;

Sous la pression des instances internationales, les pays de la zone franc se sont alors engagés dans des programmes de réformes structurelles pour assainir leurs économies.

1.2. 1.2. La dévaluation du franc CFA

La stagnation des économies, la détérioration des finances publiques, la fuite des capitaux, ainsi que le développement de l’économie informelle ont poussé les gouvernements, avec l’appui des instances internationales, à prendre des mesures urgentes d’assainissement.

Deux stratégies étaient alors envisageables :

- la première consistait à rétablir la compétitivité par une diminution des salaires et par un effort pour réduire les gaspillages et augmenter la productivité ;

- la seconde consistait à dévaluer le franc CFA afin d’obtenir une baisse du niveau réel des rémunérations entraînant une réduction des coûts.

C’est la seconde stratégie qui fut choisie car le FMI et la Banque mondiale ne croyaient pas à la possibilité de poursuivre efficacement le redressement économique par une amélioration de la productivité. La France conditionnait désormais ses propres concours à l’intervention des institutions de Bretton Woods.

Aussi, les responsables des pays africains, qui avaient impérativement besoin des financements multilatéraux, ont-ils été amenés à dévaluer le franc CFA en janvier 1994. Encore n’ont-ils pas pris cette décision de leur plein gré : deux jours de débat et les interventions du ministre français de la coopération, du directeur général du FMI et de hauts fonctionnaires de la Banque mondiale ont été nécessaires pour y parvenir.

La dévaluation du franc CFA par rapport au franc français, fixée à 50 %, représentait un saut dans l’inconnu, compte tenu de son ampleur (appliquée simultanément à quatorze pays). Elle exigeait donc des mesures d’accompagnement2 qui furent préparées et tenues secrètes, puis mises en place très rapidement : deux mois après la dévaluation, onze programmes soutenus par le FMI avaient été mis en place, en accord avec tous les pays concernés, tandis que la Banque mondiale quintuplait ses décaissements au cours des six premiers

1 Voir infra I., B., 4.3. « Principales caractéristiques de l’industrie des pays de l’UEMOA ».

2 Pour parvenir à ces résultats, un accent a été mis sur les mesures d’accompagnement, relatives à la maîtrise des prix, la relance de l’investissement, l’accélération des réformes institutionnelles, fiscales et budgétaires, à l’appui des politiques structurelles destinées à une exploitation optimale du potentiel de production et d’échange.

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mois pour des projets relatifs aux ressources humaines, au développement rural, aux infrastructures et aux conséquences sociales de la dévaluation.

La France, pour sa part, ne fut pas en reste : dès janvier 1994, elle annulait la dette d’aide publique au développement (25,4 milliards de francs français) ; elle apportait son soutien au Club de Paris pour les rééchelonnements et allégements des dettes ; elle créait un fonds spécial de développement afin d’appuyer son accompagnement social à ces pays (il s’agit d’un fonds d’urgence, doté de 400 millions de francs français, destiné à accorder dons et subventions conjoncturelles, à utilisation immédiate et non conditionnelle, en faveur des populations urbaines les plus vulnérables). Ces facilités concernaient les domaines de la santé, de l’éducation et de l’emploi.

Corrélativement à la dévaluation du franc CFA, la signature en janvier 1994 du traité instituant l’UEMOA1, a créé un espace économique unifié. Ces deux mesures se sont inscrites dans la mise en oeuvre d’une nouvelle stratégie d’ajustement et de relance des économies des pays de l’UEMOA.

Sur le plan structurel, les réformes ont affecté le redimensionnement du rôle de l’Etat dans le processus de développement et la réorganisation des activités de production et d’échange, autour du renforcement du rôle du secteur privé, désormais promu comme le principal moteur des transformations structurelles et de la croissance économique.

1.3. 1.3. Depuis 1995 : les pays de l’UEMOA renouent avec la croissance Depuis 1995, la reprise économique est très sensible, dans tous les pays : grâce à des termes de l’échange plus favorables, de meilleures conditions climatiques, des financements extérieurs plus généreux - mais aussi une compétitivité retrouvée après la dévaluation du FCFA en 1994. La reprise est un peu moins nette au Niger et au Sénégal, mais les performances sont notables dans les autres pays. En outre, cette reprise se fait avec une inflation maîtrisée, qui préserve le gain de compétitivité durement conquis en 1994, bien que la dette demeure un handicap majeur2.

a) Un déficit budgétaire réduit

Le déficit budgétaire a été ramené à 1,5 % du PIB en 1996, contre 7,7 % en 1993. Les dépenses publiques sont mieux maîtrisées, et les recettes progressent.

b) Des comptes extérieurs redressés

La dévaluation a donné une impulsion aux exportations dont la part rapportée au PIB est passé de 27,9 % en 1992 à 36,07 % en 1996.

Tableau 1 : Part des exportations totales de l’UEMOA rapportées au PIB 1992 1993 1994 1995 1996

1 L’Union économique et monétaire Ouest Africaine (UEMOA) se compose de huit pays : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. Voir infra, chapitre I, II, A « Vers l’intégration économique de l’UEMOA ».

2 Voir infra I, B, 8. « Malgré des allègements la charge de la dette demeure un frein au développement ».

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Export/PIB 27,9 % 27,9 % 34,9 % 36,4 % 36,0 % Source : Centres d’études et de formations aux technologies économiques (CEFTE). Rapport

final UEOMA - novembre 1997.

Malgré le renchérissement des importations, on constate depuis 1995 une reprise des achats à l’étranger de biens d’équipement.

c) Une inflation maîtrisée

Depuis la dévaluation, la politique monétaire et les politiques salariales plus rigoureuses des Etats-membres ont permis de faire diminuer rapidement le taux d’inflation - de 28 % en 1994 à 2,7 % en 1998 - et de contenir la progression des salaires.

d) Des investissements en hausse

Après la dévaluation, l’amélioration de la compétitivité des produits a redynamisé la croissance à long terme, et favorisé une reprise des investissements.

Le taux d’investissement est passé dans les pays de l’UEMOA d’une moyenne de 18 % du PIB en 1995 à une moyenne de 21,5 % du PIB au cours des années 1996/1997.

A cet égard, la création récente de la bourse régionale des valeurs à Abidjan devrait permettre une plus grande mobilisation de l’épargne en faveur de l’investissement.

e) Un PIB en progression

Amorcée depuis la dévaluation du franc CFA en janvier 1994, la reprise de l’activité économique s’est accélérée en 1995 et en 1996 et s’est poursuivie en 1997 (fig 1) ; les pays de la zone ont même bénéficié d’une croissance de leur PIB supérieure à celle du reste de l’Afrique au sud du Sahara. Cinq pays sur sept ont enregistré une croissance supérieure à 5 %, le Niger et le Togo seuls n’y parvenant pas : le premier, handicapé par le faible niveau de sa production agricole, a vu son PIB croître de 3,5 %, alors que les autorités avaient défini un objectif de 4,5 % ; le second, malgré un secteur agricole et minier en croissance, a subi un fort tassement de son PIB en 1997 (4,4 % au lieu des 5,8 % projetés) après un excellent résultat en 1996 (8,9 %).

Graphique 1 : La croissance du PIB en pourcentage (en termes réels)

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-2 0 2 4 6

1993 1994 1995 1996 1997

UEMOA

Source : BCEAO - La Tribune 16 juin 1998.

Grâce à une progression démographique ralentie, ces évolutions positives se sont traduites par un accroissement du PNB par habitant. Son taux de croissance annuel moyen en 1996-1997 a été de 5 % en Guinée Bissau, 4,2 % en Côte d’Ivoire, 4 % au Burkina Faso, 3,5 % au Mali, 2,3 % au Bénin, 2,1 % au Togo, 1,6 % au Sénégal et 0,1 % au Niger.

f) Une transition démographique en bonne voie

Depuis 1960, la population de l’UEMOA a été multipliée par 2,5, passant de 30 millions à 67 millions d’habitants en 1997.

Même si les chiffres des recensements1 comprennent une certaine marge d’erreur, la tendance actuelle est au ralentissement en raison d’une baisse du taux de fécondité. L’UEMOA amorce sa transition démographique.

L’évolution démographique de l’UEMOA a connu quatre phases :

- 1960-1973 : la croissance économique (5,9 %) est supérieure à la croissance démographique (2,6 %) ;

- 1973-1980 : la croissance économique (2,5 %) a été distancée par la croissance démographique (2,8 %) ;

- 1980-1993 : un faible taux de croissance du PIB (1,9 %) face à un taux démographique estimé à 3,2 % ;

- depuis la dévaluation, avec le retour à la croissance, le PIB (5 %), s’accroît plus vite que la population (2,7 %).

Cette transition est plus marquée dans certains pays.

Si l’on excepte la Côte d’Ivoire et la Guinée-Bissau, dont le taux moyen annuel d’accroissement de la population diminue de façon significative de 1980 à 1997 (en Côte-d’Ivoire 4,2 à 2,0 % ; en Guinée Bissau 5,2 à 2 %), les autres pays de l’UEMOA maîtrisent plus difficilement leur croissance démographique (2,8 % en moyenne), plus particulièrement le Mali et le Niger (3 %).

On ne peut imputer totalement à la reprise économique une meilleure maîtrise de la fécondité. En effet, pendant les années de crise, on a constaté une

1 C’est seulement au début des années soixante que la France a lancé, en coopération avec le FMI, une série d’enquêtes par sondage visant à pallier l’absence totale de recensements et l’insuffisance des services d’état civil.

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baisse de la fécondité. Selon le CEPED1 « on sait maintenant que, crise ou pas, la baisse de la fécondité est bel et bien amorcée en UEMOA ».

La baisse de la fécondité semble inscrite dans les mutations culturelles (développement de l’instruction, urbanisation, émancipation des femmes...), d’autant plus que la crise de la fin des années quatre-vingt et les politiques d’ajustement n’ont pas inversé le processus de la transition démographique.