• Aucun résultat trouvé

Section I : Le principe de l’incompétence du juge et l’efficacité de la convention arbitrale

B. La renonciation du recours en arbitrage : le critère de l’inscription de la cause

L’article 940.1 de l’ancien Code de procédure civile prévoyait que « tant que la cause n’est

pas inscrite, un tribunal saisi d’un litige sur une question au sujet de laquelle les parties ont conclu une convention d’arbitrage, renvoie les parties à l’arbitrage, à la demande de l’une d’elles, à moins qu’il ne constate la nullité de la convention »90. Tacitement, cette disposition suppose que, si une partie soumet au tribunal judiciaire un litige au sujet duquel les parties ont conclu une convention d’arbitrage et que l’autre partie ne s’y oppose pas avec son droit de saisir un arbitre avant que la cause ne soit inscrite, le tribunal peut entendre l’affaire et en disposer. L’« inscription » dont il est question est l’inscription de la cause pour enquête et audition prévue à l’article 274 du C.p.c91. Le recours aux tribunaux judiciaires doit être fait par les parties elles-mêmes. Le juge ne peut d’office disposer du litige. L’article 622 C.p.c. a été reformulé lors de la réforme du Code de procédure civile et un délai a été ajouté en ce qui concerne la demande de renvoi92. Une fois ce délai expiré, cela suppose la renonciation du

90 L. CHAMBERLAND et al., préc., note 44, art.622

91 Id., art. 274 C.p.c. prévoit que : « Lorsque le juge assiste aux opérations d'expertise, il peut consigner dans un

procès-verbal ses constatations, les explications de l'expert ainsi que les déclarations des parties et des tiers; le procès-verbal est signé par le juge. ». En l’espèce, Peintures Larvin Inc. c. Mutuelle des fonctionnaires du Québec, [1998] R.J.Q. 5 C.A., au sens de l’article 274 du C.p.c. toutes les actions n’ont pas été inscrites. Autrement dit, il existe des actions à l’égard desquelles le critère de l’inscription pour enquête et audition n’est pas applicable.

92 Id., La demande de renvoi doit être soulevée dans les 45 jours de la demande introductive d’instance ou dans

les 90 jours lorsque le litige comporte un élément d’extranéité, c’est-à-dire lorsqu’on est en présence d’un arbitrage commercial international.

recours en arbitrage, et la décision rendue par le tribunal sera définitive et sans appel. C’est la deuxième exception du principe de l’incompétence de la convention d’arbitrage.

En effet, dans ses commentaires sous l’article 622 C.p.c., M. Dalphond souligne que s’il n’y a pas de demande de renvoi dans le délai exigé, cela suppose que les parties ont renoncé à l’arbitrage pour s’en remettre au tribunal étatique93. Dans ce cas, le juge a compétence pour statuer sur le litige. Toutefois, lorsqu’une des parties souhaite rester devant le tribunal judiciaire, il convient à l’autre partie de faire respecter la convention d’arbitrage. Si elle ne le fait pas ou tarde à le faire, le tribunal conclura à une renonciation du recours en arbitrage, se déclarera compétent pour connaître le litige et en disposera94. La compétence subsidiaire du juge est donc très importante dans la détermination du rôle du juge avant et pendant le déroulement de l’arbitrage. Par ailleurs, cette compétence n’est pas la seule du juge dans l’arbitrage commercial international.

Le droit moderne a établi des rapports presque fusionnels entre le juge et l’arbitre. En effet, le juge public (garant de l’ordre public et de l’intérêt général) et le juge privé (garant de l’intérêt des particuliers qui lui soumettent leur différend) sont tous deux des organes de l’arbitrage commercial international. Dans la même optique, Bruno Oppetit qualifiait cette justice fusionnelle de « système mi- privé, mi- public de justice »95. L’intervention de ces deux juges participe à l’autonomie de cette justice. De ce fait, on reconnaît que l’arbitre est le cœur de la

93 Peintures Larvin Inc. c. Mutuelle des fonctionnaires du Québec, préc., note 92. La cour souligne qu’un

demandeur peut implicitement renoncer au recours à l’arbitrage si la demande de renvoi est tardive, si elle est formulée après que le défendeur a contesté la demande sur le fond ou s’il a procédé à un examen préalable du demandeur.

94 Lac d’amiante du Québec ltée c. Lac d’amiante du Canada ltée, 1999 CanLII 13499 (C.A.). Dans cette affaire,

après plusieurs années de procès et de jugements devant les tribunaux judiciaires, malgré la présence d’une convention d’arbitrage, le tribunal avait conclu à une renonciation de l’arbitrage de la part des parties. Cependant, une des parties, après plusieurs années, décide de faire agir la convention d’arbitrage afin de se soustraire aux jugements des tribunaux et d’obtenir gain de cause de ses réclamations. La cour a rejeté cette demande au motif qu’une « partie ne peut des années après l’introduction de ses procédures en Cour supérieure et l’obtention de divers jugements interlocutoires prétendre que la clause compromissoire s’applique à ses réclamations. Elle a choisi de poursuivre plutôt que de demander l’arbitrage dans les délais requis, alors elle ne peut plus se retirer pour faire valoir une demande reconventionnelle dans un arbitrage subséquent initié par la partie défenderesse à son action, si cette dernière s’y oppose. »

procédure, car c’est lui qui rend la justice. Toutefois, le juge étatique pourrait intervenir à tous les stades de la procédure, en particulier pour porter assistance à l’arbitre ainsi que dans la procédure de transmission des preuves96 mais seulement à la demande de l’une des parties. Cette collaboration entre le juge et l’arbitre ne s’arrête pas à l’administration de preuves. Elle concerne également la constitution du tribunal arbitral tout en neutralisant les difficultés qui peuvent bloquer la constitution du tribunal arbitral97

On peut en déduire que les rapports tumultueux entre le juge et l’arbitre qui avaient prévalu par le passé ont fini par faire place à une collaboration. Cette collaboration met l’accent sur la compétence substantielle du juge, dans la mesure où celui agit sur demande des parties. Dans la section suivante, nous adopterons la terme « juge d’appui », qui est une expression tirée du Code civil français et qui résume parfaitement, à notre humble avis, le rôle d’assistant et d’aide que joue le juge dans la procédure arbitrale.

Outline

Documents relatifs