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Section II : La procédure de reconnaissance ou d’exécution des sentences arbitrales

C. La reconnaissance d’une sentence arbitrale malgré son annulation dans une autre

La question est bien controversée. L’obtention d’un jugement d’annulation par un tribunal judiciaire étranger ayant compétence oblige-t-elle automatiquement le juge québécois

399 C.p.c., préc., note 7, art.2922 et 2924. Ce délai de 10 ans tient de la nature de la procédure en homologation

qui ne constitue pas un acte juridique par lequel le tribunal étatique saisi fait sienne la sentence arbitrale. Voir les commentaires de Mr Dalphond sous l’article 645 C.p.c. dans le Grand Collectif 2019 à la page 2908.

400 Convention de New York de 1958, préc., note 10, art. III dispose que: « Chacun des États contractants

reconnaîtra l’autorité d’une sentence arbitrale et accordera l’exécution de cette sentence conformément aux règles de procédure suivies dans le territoire où la sentence est invoquée, aux conditions établies dans les articles suivants. Il ne sera pas imposé, pour la reconnaissance ou l’exécution des sentences arbitrales auxquelles s’applique la présente Convention, de conditions sensiblement plus rigoureuses, ni de frais de justice sensiblement plus élevés, que ceux qui sont imposés pour la reconnaissance ou l’exécution des sentences arbitrales nationales »

saisi de la demande de reconnaissance à la rejeter, ou jouit-il d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation du contexte de l’annulation avec la possibilité de reconnaître cette sentence?

Contrairement à la version française de l’article V de la Convention de New York, la version anglaise du même article inspire une autre conception de la matière. Plusieurs auteurs et de nombreuses décisions judiciaires aux États-Unis s’appuient sur la version anglaise de cet article pour affirmer qu’il encadre les possibles cas de rejet d’une demande de reconnaissance, mais ne dénie pas un pouvoir discrétionnaire au juge auquel on demande la reconnaissance par l’utilisation du mot « may »401. Ainsi, comme c’est le cas aux États-Unis, le juge québécois saisi d’une demande de reconnaissance d’une sentence qui aurait été annulée par un tribunal étranger peut, exceptionnellement, lui reconnaitre un caractère exécutoire au Québec si la partie demandant la reconnaissance démontre que le refus d’homologation repose manifestement sur des bases contraires aux principes fondamentaux du droit international en matière d’arbitrage, soit l’ordre public et l’équité402.

Ce faisant, parmi les cas exceptionnels pour la reconnaissance par le juge québécois d’une sentence arbitrale étrangère annulée, on peut compter l’annulation qui repose sur un critère intolérable, par exemple, la langue, la couleur, le sexe ou la religion d’un arbitre403. Alors, en présence d’une telle cause d’annulation, le tribunal québécois peut accepter la reconnaissance demandée afin de favoriser la sécurité des transactions juridiques internationales et assurer

401 Id., art. V : « Recognition and enforcement of the award may be refused, at the request of the party against

whom it is invoked, only if the party furnishes to the competent authority where the recognition and enforcement is sought, proof that: […] (e) the award has not yet become binding on the parties, or has been set aside or suspended by competent of the country in which, or under law of which, that award was made. » Voir également l’affaire Thai-Lao Lignite (Thail) Co. Ltd. c. Government of the people’s Democratic Republic, 2014 District Court for the Southern District of New York. Dans cette affaire, en s’appuyant sur la jurisprudence américaine et l’article V(1)(e) de la Convention de New York, le tribunal new-yorkais retient un pouvoir discrétionnaire d’entendre une demande d’homologation d’une sentence arbitrale qui a déjà été annulée par la cour d’un État ayant une compétence primaire sur le litige. Cette discrétion est toutefois limitée aux cas exceptionnels où le requérant peut démontrer que cette décision viole des principes de justice fondamentaux.

402 L. CHAMBERLAND et al., préc., note 44.

403 Id., Art. 653. Commentaire de Mr Dalphond, para 7. Commentaire de L'art. V al.1 de la convention de New-

York qui encadre les possibles cas de rejet d'une demande de reconnaissance mais ne nie pas un pouvoir discrétionnaire résiduel du juge auquel on demande la reconnaissance, notamment par l'utilisation du mot "may".

l’effectivité des clauses compromissoires404. De même que le tribunal québécois pourrait lui accorder la reconnaissance, il peut refuser de reconnaître une sentence arbitrale étrangère qui a été homologuée ou reconnue par une autre juridiction si la partie qui s’y oppose démontre l’existence d’une des situations prévues à l’article 653 du Code de procédure civile405. Ainsi, le rôle du tribunal est d’être réactif aux moyens d’opposition de la partie perdante devant le tribunal arbitral sauf s’il constate que la sentence est contraire à l’ordre public406 ou encore si le litige est non arbitrable407. La décision du juge dans la demande de reconnaissance et d’exécution de la sentence arbitrale ne peut être qu’une acceptation ou un refus au sens de l’article 646 C.p.c. En cas de refus d’exécuter la sentence arbitrale ou d’insatisfaction, la partie demanderesse peut-elle exercer un recours contre la sentence?

Sous-section II : Les suites possibles d’une décision de reconnaissance ou d’homologation

Dans Régie de l’assurance maladie du Québec c. Fédération des médecins spécialistes

du Québec, la Cour d’appel énonce que la procédure d’homologation n’est ouverte que dans la

mesure où la décision est susceptible d’exécution408. Cette décision a été suivie à plusieurs reprises puisque l’objet de l’homologation est de rendre la sentence exécutoire. Dans la logique, la suite d’une demande de reconnaissance ou d’homologation d’une sentence

404 Id.

405 Id., Art. 653 al.2 du C.p.c. les situations prévues par cette disposition sont « une partie n’avait pas la capacité

pour conclure la convention d’arbitrage; la convention d’arbitrage est invalide en vertu de la loi choisie par les parties ou, à défaut d’indication à cet égard, en vertu de la loi du lieu où la sentence arbitrale a été rendue ou la mesure décidée; etc… »

406 Par sentence contraire à l’ordre public, il faut entendre une mesure qui, par son dispositif ou son résultat,

heurte certaines valeurs jugées fondamentales au sein de l’ordre juridique québécois; en d’autres mots, qui viole l’ordre public politique et moral. Le juge ne peut et ne doit se servir de cette limite au pouvoir du tribunal arbitral pour s’immiscer sur le fond ou dans le processus suivi par les arbitres.

407 Si le litige fait partie des matières non arbitrables expressément édictées par l’article 2639 C.c.Q., préc., note

57.

408 Québec (Régie de l'assurance maladie) c. Fédération des médecins spécialistes du Québec, 1987 CanLII 901

arbitrale, la décision du juge d’exécution peut être soit un refus, soit une acceptation409. La procédure de reconnaissance ou d’homologation est une demande qui exige que l’intervention du juge soit uniquement superficielle410. On peut donc s’interroger sur la procédure de reconnaissance et d’exécution de la sentence arbitrale (A) et partant, également sur les suites possibles dans le cas d’un refus de reconnaissance. En d’autres termes, cette section nous permettra de démontrer le rôle du juge devant un contentieux d’exécution (B).

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