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Section I : Le principe de l’incompétence du juge et l’efficacité de la convention arbitrale

A. La compétence du juge en présence d’une convention d’arbitrage nulle

La première exception au principe d’incompétence du juge étatique est la nullité prima facie de la convention d’arbitrage. La nullité se définit comme la sanction de l’invalidité d’un acte juridique ou d’une procédure83. Les causes de la nullité d’une convention se constatent lorsque celle-ci ne respecte pas les conditions de formation ou lorsque le consentement des parties à cette convention est vicié. Dans le cas de la convention d’arbitrage, elle est réputée nulle si le juge constate soit une atteinte à l’ordre public, soit que son objet porte sur l’état et la capacité des personnes, sur les matières familiales ou encore si la clause compromissoire inscrite dans la convention ne porte pas les mentions importantes telles que « la recherche de l’intention

83 Dictionnaire Serge Braudo, https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/nullite.php, consulté le 17-01-

réelle des parties conduirait l’interprète à conclure que les parties les ayant omises envisageaient néanmoins un arbitrage à la fois obligatoire et final n’y changera rien. En d’autres termes, elle est réputée nulle lorsque les parties ont convenu à un arbitrage portant sur des droits indisponibles. Par exemple, la Loi sur la protection des consommateurs apporte des balises quant au recours à l’arbitrage en droit de la consommation84. Ces causes de nullité de la convention d’arbitrage ont été expressément prévues par le Code civil du Québec dans son article 263985.

Au Québec, ces questions relèvent de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. Il apparaît clairement que cette disposition législative est à caractère d’ordre public. Le législateur québécois a particulièrement cherché à protéger ces matières dont les parties ne peuvent disposer librement. Les questions qui intéressent l’ordre public restent toujours implicites, alors dans ce cas, « le juge sera celui qui en faisant cas des circonstances de chaque situation, déterminera les transgressions ou non à l’ordre public86 ». L’importance du juge étatique dans la procédure arbitrable est de taille, puisqu’il faut son accord pour valider la convention d’arbitrage. Soulignons que la fonction du juge étatique à titre de garant de l’ordre public interne ne fait pas de l’ombre à celle de l’arbitre. En effet, le juge intervient lorsque les parties s’adressent à lui. Par exemple, dans l’article 8 de la loi type de la CNUDCI, même si les parties s’adressent au juge, il est de sa responsabilité de les renvoyer à l’arbitrage.

Par ailleurs, lorsque le législateur attribue la compétence exclusive dans certains domaines, à certaines juridictions, cela n’entraîne pas l’exclusion systématique de l’arbitrage87 En effet, il

84 Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40. art. 11.1.

85 C.c.Q., préc., note 57, art.3639. Il s’agit d’une compétence exclusivement réservée aux juges étatiques afin de

garantir leur protection. Ils sont couverts par l’ordre public de protection.

86 Stéphanie CARTIER, « L’arbitrage international au Québec : ordre public interne ou ordre public

international ? », (1998) 11-1 RQDI 229‑261, en ligne : https://www.persee.fr/doc/rqdi (consulté le 3 octobre 2019).

87 Karim VINCENT, Les obligations, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, Para. 2062-2065, P. 859; en ligne :

<https://edoctrine.caij.qc.ca/wilson-et-lafleur-livres/114/1320381646>. Dans ces commentaires visant l'article 1438 de droit nouveau, M. Karim explique l'effet de la nullité des clauses en matières familiales : « Les parties à une entente portant sur le partage du patrimoine familial insèrent souvent en toute bonne foi une ou des clauses visant à avantager leurs enfants. Bien que l’objectif visé par cette clause soit louable, une telle clause peut être

convient tout d’abord de déterminer l’intention du législateur, à savoir : répartir les compétences au sein de l’ordre judiciaire (dans ce cas, l’arbitrage est possible) ou donner toute la compétence à une seule juridiction sur la question (dans ce cas, l’arbitrage est a priori exclu). Par exemple, en droit de la consommation ou du travail, conformément à l’art. 3149 C.c.Q., les autorités québécoises sont compétentes pour statuer sur un différend en la matière, dès lors que le travailleur ou le consommateur a sa résidence ou son domicile au Québec et reconnaît la compétence aux juridictions québécoises88

De plus, l’intention du législateur à rendre certaines matières non arbitrables, vise à protéger certains droits des manœuvres frauduleuses : tel est le cas de l’article 11.1 de la Loi sur la

protection du consommateur89. En effet, cet article interdit toute stipulation ayant pour effet soit d’imposer au consommateur l’obligation de soumettre un litige à l’arbitrage, soit de

contraire à certaines dispositions qui sont d’ordre public et, par conséquent, sera déclarée nulle. Une question légitime se pose alors : la nullité de cette clause dit-elle nécessairement engendrer la nullité de l’ensemble de l’entente? Chaque cas constitue un cas d’espèce et le tribunal doit procéder par étapes lors de son analyse. Il doit d’abord vérifier la validité de la clause en question et s’il constate sa nullité, il doit alors évaluer l’impact de cette nullité sur les droits et les obligations des parties qu’elles cherchaient à régler par leur entente. Ainsi, lorsque l’une des parties renonce au partage d’un bien faisant partie du patrimoine familial moyennant un engagement de l’autre partie de léguer ce bien par un testament aux enfants des parties, une telle clause doit être déclarée nulle, puisqu’elle contrevient à une règle impérative prévue à l’article 706 C.c.Q. qui stipule que « Personne ne peut, même par contrat de mariage ou d’union civile, […] abdiquer sa faculté de tester, de disposer à cause de mort ou de révoquer les dispositions testamentaires qu’il a faites ».

88 J-L. BAUDOUIN et Y. RENAUD, préc., note 53, art. 3149. Un litige entre deux compagnies ne rentre pas dans le

cadre de l’article 3149 C.c.Q., à l’inverse d’un litige entre eBay et des étudiants domiciliés au Québec. Ce contrat entre la plateforme et les étudiants est qualifié de contrat de consommation donc la compétence appartient aux juges étatiques voir les article 3148 C.c.Q. et suivants. Lire à ce sujet l’arrêt Mofo Moko c. EBay Canada Ltd., 2013 QCCA. Les contrats d’entreprise et de représentation indépendante ne sont pas des contrats de travail, voir l’arrêt Yunes c. Garland Canada Inc., C.S. 2004, contrairement aux bénéfices sociaux et aux pensions de retraite découlant du contrat de travail qui ont largement été interprétés et qui font partie du domaine d’application de l’article 3149 C.c.Q., voir à ce sujet l’arrêt Lebeau c. American federation of labor and congress of Industrial Organisations, AFLCIO, 2007 QCCQ. Ainsi, l’existence dans un contrat de consommation d’une clause d’élection de for à un tribunal étranger n’empêche pas le tribunal québécois de se déclarer compétent.

89 Loi sur la protection du consommateur, préc., note 85, dans l’affaire Ouellet c. Compagnie mutuelle

d’assurance Wawanessa, 2005 C.S. Il s’agit d’une requête d’ordonnance en vue de forcer leur assureur à nommer un arbitre, dans le cadre d’un différend relatif au montant des dommages découlant d’un sinistre couvert par la police d’assurance qui lie les parties. La requête est accueillie et le juge Roger Banford ordonne à la partie défenderesse la Compagnie mutuelle d’assurance Wawanessa de procéder à la désignation d’une personne qualifiée, à titre d’arbitre pour son compte, afin d’agir comme un des trois arbitres pouvant entendre le différend qui oppose les parties et pour rendre une sentence.

restreindre son droit d’ester en justice, notamment en lui interdisant d’exercer une action collective, soit de le priver du droit d’être membre d’un groupe visé par une telle action.

En conséquence, le tribunal judiciaire devient compétent dès lors que les parties conviennent d’un arbitrage portant sur des matières relevant de sa compétence. Il a également sa compétence lorsque les parties renoncent à la convention d’arbitrage qu’il avait conclue.

B. La renonciation du recours en arbitrage : le critère de l’inscription de la cause pour

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