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Section II : La compétence substantielle du juge dans la constitution du tribunal arbitral

A. La neutralisation des blocages dans la nomination des arbitres

Lorsque les parties se contentent de prévoir le recours à l’arbitrage sans référence à un organisme ou un règlement, elles peuvent s’exposer à certaines difficultés. Il en est ainsi lorsque la convention ne désigne pas les arbitres ou ne prévoit pas les modalités de leur désignation. Le Code de procédure civile du Québec et celui de la France proposent des solutions claires pour neutraliser ces difficultés.

En vertu de l’article 625, al. 1 C.p.c., le juge a le pouvoir d’intervenir pendant la nomination de l’arbitre en lieu et place des parties156. Par exemple, dans l’affaire Robitaille c. Centre Rail-

155 C.p.c., préc., note 7, art.630 dispose que : « la décision du tribunal sur la nomination, la récusation ou la

révocation est sans appel ».

156 C’est la définition même du juge d’appui que le droit français de l’arbitrage de 2011 consacre. En France, le

juge d’appui est à l’évidence un juge étatique et un juge qui apporte son concours à l’arbitrage. Voir l’article 1454 CPC.

Control Inc.157, il s’agissait d’un congédiement. En octobre 2000, Mme Robitaille, contrôleur ferroviaire, s’est vu congédié. Alors la requérante demande au tribunal de désigner un arbitre pour revoir la justesse de cette mesure, invoquant un document préparé par son employeur et intitulé « Manuel de l'employé - Contrôleurs de la circulation. L'employeur qui refuse de désigner un arbitre, soutient que cette demande est irrecevable vu l'absence d'une clause d'arbitrage au sens de l'art. 2638 C.c.Q. En effet, si une partie refuse de nommer un arbitre au motif que la convention d’arbitrage n’existe pas, le juge a compétence : en premier lieu, de déterminer l’existence de la convention d’arbitrage qui lie les parties et en deuxième lieu, de nommer l’arbitre, s’il y a vraiment convention d’arbitrage et de contraindre la partie qui a refusé de retourner en arbitrage158. Par ailleurs, il faudra fixer un délai pour que la partie qui a refusé de nommer un arbitre, puisse en nommer (applicable dans les cas où il y a plusieurs arbitres)159. De plus, l’article 625 C.p.c. attribue au tribunal étatique, la compétence nécessaire pour nommer l’arbitre, si les parties ne sont pas en mesure de le faire convenablement160. Cet article reflète l’intention du législateur qui est de mettre l’accent sur le principe de la volonté des parties. Autrement dit, seules les parties peuvent décider ou non de faire appel à l’assistance des tribunaux judiciaire161. L’objectif de cette disposition reste clair

157 Robitaille c. Centre Rail-Control Inc., [2001] JE1153, (C.S.) Ainsi, sur la base des articles 941.1 et 943 du

Code de procédure civile ancien, la Cour supérieure a la compétence pour se prononcer sur la validité de la convention d’arbitrage, qu’elle a d’ailleurs reconnue parfaite, et ensuite en application de l’ancien art. 941.1, elle a désigné l’arbitre, que l’employeur s’est vu dans l’obligation d’accepter. La Cour a donc contraint l’employeur qui a refusé de nommer un arbitre.

158 Contrairement aux dispositions du Code de procédure québécois, dans les textes du Code français, surtout

dans l’art. 327-5-1, le législateur français précise que le juge compétent pour nommer l’arbitre est le président du tribunal sur demande de l’une des parties, dans le cadre d’un tribunal arbitral composé d’un seul arbitre. Pour plus d’informations, voir le décret n 2011-48 du 13 janvier 2011. Ce texte permet au juge d’appui de régler tout différend lié à la constitution du tribunal arbitral.

159 Ouellet c. Compagnie mutuelle d’assurance Wawanessa, préc., note 89.

160 C.p.c., préc., note 7, art. 625 dispose que : « En cas de difficulté à nommer un arbitre, le tribunal peut, à la

demande d’une partie, prendre toute mesure nécessaire pour assurer cette nomination. Ainsi, il peut nommer un arbitre si une partie requise par l’autre partie d’en nommer un ne le fait pas dans les 30 jours qui suivent. Il peut également le faire si 30 jours après leur nomination les arbitres, s’ils sont plus d’un, ne s’accordent pas sur le choix d’un troisième ».

161 C. CARRIER et H. Reid, préc., note 24, commentaires sous l’art. 625 C.p.c. « Les parties peuvent, dans leur

convention d’arbitrage, écarter toute intervention judiciaire à l’étape de la constitution du tribunal arbitral et accepter de ne pas être assujetties aux dispositions du Code de procédure civile concernant la tenue de l’arbitrage et la nomination des arbitres. »

dans le sens où elle traduit la mise en œuvre de dispositif de secours pour conduire la convention d’arbitrage à son terme de manière efficace en cas de difficulté sur la nomination de l’arbitre. Le juge intervient à titre d’assistant pour les parties. Il joue le rôle de l’institution d’arbitrage chargée de constituer le tribunal arbitral162.

En conséquence, l’article 11, al. 4, de la Loi type et l’article 625, al. 2, précisent le pouvoir de nomination que le juge possèdera en cas de difficultés. Autrement dit, à défaut de s’entendre sur la désignation de l’arbitre unique, et ce, même lorsque la complexité de l’affaire requiert la présence de trois arbitres, ce qui en principe ne devrait pas soulever de difficultés dans la constitution du tribunal arbitral, une partie peut demander l’intervention du tribunal judiciaire si cette fonction n’a pas été confiée à un tiers163 dans le délai requis (les 30 jours suivants, sous réserve d’une disposition contraire).

La neutralisation des difficultés survenant lors de la nomination d’un arbitre dans les trente (30) jours suivant la demande de l’autre partie justifie partiellement la compétence subsidiaire du juge dans le déroulement d’un arbitrage. Nonobstant, le juge peut également proroger le délai de 30 jours afin que les deux premiers arbitres puissent nommer le troisième arbitre. Il veille à ce que les arbitres puissent nommer également un président du tribunal arbitral. Si les arbitres ne s’accordent pas sur le choix du troisième arbitre, l’article 625, al. 2, lui permet de nommer l’arbitre en lieu et place des deux autres arbitres. Cette compétence est limitée à la mission du juge de nommer les arbitres.

À la différence de la mission juridictionnelle de l’arbitre, celle du juge d’appui dans la constitution n’a pas de délai, mais il serait raisonnable qu’elle puisse être menée à terme très rapidement afin de ne peut empiéter sur le temps de la mission de l’arbitre, si celle-ci est valablement constitué.

162 Id., référence note de bas n 880. 163 L. CHAMBERLAND et al., préc., note 44.

En plus de la neutralisation des difficultés dans la procédure de nomination des arbitres, le juge d’appui est aussi compétent pour neutraliser les difficultés nées à la suite de cette nomination. Autrement dit, à la demande de l’une des parties ou des deux parties, la loi attribue au juge le pouvoir de procéder à la récusation de l’arbitre ou à la révocation de la mission de l’arbitre et de le remplacer au besoin.

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