• Aucun résultat trouvé

Section I : Le principe de l’incompétence du juge et l’efficacité de la convention arbitrale

A. Le régime spécifique de la convention d’arbitrage : l’autonomie et l’exigence de

La particularité de la convention d’arbitrage réside dans le fait que les droits et les obligations sont similaires56 En principe, l’essence des contrats réside dans les effets qu’ils produisent, en l’espèce la détermination de droits et d’obligations des parties qui y sont liées. De ce fait, la convention d’arbitrage ne peut être considérée comme un contrat type. En d’autres mots, les droits et les obligations des parties ont trait à leur volonté à s’engager dans l’arbitrage lorsqu’un litige naît ou naîtra éventuellement dans leurs rapports contractuels. Le droit et l’obligation résultant de cette convention se confondent donc en une même réalité pour les parties au contrat. Elles sont tenues de respecter leurs engagements et d’éviter de commettre des manœuvres dilatoires afin de s’y soustraire. C’est le premier point de la convention

56 Jean-Denis GAGNON, « La convention d’arbitrage : les arbitres ou la cour ? », R. du B. 2010.69.3. Au para 11,

l'auteur affirme que : " S’il est de l’essence des contrats de déterminer, tant les droits que les obligations des parties, entre lesquelles ils interviennent, la convention d’arbitrage ne saurait certes être considérée comme un contrat type. Le droit et l’obligation résultant de cette convention se confondent donc en une même réalité pour les deux parties signataires. Elles sont tenues de soumettre à l’arbitrage le litige qui les oppose En cela, la convention d’arbitrage diffère des autres contrats synallagmatiques ou bilatéraux, définis à l’article 1380 du Code civil, lesquels comportent pour chacune des parties, des obligations corrélatives, mais distinctes".

d’arbitrage au détriment des autres contrats synallagmatiques ou bilatéraux, définis à l’article 1380 du Code civil57, lesquels comportent pour chacune des parties des obligations corrélatives, mais distinctes. Ceci nous conduit dans un premier paragraphe, à analyser cette particularité de la convention d’arbitrage.

1. L’autonomie de la convention d’arbitrage

La législation québécoise précise que : « la convention d’arbitrage est le contrat par lequel les

parties s’engagent à soumettre un différend né ou éventuel à la décision d’un ou de plusieurs arbitres, à l’exclusion des tribunaux »58. Dans la majorité des cas, la convention d’arbitrage peut être un contrat inclus dans un autre contrat, c’est une clause particulière. En effet, elle est matérialisée par une clause compromissoire59 qui mentionne la volonté des parties de soumettre à un arbitrage, un éventuel différend qui pourrait surgir entre elles. De cette clause compromissoire naîtra pour les parties l’obligation de recourir à l’arbitrage, en cas de différends ayant un rapport avec l’objet de leur contrat ou l’objet pour lequel elles en ont convenu. En l’espèce, dans l’affaire Zodiak International Productions Inc. c. Polish People’s

Republic60, la Cour a conclu que la clause compromissoire dite « parfaite » oblige à l’avance les parties à soumettre tout litige pouvant naître du contrat à l’arbitrage et exclue le recours aux tribunaux de droit commun. En conséquence, une clause compromissoire vise les litiges nés ou futurs et oblige les parties.

57 Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art. 1380. Cet article dispose que : " Le contrat est synallagmatique

ou bilatéral lorsque les parties s’obligent réciproquement, de manière que l’obligation de chacune d’elles soit corrélative à l’obligation de l’autre. Il est unilatéral lorsque l’une des parties s’oblige envers l’autre sans que, de la part de cette dernière, il y ait d’obligation".

58 Id., On entend par « tribunaux » ou « tribunal compétent », sauf indication contraire du contexte, toute les

cours du Québec, notamment la Cour supérieure, de district ou de comté.

59 La clause compromissoire est une clause insérée dans un contrat par laquelle les parties conviennent à l’avance

de soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître entre elles lors de l’exécution du contrat. Pour qu’elle soit valide, elle doit préciser que la sentence rendue sera finale et liera les parties. Sport Maska Inc. c. Zittrer, 1988 CanLII 68 (CSC).

La convention d’arbitrage revêt une importante capitale : c’est la pierre angulaire sur laquelle repose toute l’efficacité de l’arbitrage61. La convention d'arbitrage est soumise aux dispositions

applicables aux obligations de manière générale (article 1377 C.c.Q.). En plus de ses conditions d’existence particulières62, il faut que les parties soient capables d’obliger et d’être

obligées à leur tour, qu’elles aient donné valablement leur consentement et que la cause et l'objet de la convention soient licites. Ce rappel théorique au regard de la théorie générale des obligations n'est pas inutile puisqu'il suffit qu'un acte juridique, y compris la convention d'arbitrage, ne respecte pas les préalables de formation ou de validité prévus par la loi pour qu'il soit frappé de nullité absolue63 ou même qu’il puisse être constaté comme n’avoir jamais

existé64.

La convention d’arbitrage est une clause distincte des autres clauses du contrat principal65. En

effet, l’autonomie de la convention d’arbitrage est une particularité de celle-ci. Cette autonomie se constate tant à l’égard du contrat principal qu’à l’égard des tribunaux judiciaires. Par exemple, la constatation de vices dans le contrat principal n’affecte pas la convention d’arbitrage, puisque les arbitres ne peuvent refuser de mener la mission qui leur est confiée au motif que le contrat principal est nul66. Ainsi, dès lors que la mission est acceptée, ils sont

obligés envers les parties et ont une compétence exclusive pour statuer sur le fond du litige qui oppose les parties.

Ce pouvoir exclusif attribué aux arbitres dessaisit les tribunaux judiciaires implicitement en présence d’une clause d’arbitrage. C’est l’une des nombreuses conséquences de l’expression

61 Jean-François POUDRET ET Sébastien BESSON, Droit comparé de l’arbitrage international, Genève, Schulthess

Médias Juridiques Sa, 2002. P.121.

62 J. D. GAGNON, préc., note 56. C.c.Q, préc., note 52, arts. 2638 et suivant et d'autres dispositions du C.p.c. au

titre de l'arbitrage.

63 C.c.Q., préc., note 57, arts. 1416 et 1417. 64 Id., art. 1422

65 Id., art. 2642 dispose que : « Une convention d’arbitrage contenue dans un contrat est considérée comme

convention distincte des autres clauses de ce contrat et la constatation de la nullité du contrat par les arbitres ne rend pas nulle pour autant la convention d’arbitrage ».

de la liberté contractuelle des parties. Ce dessaisissement concerne la conduite de la procédure. En fait, les tribunaux ne peuvent intervenir sur la manière dont les parties veulent gérer leur convention et sur les éléments qui la contiennent. Cette tâche est laissée à la seule discrétion des parties. En ce qui concerne l’autonomie de la convention d’arbitrage envers le contrat principal, le législateur a expressément prévu qu’« une convention d’arbitrage

contenue dans un contrat est considérée comme une convention distincte des autres clauses de ce contrat et la constatation de la nullité du contrat par les arbitres ne rend pas nulle pour autant la convention d’arbitrage67 ». C’est une spécificité de la convention d’arbitrage. Elle est

à l’abri des vices que peut contenir le contrat principal.

Par conséquent, l’efficacité de la convention d’arbitrage repose en partie sur le respect de son autonomie. L’autre spécificité de la convention d’arbitrage est sa condition formelle, à savoir l’exigence de l’écrit.

2. Les conditions formelles : l’exigence de l’écrit

La convention d’arbitrage est un contrat nommé, expressément édicté et régi par la législation québécoise68. Elle doit satisfaire toutes les conditions de formation liées au contrat conformément au droit des obligations et des contrats et aux autres dispositions qui la régissent. À cet effet, le Code civil du Québec ainsi que certaines lois69 prévoient que la convention d’arbitrage doit normalement être consignée par écrit. Cette exigence de l’écrit ne

67Id., art. 2640. Il en va de même en ce qui concerne l’arbitrage par avocats. L’article 382 C.p.c. mentionne

expressément concernant ce type d’arbitrage que la demande que les parties adressent un tribunal doit être signée par elles, ce qui donne clairement à entendre que cette demande doit être formulée par écrit.

68 Id.

69 Id., voir à cet effet les commentaires de Madame la ministre de la Justice du Québec sous l’article 2640. Elle mentionne que cet article : « vise à protéger les cocontractants, en exigeant que la convention d'arbitrage soit constatée dans un écrit; s'il n'est pas nécessaire que cet écrit soit fait dès la conclusion de la convention, il doit cependant être produit lorsque sa preuve est exigée, à moins qu'il ne puisse alors être présumé »; voir également l’art 1433 du Décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011, préc., note 48. Cet article maintient l'exigence selon laquelle ces conventions doivent être écrites à peine de nullité, tout en tenant compte de la jurisprudence en vertu de laquelle la convention d'arbitrage peut résulter d'un échange d'écrits ou d'un document auquel il est fait référence dans la convention principale (Rapport au Premier ministre relatif au Décr. no 2011-48 du 13 janv. 2011, JO 14

servira pas seulement à l’admission de la preuve, mais permettra également de confirmer que la volonté des parties est de recourir à l’arbitrage en cas de litiges nés ou éventuels. Cette justification de la condition formelle de la convention d’arbitrage est soutenue par le professeur Alain Prujiner70. En effet, il souligne que l’exclusion des tribunaux dans la procédure doit indiscutablement être assujettie à un formalisme particulier, car la renonciation au droit d’accès aux tribunaux judiciaires revêt un caractère sérieux et fondamental : c’est la volonté des parties de renoncer à leur droit de s’adresser aux tribunaux.

Cependant, se pourrait-il que l’exigence d’un écrit comme une condition de validité ne soit pas absolue? En fait, le même article qui consacre la condition formelle de la convention d’arbitrage prévoit dans un même temps sa relativité. L’article 2640 C.c.Q. dispose qu’« …

elle est réputée l’être si elle est consignée dans un échange de communications qui en atteste l’existence ou dans un échange d’actes de procédure où son existence est alléguée par une partie et non contestée par l’autre 71». Autrement dit, la volonté des parties à vouloir recourir à l’arbitrage en cas de différend peut être constatée par d’autres moyens de preuve, par exemple des échanges de communications, des échanges de lettres72 ou encore la clause compromissoire contenue dans un contrat d’adhésion en ligne à laquelle on accède par hyperlien73. Ces moyens de preuve sont considérés comme des moyens de commencement de preuves écrites; elles laissent des traces écrites qui détermineront la validité de la convention d’arbitrage qui lie les parties. Tel est le cas dans l’arrêt Sport Maska Inc. c. Zittrer74, où la Cour suprême précise les facteurs pouvant permettre la détermination de la volonté des parties de recourir à l’arbitrage. La particularité et l’efficacité de la convention d’arbitrage reposent

70 Alain PRUJINER, Validité et efficacité des conventions d’arbitrage, Cours de perfectionnement du notariat,

1995.

71 C.c.Q., préc., note 57, art. 2640.

72 Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) Inc., préc., note 23, Les échanges de lettres entre madame Christine

L’heureux et madame Desputeaux dans l’affaire.

73 Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs, préc., note 23, la clause compromissoire contenue dans un

contrat d’adhésion.

74 Lire l’arrêt Sport Maska Inc. c. Zittrer, préc., note 59, P. 588 et suivantes, en ce qui concerne la notion de

sur l’incompétence des tribunaux en présence d’une clause compromissoire. C’est encore l’une des particularités de la convention d’arbitrage.

Outline

Documents relatifs