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Section II : Les modalités d’exercice du recours en annulation

A. L’innovation française : la renonciation conventionnelle du recours en annulation

La possibilité pour les parties de renoncer à leur droit de recourir à un tribunal judiciaire pour annuler la sentence arbitrale est une hypothèse qui nous semble pertinente. En effet, cette hypothèse nous éclaire sur le caractère exclusif du pouvoir de contrôle du tribunal judiciaire en matière d’annulation de la sentence arbitrale. Tel est dans le décret du 13 janvier 2011 portant réforme du droit de l’arbitrage en France, le législateur français évoque la possibilité pour les parties de renoncer au préalable à faire appel au juge, quelle que soit la décision de l’arbitre (A). Par préalable, il faut entendre depuis la rédaction de la convention d’arbitrage, la renonciation est insérée comme une clause. Cependant, que dit le droit de l’arbitrage québécois à ce sujet? Comment pourrait-on interpréter le silence du législateur sur la question (B)? Nous essaierons de démontrer l’innovation au niveau du droit de l’arbitrage français en ce qui concerne le pouvoir des parties. Mieux encore, nous démontrerons la place des pouvoirs attribués au juge dans la phase post-arbitrale.

A. L’innovation française : la renonciation conventionnelle du recours en annulation de la sentence arbitrale

L’une des innovations les plus emblématiques de la réforme est la faculté pour les parties de renoncer expressément, par convention, à leur droit de présenter un recours en annulation d’une sentence rendue en France493 En effet, la recevabilité du recours en annulation peut faire l’objet d’une stipulation contraire par laquelle les parties renoncent à l’exercice de ce droit. Dans ce cas, l’arbitre le fera savoir au juge compétent pour qu’il procède à l’exequatur sans autres formalités en suivant les règles prévues pour l’exécution des sentences arbitrales dans son régime juridique494.

493 Y. FORTIER, préc., note 491, p. 17.

494 Fernández Carlos ROZAS, « Le rôle des juridictions étatiques devant l’arbitrage commercial international »,

Faut-il rappeler qu’avant cette réforme, une telle renonciation n’était point autorisée en vertu de la loi française495? La réforme française a eu pour objectif de renforcer l’autorité des sentences rendues en France. Cet objectif soulève la question de savoir si cette renonciation peut s’appliquer aux sentences rendues hors France et, plus précisément, aux sentences arbitrales internationales. Cette innovation, déjà introduite dans d'autres législations en matière d'arbitrage, est extrêmement libérale dans la mesure où seul un accord explicite des parties est exigé496. Par exemple, l’article 192, alinéa 1, de la loi suisse sur le droit international privé semble clairement favorable à cette position497, qui a donné lieu dans la Confédération à un développement jurisprudentiel opportun498 en vertu duquel la renonciation au recours doit s’interpréter de façon stricte et rigoureuse et exigeant une déclaration quasi solennelle. Dans le même ordre d’idée, il y a la solution belge, par une loi du 24 juin 2013. En effet, le législateur fédéral belge a profondément réformé le droit belge de l’arbitrage, en s’inspirant largement de la loi type de la CNUDCI499. Cependant, l’art. 1718 du Code judiciaire qui prévoit que : « les

parties peuvent, par une déclaration expresse dans la convention d’arbitrage ou par une convention ultérieure, exclure tout recours en annulation d’une sentence arbitrale lorsqu’aucune d’elles n’est soit une personne physique ayant la nationalité belge ou une résidence en Belgique, soit une personne morale ayant en Belgique son principal établissement ou y ayant une succursale » ne fait pas partie de la loi-type500. Malgré la

495 CPC, préc., note 52, art.1522. Cet article dispose que : « par convention spéciale, les parties peuvent à tout

moment renoncer expressément au recours en annulation […] ». Sur la renonciation du recours en annulation consacrée à l’article 1510 C.p.c. français, voir Gaillard et de Lapasse, « commentaire analytique du décret du 13 janvier 2011 portant réforme du droit français de l’arbitrage » (2011) 2 Cahiers de l’arbitrage 263 aux par.116- 120.

496 PIERRE.LALIVE, préc., note 100. 497 J. C. F. ROZAS, préc., note 498.

498 Dans la pratique, cependant, ce n’est qu’une possibilité que l’on offre aux parties quand il s’agit d’affaires

éminemment internationales et pourvu que la volonté de renonciation au recours soit claire et déterminée; voir arrêt du Tribunal fédéral du 9 avril 1991, Rev. Arb., 1991, p. 709, avec note Y. Tschanz.

499 Jean-Matthieu JONET, « La réforme du droit Belge de l’arbitrage: Une nouvelle transposition de la loi Type de

la commission des Nations Unies pour le droit commercial international », 2013, vol.3 n°2.

réforme, le législateur belge a jugé « opportun » de conserver cette disposition du droit antérieur.

Ainsi, la nouvelle disposition du décret du 13 janvier 2011 portant réforme du droit français de l’arbitrage accorde une plus grande place à l’autonomie des parties et confère un caractère définitif à la sentence arbitrale dès son prononcé501. Le professeur Gaillard souligne que : « Dans une telle hypothèse [c’est-à-dire, lorsque les parties ont exclu la faculté d’exercer un recours en annulation à l’encontre d’une sentence rendue en France], le contrôle des juridictions françaises n’interviendra que si une partie souhaite voir la sentence exécutée en France. On ne saurait dire plus clairement que, même lorsqu’il se déroule en France, l’arbitrage n’entre en contact avec l’ordre juridique français que lorsqu’une partie cherche à bénéficier de la force publique française pour assurer l’exécution de la sentence arbitrale. Avant ce moment, l’arbitrage était sous la seule dépendance de la volonté des parties, le législateur français ne faisant qu’offrir son soutien à un mécanisme de règlement de différends qu’il estime légitime, sans que ce soutien puisse être confondu avec une quelconque volonté d’immixtion dans un processus qui demeure, avant l’exécution forcée, purement privé502. » Dans cette même optique, Madame Jennifer Kirby explique que la partie ayant renoncé à son droit de demander l’annulation d’une sentence arbitrale pourra tout de même s’opposer à une demande de reconnaissance et d’exécution de cette sentence en France503. En effet, les droits français, Suisse et Belges ouverts à cette possibilité, ont mis en œuvre de nouvelles procédures pour dissuader les plus récalcitrants de s’adonner à des manœuvres dilatoires. Cette renonciation à faire appel au juge étatique démontre que ces systèmes sont favorables à l’investiture du pouvoir de l’arbitre; elle démontre la primauté du pouvoir de l’arbitre. Cela n’est-il pas synonyme de renversement du pouvoir exclusif du juge étatique au profit de l’arbitre?

501 Y. FORTIER, préc., note 491.

502 GAILLARD ET DE LAPASSE, « Commentaire analytique du décret du 13 janvier 2011 portant réforme du droit

français de l’arbitrage » (2011) 2 Cahiers de l’arbitrage 263 au para. 116-120.

Par ailleurs, cette renonciation permet de constater que la promotion de l’arbitrage envahit progressivement le contrôle de la sentence et, surtout, en matière d’arbitrage interne. Ceci déclasse l’intervention du juge au second rang si les parties n’y renoncent pas. Cependant, certaines juridictions restent jusqu’à présent très timides sur la question. C’est notamment le cas du Québec504, contrairement à l’Ontario, où les tribunaux ont reconnu cette possibilité aux parties sans toutefois que cette reconnaissance soit prévue expressément dans la loi505.

B. La position du droit de l’arbitrage québécois sur la possible renonciation du recours en

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