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Section II : La compétence substantielle du juge dans la constitution du tribunal arbitral

B. Les blocages liés à la constitution du tribunal arbitral

1. L’existence d’une difficulté dans la nomination des arbitres

L’article 625 C.p.c., al. 1, stipule qu’« en cas de difficulté à nommer un arbitre, le tribunal peut, à la demande d’une partie, prendre toute mesure nécessaire pour assurer cette nomination ». Aux termes de cet article, soulignons que le juge ne peut intervenir d’office même s’il est compétent. L’intervention du juge dans la procédure de nomination se fait au motif de l’existence d’une difficulté pendant la nomination par les parties. Quelle que soit la composition du tribunal, c’est-à-dire si le tribunal arbitral est composé d’un arbitre unique ou de trois arbitres, dès lors que le blocage est constaté, le juge a compétence pour agir afin de

120 F. BACHAND, préc., note 9.

121 C.p.c., préc., note 7, art. 625, al. 2, dispose que : « Ainsi, il peut nommer un arbitre si une partie requise par

l’autre partie d’en nommer un ne le fait pas dans les 30 jours qui suivent. Il peut également le faire si 30 jours après leur nomination, les arbitres, s’ils sont plus d’un, ne s’accordent pas sur le choix d’un troisième. »

122 Loi type de CNUDCI, préc., note 6, art. 11, al. 3(b). Il dispose ceci : « En cas d’arbitrage par un arbitre unique,

si les parties ne peuvent s’accorder sur le choix de l’arbitre, celui-ci est nommé, sur la demande d’une partie, par le tribunal ou autre autorité visée à l’article 6 ». Article 6 de ladite convention.

débloquer la situation et de permettre aux parties de respecter la convention qui les unit, au risque de voir le processus arbitral paralysé par ces difficultés123.

De plus, dans l’alinéa 2 de l’article précité, le législateur énonce les difficultés qui surviennent lors de la procédure de nomination124. À la base, la difficulté dans la constitution du tribunal arbitral la plus récurrente est le choix des arbitres125. Le professeur Gara souligne que s’il en est ainsi, c’est parce qu’il n’est pas toujours aisé pour les parties de s’accorder sur le choix de l’arbitre unique126.

À cette difficulté s’ajoute la plus pertinente provoquée par l’une des parties à des fins dilatoires127 : par exemple, lorsque l’une des parties refuse de coopérer avec l’autre pour la nomination des arbitres ou lorsque l’arbitre démissionne pendant l’instance arbitrale. Le simple fait que les parties n’ont pas pu s’accorder sur le choix de l’arbitre unique ou des arbitres entraîne le blocage de la constitution des parties. Cette situation résulte du fait que les arbitres sont investis de leur compétence par la volonté des parties. Cette investiture est constatée par l’établissement d’un contrat bilatéral liant les parties à l’arbitre, qui accepte sa mission128. Le contrat d’investiture suppose l’attribution au tribunal arbitral de prérogatives et de facultés qui lui permettront de statuer sur le litige en toute conformité129.

123 L. CHAMBERLAND et al., préc., note 44, commentaire sur l'article 625 C.p.c. 124 Id., sous-section I par. 2.

125 N. GARA, préc., note 97, p. 63. 126 Id.

127 Id.

128 Alejandro FLORES PATIÑO, La compétence du tribunal arbitral dans l’arbitrage commercial, Mémoire de

maîtrise, Montréal, Faculté de droit- université de Montréal, 2006.

129 Id., Ce contrat produit deux sortes d’effets : un effet contractuel et un effet juridictionnel. Le premier implique

la naissance de droits et d'obligations pour les parties au litige et pour l'arbitre ou l'institution d'arbitrage. Le second signifie l'attribution d'un ensemble de facultés ou de prérogatives que le tribunal devra exercer dans une ou des affaires données. Le contrat d'investiture, comme l'affirme la cour d'appel de Paris dans l'affaire Bompard c. Consorts C. et autres, Paris, 22 mai 1991, Revue de l'arbitrage. 1996.3.48l « investit l'arbitre du pouvoir de trancher le litige en le faisant accéder à la fonction de juge »; voir à ce sujet Alexandre Ditchev, dans " le contrat d'arbitrage, essai sur le contrat ayant pour objet la mission d'arbitrer " Revue de l'arbitrage, 1981 p. 397.

De même, la Loi type de la CNUDCI envisage cette solution dans les situations où la constitution du tribunal pourrait se heurter à des difficultés. Retenons que les dispositions de la loi ne souffrent d’aucune ambiguïté130. Elles sont très claires et laissent paraître l’intention de donner compétence au juge lorsque les parties lui demandent de l’assistance. En effet, l’article 11(3) b) de la Loi type de la CNUDCI donne expressément le pouvoir au juge de nommer un arbitre (en cas d’arbitre unique), lorsque survient un blocage dans la nomination de ceux-ci par les parties131. Le juge a compétence sur demande des parties, seulement dans les cas où elles n’arrivent pas à s’accorder sur le choix de l’arbitre. En outre, l’énonciation des hypothèses pouvant constituer un blocage au sens du droit de l’arbitrage québécois se trouve à l’alinéa 4 de l’article précité. Cet alinéa précise également que : « lorsque, durant une procédure de

nomination convenue par les parties, a) une partie n’agit pas conformément à ladite procédure; ou b) les parties, ou deux arbitres, ne peuvent parvenir à un accord conformément à ladite procédure; ou c) un tiers, y compris une institution, ne s’acquitte pas d’une fonction qui lui est conférée dans ladite procédure »132, le tribunal est compétent pour nommer l’arbitre en lieu et place. En vertu des articles 625 du C.p.c. et 11(3) et (4) de la Loi type de la CNUDCI, le juge a compétence pour trancher un différend relatif à la nomination d’un ou des arbitres, à la demande de l’une des parties. Rappelons que, cet appel d’aide au juge confirme l’existence d’un blocage dans cette phase.

Pour finir, en vertu de l’article 624 C.p.c., les parties peuvent désigner un tiers afin qu’il aide à la nomination133. Cette attribution de fonction au tiers désigné n’est pas à l’abri des blocages. En effet, le tiers peut refuser le mandat que lui ont confié les parties, ou être incapable de

130 Les travaux préparatoires de la CNUDCI sont eux aussi très clairs quant à la compétence du juge dans la

constitution du tribunal arbitral. Ils prévoient à cet effet que cette compétence est établie « dans les deux cas visés au para. 11(3) de ladite loi ».

131 Id., note 61.

132 Loi type de la CNUDCI, préc., note 12, Chap. premier, art. n°4.

133 C.p.c., préc., note 7, art. 624 dispose que : « les parties nomment un arbitre pour trancher leur différend. Elles

le font d’un commun accord, à moins qu’elles n’aient demandé à un tiers de le désigner. » Dans un même sens, la Loi type de la CNUDCI, préc., note 12, art. 11(4) prévoit que : « lorsque, durant une procédure de nomination convenue par les parties, c) un tiers, y compris une institution, ne s’acquitte pas d’une fonction qui lui est conférée dans ladite procédure ».

l’exécuter ou de l’accepter. Il peut également négliger d’accomplir un ou plusieurs actes prévus dans la procédure de nomination134. Ces blocages arrivent le plus souvent lorsque l’une des parties veut se soustraire à la convention d’arbitrage préalablement conclue. Le juge s’assurera que cette convention est valablement constituée afin qu’elle puisse produire son effet positif.

Les difficultés énoncées justifient amplement l’intervention du juge et l’attribution de ses pouvoirs visant à assurer la nomination des arbitres. Ce blocage n’est pas la seule justification de l’attribution des pouvoirs par le législateur au juge étatique en matière de constitution du tribunal arbitral. En effet, une autre difficulté peut survenir durant la procédure de récusation. Par exemple, la récusation d’un ou des arbitres de manière artificielle, afin de retarder la constitution définitive du tribunal arbitral135.

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